Vous me dîtes que vous avez
garé votre voiture et rangé votre carte orange dans le fond de votre tiroir
pour aller au travail en vélo, et vous sentez vertueux de participer à la libération
du monde de son addiction à l’industrie minière et aux minéraux qu’elle
extrait.
N’oubliez pas de remercier un
mineur de charbon pour ce privilège. Et n’oubliez pas celui qui mine les
roches. Sans parler de l’équipe de fonderie et le casse-cou responsable des
forages.
Oh ! Et remerciez aussi
le chauffeur routier qui transporte le molybdène, le titane et le concentré
de tungstène, et le géologue responsable de la découverte de dépôts d’or,
d’argent et de terres rares.
Sans eux et l’industrie qui les
emploie, vous auriez marché jusqu’au bureau.
Les vélos, à moins que vous
ayez fabriqué vous-même celui sur lequel vous vous promenez avec du bambou,
du chanvre et des peaux de banane, a été fabriqué grâce à des matériaux issus
de la production minière – de l’acier obtenu par la fonte de charbon
métallurgique potentiellement rendu plus léger grâce à l’ajout de métaux tels
que du titane, du plastique et du caoutchouc synthétique tiré du pétrole.
Les dérivés du pétrole
Casque, dérivé du
pétrole ; rustines, dérivées du pétrole ; LED, métaux et terres
rares tirés de l’activité minière ; bouteille d’eau, métaux ou dérivés
du pétrole. Même la route sur laquelle vous roulez est un produit de
l’activité minière, et a été pensée pour réduire la friction et faciliter vos
déplacements.
Le bâtiment dans lequel vous
travaillez, même si sa structure est faite de bois, est fait de métaux et de
plastiques, de cadres et de connecteurs d’acier, de câbles, d’équipement de
bureau, d’isolation, de fenêtres, de toiture et de plomberie.
Même la tasse en céramique
remplie du café que vous buvez en lisant cet article contient du zircon.
Et si vous vous trouvez tenté
de m’envoyer un email désobligeant quant à mon insensibilité face aux
avantages environnementaux que constitue l’usage de vélos pour aller au
travail, sachiez que vous auriez besoin de minéraux issus de l’activité
minière pour me le faire parvenir.
Clavier d’ordinateur,
plastique dérivé du pétrole ; circuits, terres et métaux rares ;
vis, acier, aluminium et autres métaux ; écran plat, métaux et
plastiques ; batterie, métaux et plastiques ; châssis, métaux et
plastiques.
Besoin d’une liste plus
détaillée ?
Votre ordinateur, votre
tablette et votre smartphone contiennent du titane, de l’aluminium, du zinc,
du nickel, de l’or, de l’argent, du lithium, du magnésium, du mercure, de
l’yttrium, de l’étain, du cadmium, de l’indium, du plomb, du samarium, du
tantale et, si vous avez encore un disque optique, du gadolinium et
dysprosium. Les plastiques résistent à la chaleur jusqu’à une température de
fonte supérieure à la température d’ébullition de l’eau et sont entre autres
l’acrylonitrile, le butadiène, le styrène et le carbone.
Les émissions de gaz à effet
de serre associées à un MacBook sont d’environ 460 kilogrammes de dioxyde de
carbone.
L’empreinte carbonique d’un
email a été calculée. Un message assez long émet environ 50 grammes de Co2,
ce qui ne paraît pas être grand-chose jusqu’à ce qu’on les additionne tous,
après quoi internet apparaît comme ayant une empreinte carbonique de près de
300 millions de tonnes par an. Alors si vous m’écrivez, soyez bref.
Si vous voulez que votre
critique de cet article soit vraiment verte, je vous recommande une plume et
des tablettes en cire d’abeille – qui ont très bien fonctionné pour l’armée
romaine – ou d’argile comme celles qu’utilisaient les enseignants Sumériens
pour se plaindre du manque d’attention de l’un de leurs élèves à ses parents.
Mais ne me les envoyez pas par
la poste. Les services postaux fonctionnent grâce à des métaux issus de
l’activité minière et des plastiques dérivés du pétrole.
Les boîtes aux lettres sont
faites d’acier, comme le sont les camions de livraison et les équipements de
triage. Les chaussures de votre postier sont également composées de
plastique, tout comme l’est son sac.
Convenance
Pensez-vous, il est peu
pratique de livrer des tables d’argile en personne, même équipé d’un vélo
ultraléger en titane aux pneus anti-résistance, ce qui est la raison pour
laquelle les métaux et les dérivés du pétrole sont omniprésents autour de
nous.
Bien que je sois un avocat du
transport vert, et du cyclisme en particulier, je ne prends pas ces airs
vertueux qui semblent trop souvent accompagner la décision de rouler en vélo.
Des analystes ont déterminé
que la fabrication d’un vélo standard grâce à de l’acier, des additifs, du
plastique et du caoutchouc génère environ 240 kilos de gaz à effet de serre.
La fabrication d’un vélo utilise la même quantité d’énergie et de métaux
qu’une porte de voiture.
Pour compenser l’empreinte carbonique
de votre vélo, il vous faut rouler au moins 643 kilomètres. Des analyses qui
comparent l’empreinte carbonique d’une voiture familiale et d’un vélo ont
conclu que pour que l’impact d’un vélo soit d’un dixième celui d’une voiture,
il faut que le vélo roule 12 kilomètres par jour pendant 15 ans.
Je me suis reposé sur un
certain nombre de sources pour tirer ces conclusions, dont Mike Berner-Lee,
un étudiant du MIT dont le livre fascinant intitulé « How Bad are
Bananas ? The
Carbon Footprint of Everything » a été cité par le journal The Guardian,
et « The Numbers Game: The Commonsense Guide to Understanding Numbers in
the News, in Politics and in Life », de Michael Blastland, élu meilleur
livre de l’année 2007 par The Economist.
Aller au travail en vélo plutôt
qu’entouré de trois tonnes d’acier et de plastique a donc du mérite.
Faire du vélo réduit
l’empreinte carbonique de vos allées et venues quotidiennes, permet
d’épargner les ressources naturelles déjà rares et chères, réduit l’usure des
routes, et est bon pour la santé – ce qui est une bonne chose au vu de ce
qu’il adviendrait de notre santé si le système médical actuel avait affaire à
une pénurie d’acier pour ses lits, ses miroirs de salle d’opération, ses
unités stériles, ses fauteuils roulants, ses machines à rayons X, ses
scalpels, ses seringues, etc.
La vérité, c'est que même la
plus grande des vertus dépend de l’une des industries les plus populaires
auprès de ceux qui ne pensent pas assez pour percevoir un coup de genou comme
une action superflue et peu nécessaire.
Cet article ne vise en rien à
absoudre les sociétés minières et leur respect limité pour l’environnement,
ou encore leur attitude cavalière face à ceux qui pensent et disent qu’elles
devraient faire mieux. Je ne tente pas non plus de minimiser l’impact de
l’empreinte carbonique et de la volonté de rendre l’énergie et les matériaux
plus propres et plus efficaces.
Mais il est temps de
redescendre sur Terre. Si vous ne comprenez pas l’importance de l’extraction
minière pour votre mode de vie, il vous sera difficile d’effectuer les
changements nécessaires à la maximisation de ses bénéfices et la minimisation
de ses conséquences.
Le fait est que sans le
charbon métallurgique envoyé depuis B.C. vers des aciéries lointaines, sans
les dérivés du pétrole et du gaz naturel, sans les métaux extraits ici comme
ailleurs, le monde dans lequel nous vivons serait bien moins accueillant
qu’il ne l’est.
Chaque seconde de chaque jour
qui passe, nous nous reposons sur des minéraux qui sont obtenus de deux
manières – par l’extraction minière et une activité de traitement qui repose
sur d’autres minéraux, ou au travers du recyclage de matériaux issus de
l’extraction minière.
Se contenter de fermer les
mines là où elles posent un problème environnemental, esthétique ou social
n’est pas plus intelligent que d’autoriser à l’industrie de faire ce qu’elle
estime nécessaire sans souci pour l’environnement, l’esthétisme du lieu ou
les conflits sociaux.
Sans l’activité minière, vous
pourriez dire au revoir à votre iPad. Et oublier votre smartphone. Dire adieu
aux ordinateurs portables, aux ordinateurs de bureau, aux tablettes, aux
réseaux de télécommunication... Les ampoules basse consommation, les panneaux
solaires, les éoliennes, les tuyaux qui alimentent les villes en eau – villes
qui sont plus efficaces d’un point de vue énergétique en raison de leur
densité – et les tuyaux qui servent au traitement des déchets humains ;
tous reposent sur l’activité minière.
Cette colonne de Wallace
Street Journal est l’extrait d’un article écrit par Stephen Hume, du
Vancouver Sun, intitulé « Mining Makes Your Life Possible ».