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À force de se rapprocher d’un défaut de remboursement sur sa dette, la
Grèce finira tôt ou tard par s’y résoudre : un accord permettant de financer
celle-ci devient de plus en plus improbable et les prévisions sur les
disponibilités financières du gouvernement sont très variables. Les autorités
européennes restent crispées sur des exigences qui ne règleraient rien s’il y
était répondu ; elles sont seules à prétendre – et pas
nécessairement toutes à croire – que la Grèce pourrait dégager un excédent
primaire budgétaire lui permettant de rembourser sa dette. L’acharnement de
ces autorités exprime un déni bien ancré, augurant mal de la suite.
Quel choix reste-t-il désormais à la Grèce, si un défaut intervient
faute de financement ? Soit de renouer avec la drachme, soit de faire défaut
sans abandonner l’euro, car rien ne l’obligera en soi à le faire. Pour être
tenu, ce dernier scénario impose cependant l’adoption d’une panoplie de
mesures, comprenant un renflouement du système bancaire grec, dont la mise en
place doit être préparée. Les autorités communautaires pourraient d’ailleurs
contribuer à ce sauvetage afin d’éviter un scénario de sortie de l’euro
considéré comme le pire en raison de ses implications aggravées. « Si la
crise se précipite, nous entrerons dans des eaux inexplorées » a mis en
garde Mario Draghi. Les banques grecques ont d’après Christian Noyer, le
gouverneur de la Banque de France, reçu à ce jour 110 milliards d’euros
d’aide d’urgence (ELA). Cette dette s’ajoute aux 245 milliards d’euros dus
par l’État, et dont le remboursement deviendrait très aléatoire. Il y a là
également de quoi faire réfléchir les autorités européennes qui sont dans la
position d’un banquier ayant soutenu une entreprise au-delà du raisonnable et
risquant d’être condamné pour soutien abusif…
Jusqu’au bout, les dirigeants européens se seront fourvoyés vis à vis de
la Grèce, le dernier épisode en date étant leur tentative d’imposer leurs
quatre volontés. Avec aveuglement, ils ont refusé les portes de sortie dont
le gouvernement grec leur a proposé de discuter, parce qu’elles conduisaient
à des remises en question inenvisageables. Dans cette logique, ils ont imposé
la tenue de négociations en deux temps, afin de repousser celles sur le
remboursement de la dette pour la mener à leur avantage, mais le premier
obstacle n’a toujours pas été franchi. On pourrait s’acheminer ainsi jusqu’à
fin juin, estime l’économiste du FMI chargé de l’Europe Poul Thomsen, ce qui
donnerait raison aux Grecs qui réclamaient une seule négociation !
Jouer les matamores n’a cependant pas empêché certains dirigeants
européens de laisser échapper par moments un sentiment d’impuissance devant
une situation qui leur a continuellement échappé des mains. La donne est
nouvelle, les Grecs se sont refusés à jouer le jeu entre gens raisonnables du
même monde, et les dirigeants européens n’ont pas de plan B. Faute de mieux,
ils continuent d’exhorter le gouvernement grec à adopter des mesures de
réformes du travail, de la sécurité sociale et d’austérité sans oser les
revendiquer publiquement étant donné leur contribution au spectacle qu’offre
déjà la société grecque.
Si la position défendue par le gouvernement grec qui s’inscrit dans le
cadre de son mandat se comprend aisément, celle des autorités européennes
suscite plus d’interrogations. Pourquoi donc cette intransigeance, ce refus
absolu d’envisager une nouvelle restructuration de la dette grecque ?
Pourquoi maintenir la fiction d’un remboursement qui ne se fera pas de toute
façon ? Sans doute faut-il pour le comprendre distinguer les croyants de ceux
qui par tactique feignent de l’être. Les premiers craignent au nom de leur
dogme ordo-libéraliste l’effet boule de neige d’une restructuration de la
dette grecque, les seconds cherchent les occasions de biaiser sans braver
ouvertement une politique qu’ils ont eux-mêmes adoptée et n’hésitent pas à
lâcher les Grecs pour coller au gouvernement allemand. Ils sont des ralliés
du libéralisme, et érigent en stratégie leurs finasseries tactiques faute de
mieux, tous, affiliés à des partis de gouvernement de droite ou de gauche, la
différence entre les deux s’estompant, ils sont en capacité de
gouverner selon leur pauvre jargon. Mais leur action suscite une désaffection
marquée qui se fraye son chemin où elle peut, comme constaté. La crise
politique se révèle aussi profonde et s’annonce aussi durable que celle du
système financier. Prochain épisode électoral : la fin du bipartisme au
Royaume-Uni.
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