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Il
y a encore un autre facteur qui rend très improbable que les richesses
créées par les dépenses publiques puissent compenser
pleinement celles qu'auront empêché de naître les
impôts prélevés pour payer ces dépenses.
La
question n'est pas aussi simple, elle ne consiste pas, comme on le croit
souvent, à prendre l'argent de la poche de droite pour le mettre dans
la poche de gauche. Les partisans de ces travaux publics nous disent, par
exemple, que si le revenu national est de 200 milliards de dollars (ils sont
toujours très généreux quand il s'agit d'évaluer
ce chiffre) et que l'impôt sur le revenu soit de 50 milliards par an,
cela signifie que le quart seulement du revenu national a été
prélevé sur les entreprises privées pour être
affecté à des entreprises publiques. Ils raisonnent comme si le
budget de l'État était comparable à celui d'une grande
société et comme si tout cela n'était que jeux
d'écriture. Ils oublient que pour régler ces dépenses
publiques, s'ils prennent l'argent de A, c'est afin de payer B. Ou
plutôt ils ne l'oublient pas, ils en sont parfaitement conscients. Mais
tandis qu'ils vous exposent longuement tous les bienfaits de
l'opération en ce qui concerne B, et vous énumèrent les
merveilleux bâtiments qu'il va pouvoir utiliser et qu'il n'aurait pas
si on ne lui avait avancé l'argent pour les construire, ils oublient
les conséquences que cette opération financière auront
sur A. Ils ne voient que B ; mais A est oublié !
Dans
notre monde moderne, l'impôt sur le revenu est fort inégalement
réparti. La grande charge en incombe à un très petit
nombre de contribuables, et il faut combler son insuffisance par d'autres
impôts de toutes sortes. Ceux qui en supportent le poids en sont
forcément affectés dans leurs actions ou dans les motifs qui
les stimulent à l'action. Quand une société subit ses
pertes à 100 % par dollar et qu'on ne lui laisse que 60 % des dollars
qu'elle gagne, quand elle ne peut compenser ses années
déficitaires par des années bénéficiaires, ou
tout au moins dans des proportions convenables, alors ses finances sont
très compromises. Elle cessera de développer ses
opérations ou elle n'entreprendra que les extensions
n'entraînant qu'un minimum de risques. Ceux qui comprennent la
situation s'abstiennent alors de créer de nouvelles entreprises. Les
industriels déjà établis n'embauchent plus d'ouvriers ou
n'en prennent qu'en nombre limité, certains renoncent même
à rester dans les affaires. Les usines modernes ralentissent le
rééquipement de leur outillage. A la longue, le consommateur ne
verra plus la qualité des objets fabriqués s'améliorer,
ni leur prix baisser et les salaires réels, en outre, resteront
très bas.
Si
l'impôt va jusqu'à prendre 50, 60, 70 ou même 90 % des
revenus industriels, le résultat est le même. L'industriel ou le
commerçant se demanderont, en effet, pourquoi ils travailleraient 6, 8
ou 10 mois de l'année pour l'État et seulement 6, 4 ou 2 mois
pour eux et leurs familles. Si vraiment ils doivent perdre un dollar tout
entier quand ils le perdent, mais ne peuvent en garder que le dixième
quand ils le gagnent, ils décident alors une fois pour toutes qu'il
est absurde de prendre des risques avec son capital. Et les capitaux
disponibles se font plus rares, car l'impôt les absorbe avant qu'ils
aient pu s'amasser.
En
résumé les capitaux qui pourraient donner du travail sont
empêchées de se constituer et le peu qui s'en forme est
découragé de s'investir dans de nouvelles entreprises. Les
partisans des dépenses publiques créent donc eux-mêmes le
problème du chômage auquel ils se prétendent capables de
mettre fin.
Sans
doute une certaine proportion d'impôts est-elle nécessaire pour
assurer les fonctions essentielles de l'État. Des impôts
raisonnables levés à cette fin ne gênent guère la
production. Les services gouvernementaux dont ils aident à assurer le
fonctionnement et dont certains protègent la production
elle-même compensent largement ces débours. Mais plus le revenu
national est grevé d'impôts, plus la production et l'emploi sont
atteints. Et quand le poids total des impôts dépasse une limite
supportable, le problème de leur répartition, si l'on ne veut
pas décourager la production ou la ruiner totalement, devient
insoluble.
Remerciements
: Hervé de Quengo, et traduction par Mme Gaëtan Pirou
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