Hyman Minsky est l’économiste
qui a popularisé l’idée que « la stabilité mène à l’instabilité ».
Selon Minsky et ses disciples, le crédit s’élargit rapidement en période de
croissance, au point que bien trop d’emprunts soient contractés par des
entités fragiles et vulnérables, pour semer ainsi les graines d’une nouvelle
crise financière. C’est pourquoi le début d’une crise financière est aujourd’hui
assez souvent qualifié de « moment de Minsky ». Malheureusement, l’analyse
de Minsky était bien trop superficielle.
Minsky a décrit un processus au
cours duquel la finance est devenue de plus en plus spéculative. Au début,
une majorité de la nouvelle dette contractée peut être remboursée grâce aux
flux de trésorerie générés par les investissements financés par la dette. A
ce stade, l’économie est encore robuste. En revanche, le succès financier et
la hausse des prix des actifs pousse les emprunteurs et les prêteurs à
prendre toujours plus de risques, jusqu’à ce que l’économie en arrive à un
point où le remboursement des nouvelles dettes dépend de la hausse
continuelle des prix des actifs. A ce moment-là, l’économie se fragilise,
parce que tout ce qui vient interrompre la tendance haussière des prix des
actifs déclenche potentiellement une liquidation de grande échelle des investissements,
ainsi qu’une récession économique.
Cette description du processus
est majoritairement correcte, mais plutôt que de chercher à en déterminer les
causes sous-jacentes, Minsky s’allie aux Keynésiens et estime simplement que
ce processus se développe naturellement. L’analyse de Minsky est donc basée
sur l’idée que la tendance de croissance et de récession soit simplement
inhérente à l’économie capitaliste/de marché.
Selon la vision du monde
développée par les Keynésiens en général et Minsky en particulier, les
acteurs de l’économie deviennent graduellement optimistes sans raison
particulière, et leur optimisme finit par les pousser à prendre bien trop de
risques. L’heure de vérité finit enfin par sonner, et un moment de Minsky se
présente. Ces économistes n’en viennent jamais à réaliser que, bien qu’un
individu puisse mal interpréter la situation et investir pour des raisons
idiosyncratiques, la seule manière pour un tel phénomène de se développer à l’échelle
de l’économie est de voir le prix qui affecte tous les investissements
fournir un signal trompeur. Et le prix qui affecte tous les investissements
est bien évidemment celui du crédit.
Avant la naissance des banques
centrales, le prix du crédit était souvent distordu par le système bancaire
de réserve fractionnaire, qui n’est pas un élément naturel de l’économie de
marché. Aujourd’hui, en revanche, le prix du crédit est distordu par les
banques centrales, qui ne sont pas des éléments naturels de l’économie de
marché. Ce qui est appelé un moment de Minsky pourrait donc mieux être
qualifié de « moment des banques centrales ».
Je m’attends à ce que le
prochain moment des banques centrales se présente sous douze mois. Je m’attends
également à ce qu’il soit qualifié de moment de Minsky, ou de tout autre nom
susceptible de détourner encore une fois le blâme, et que les banques
centrales seront encore une fois perçues comme faisant partie de la solution
plutôt que pour ce qu’elles sont : le plus gros du problème.