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Cours Or & Argent

Les dévaluations de 1933 ne justifient pas les excès monétaires d’aujourd’hui

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New World Economics
Extrait des Archives : publié le 18 février 2015
1774 mots - Temps de lecture : 4 - 7 minutes
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Rubrique : Université de l'or


La Grande dépression marque, c’est certain, l’époque à laquelle le consensus politique est passé d’une approche classique de monnaie physique à une approche mercantile d’argent flou – ce qui nous a ultimement menés à une réaction du type « imprimons jusqu’à ce que nos maux s’envolent ». Cette tendance a en fait pris racine à la fin du XIXe siècle, et ne s’est pas manifestée jusque dans les années 1970 – une évolution qui s’étale sur plus de cent ans. Il n’en est pas moins que l’expérience de la Grande dépression des années 1930 soit encore aujourd’hui la justification de toutes sortes d’absurdités monétaires.

En commençant par l’Angleterre en septembre 1931, les devises du monde ont été dévaluées. La livre sterling a été la première devise internationale de l’époque, mais aussi la première devise de réserve, dans le sens où les autres banques centrales possédaient des obligations britanniques en tant qu’actifs de réserve.

Dans une certaine mesure, la dévaluation a été un succès : la production industrielle s’est améliorée dans de nombreux pays après que leur devise ait été dévaluée.



Pour une raison quelconque, cette statistique prend une importance totémique. En tant qu’analyste des marchés depuis maintenant de nombreuses années, j’ai pu voir de mes propres yeux les effets de nombreuses vagues de dévaluation, et je dois dire qu’il ne s’agit pas là d’une sorte de Noël économique à en faire tomber des cadeaux du ciel sans conséquence aucune. Vous souvenez-vous de la dévaluation mexicaine de 1995, qui a été baptisée la « crise Tequila » ? Et qu’en est-il de la crise de 2001 en Argentine, ou de la crise de 2008 en Ukraine ? Le fait est que nous ayons vu de nombreuses dévaluations, et qu’aucune d’entre elles ne se soit bien terminée.

Et la situation n’était pas non plus belle à voir dans les années 1930. C’est pourquoi les gouvernements n’ont pas tardé à abandonner leur stratégie et se sont engagés à ne pas poursuivre leurs guerres des devises. Cet accord a été formalisé par les accords de 1944 à Bretton Woods, lors desquels 44 pays ont promis de bien se conduire et de ré-adopter (en grande partie) les principes classiques d’avant les années 1930.

Les gouvernements dévaluent leurs devises depuis des millénaires. Les dévaluations peuvent-elles avoir des bénéfices de court terme ? Bien sûr que oui. Si elles n’en avaient pas, les gouvernements ne l’adopteraient pas.

Il y a beaucoup à dire sur le sujet. Voici certaines points auxquels réfléchir :

1)   Il ne s’agissait pas d’une politique de devises flottantes. Simplement de dévaluations exceptionnelles. Les Etats-Unis n’ont pas abandonné l’étalon or, mais ont dévalué le dollar depuis 1/20e d’une once d’or à 1/35e d’une once d’or, valeur que le dollar a conservé jusqu’en 1971. D’autres pays ont introduit des devises flottantes, à leur détriment. La décision des Etats-Unis de maintenir un étalon or après 1934 est l’une des raisons pour lesquelles le dollar a pris la place de la livre sterling en tant que devise de référence internationale.




2)   Cela n’explique pas les devises flottantes, la gestion des taux d’intérêt et les autres jeux monétaires actuels.

3)   Il s’agissait d’une période de crises extrêmes. En 1931-32, il y a eu une vague de défauts d’Etats, de banques et de sociétés industrielles. C’était une époque de mesures d’urgence. Une dévaluation de devise est-elle une mesure acceptable une fois par siècle, en période de profondes crises ? Peut-être. Mais il serait préférable pour commencer d’éviter de déclencher des crises profondes. Qu’est-ce que cela a à voir avec le FOMC et ses manipulations biannuelles des taux d’intérêt ?

4)   On ne vous parle pas du mauvais côté des choses. Lorsque la valeur du dollar a plongé de 41% pour passer de 1/20e à 1/35e d’une once d’or, la valeur de tous les salaires a été dévaluée du même pourcentage. En d’autres termes, les gens étaient payés 41% de moins. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’emploi et la production ont grimpé : les entreprises ont pu réduire considérablement leurs coûts liés au travail. Les chômeurs s’en sont mieux tirés, mais aux dépens des employés. Bien que de telles mesures puissent être tolérables en période de crise et de chômage de masse, une nation ne peut pas s’enrichir en appauvrissant régulièrement ses employés. Le monde déborde de main d’œuvre peu chère ; le miracle des pays développés est leurs revenus élevés, et non leurs revenus de base.

5)   Il y a bien eu une forme de défaut souverain. Lorsque la livre sterling a été dévaluée (d’environ 40%) en 1931, tous ceux qui possédaient des obligations britanniques supposées sans risque ont enregistré de très importantes pertes. Imaginez que vous ayez été, à l’époque, une banque centrale étrangère propriétaire d’obligations britanniques, ou une banque commerciale avec entre les mains des obligations britanniques comme actifs liés à une dette en livres. La banque centrale se serait instantanément retrouvée en insuffisance de réserves pour couvrir ses obligations monétaires, et aurait certainement dû elle-aussi dévaluer. La banque commerciale aurait été insolvable. Ces dévaluations, notamment pour ce qui concerne les devises comme la livre sterling ou le dollar, ont entraîné des vagues de faillites sur toute la planète. C’est la raison pour laquelle ces dévaluations ont été surnommées des politiques protectionnistes.




6)   L’épargne en devise dévaluée s’est retrouvée elle-aussi dévaluée. Toutes les obligations liées à la devise dévaluée ont été dévaluées. D’autre part, les débiteurs comme les corporations ont reçu un abaissement artificiel, et ont vu leur dette baisser. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’activité commerciale s’est améliorée – parce que les créditeurs ont été lésés.

7)   En est né un avantage commercial artificiel – et un désavantage commercial artificiel. Les pays qui ont dévalué – essentiellement par le biais d’une baisse des coûts du travail et d’une dette dévaluée – ont pu tirer un avantage commercial par rapport aux pays qui n’avaient pas dévalué. Les sociétés britanniques et japonaises pouvaient utiliser leur main d’œuvre peu chère pour entrer en compétition sur le marché de l’exportation ou remplacer les importations par des alternatives domestiques peu chères.

Mais qu’en est-il des pays qui n’ont pas dévalué, comme la France ? Le commerce d’exportation s’est effondré dans ces pays, sans qu’ils aient fait quoi que ce soit. Les entreprises domestiques ont découvert qu’elles étaient devenues peu compétitives face à une vague d’importations peu chères, et ont fait faillite. Les avantages qu’un pays pouvait tirer des guerres des devises étaient contrebalancés par des désavantages ailleurs. C’est pourquoi les pays ont eu tendance à souffrir jusqu’à eux-aussi dévaluer. Pour réaligner les taux de change.

Aujourd’hui, lorsqu’un pays dévalue – comme le Mexique – la situation générale ne s’aggrave pas tant que ça. Mais lorsqu’une devise majeure est dévaluée, les conséquences sont telles pour le commerce que les gouvernements du monde sont forcés de suivre la tendance. C’est ce qui s’est passé dans les années 1970, quand le dollar a été dévalué. D’autres pays ont fini par en faire de même, afin que les taux de change ne soient pas trop déséquilibrés.





Après la dévaluation de sa devise par l’Angleterre en 1931, d’autres pays, dont les Etats-Unis, ont dévalué leur propre devise pour normaliser les taux de change


La guerre des devises des années 1930 a ajouté un nouvel élément de chaos et d’incertitude à ce qui était déjà une période difficile.

8)   Mais tout n’est pas question que de dévaluer ou de ne rien faire. Pour une certaine raison, les gens s’attachent à l’idée que l’alternative à la dévaluation des devises est de ne rien faire. La meilleure chose à faire serait en fait d’éviter de commettre les erreurs catastrophiques (guerres de tarifs et hausses de taxes qui mènent à un défaut souverain et un effondrement systémique) qui mènent généralement à la crise. Il est aussi possible de remédier à la cause de la crise. Pourquoi le Japon semble mieux s’en tirer que les Etats-Unis ou l’Angleterre ? L’une des raisons en est que son Ministre des finances, Takahashi Korekiyo, a évité les hausses de taxes et de tarifs qui sont intrinsèques à l’austérité dans le monde occidental. Alors que l’économie japonaise se trouvait militarisée dans les années 1930, les corporations ont pu entre autre recevoir des réductions de taxes en échange de leur participation.

9)   Et il y a eu bien plus que des évènements monétaires. L’une des raisons pour lesquelles l’économie des Etats-Unis a pu reprendre a été la stabilisation de son secteur financier après 1933, suite à des jours fériés qui ont permis de résoudre certains problèmes d’insolvabilité, est l’introduction d’assurances sur les dépôts.

10)  La dévaluation peut avoir différents effets dépendamment de la situation. Par exemple, dans une majorité de pays, le financement des corporations (et parfois des gouvernements) est fait grâce à des devises internationales comme le dollar ou l’euro, parce que personne n’a confiance en la devise locale. Que se passe-t-il lorsque cette devise est dévaluée ? Plutôt que de voir le fardeau de la dette s’alléger (comme ça a été le cas en Angleterre dans les années 1930), il s’alourdit ! Voilà qui est susceptible de causer de gros problèmes, comme nous avons pu le voir en Thaïlande, en Corée du Sud, en Indonésie, au Brésil et ne Russie en 1997-98. Le chômage n’a pas diminué, et la production n’a pas augmenté – le contraire s’est produit.


Nous pourrions encore ajouter quelques points à cette énumération. Mes conclusions ?


Il faut commencer par éviter d’avoir affaire à des situations similaires à la Grande dépression. L’austérité mène au désastre – dans les années 1930, en 1980 en Amérique latine, et en Europe aujourd’hui.


Il faut commencer par prendre des mesures non-monétaires. Si les administrations précédentes ont fait exploser l’économie grâce à des mesures d’austérité, il faut renverser ces politiques. Ou peut-être les assurances sur les dépôts sont-elles une solution immédiate.


Dans le cadre d’une crise exceptionnelle aux proportions dignes de celle des années 1932-33, si vous pensez qu’une dévaluation pourrait vous aider, alors n’attendez pas pour dévaluer. L’histoire montre qu’il y a un avantage à être le premier à le faire.  Mais n’abandonnez pas l’étalon or. C’est ce qu’ont fait les Etats-Unis, et les conséquences en ont été presqu’aussi terribles que s’ils étaient passés directement à une devise flottante. Par crise exceptionnelle, j’entends crise qui se développe une fois par siècle, ou moins. Ce n’est pas une raison pour dévaluer tous les 4 à 5 ans (comme l’a fait la France dans les années 1950-60), ou pour mettre en place une politique de devises flottantes et de manipulation de taux d’intérêt (comme aujourd’hui), ou encore pour imprimer de l’argent parce que quelqu’un désire être réélu (1971).







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Nathan Lewis est l'auteur de Gold: the Once and Future Money, publié par Agora Publishing et J Wiley. Il est le directeur de Kiku Capital Management.
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