Le S&P 500 a
commencé l’année sur sa pire performance de tous les temps, ce qui a poussé
les défenseurs de Wall Street à faire tout leur possible pour expliquer
pourquoi le chaos sur les actions et les devises globales ne donnera pas lieu
à une nouvelle année 2008. Ils ne veulent pas non plus que les investisseurs s’imaginent
que les évènements actuels ont quoi que ce soit de semblable avec la bulle
sur le dot-com qui a fait perdre 78% au NASDAQ et 35% au S&P 500. Selon
eux, la débâcle chinoise n’est même pas comparable à la crise de la dette qui
a frappé l’Asie en 1997, alors que la dette libellée en dollars ne pouvait
plus être remboursée, que le baht thaïlandais perdait la moitié de sa valeur
et que le marché boursier plongeait de 75%.
Les individus peu
scrupuleux qui dominent les institutions financières et les gouvernements
prédisent une brève baisse sur Wall Street. Ne vous attendez pas à ce qu’ils
nous mettent en garde face à une récession globale et un chaos général sur
les marchés. Une récession se produit cependant en moyenne tous les cinq ans
depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et sept années se sont déjà
écoulées depuis la plus récente. Plus important encore, le déclin moyen
enregistré depuis le point le plus haut et le point le plus bas de ces six
dernières récessions a été de 37%. Cela porterait aujourd’hui le S&P 500
à environ 1.300, si tant est que la récession à venir ne soit que « moyenne ».
Mais celle qui arrive
sera pire encore.
L’un des plus gros
contributeurs à la récession qui nous attend au tournant sera les retombées
du déclin de l’économie chinoise. Le gouvernement communiste mégalomaniaque du
pays a multiplié sa dette par 28 depuis l’année 2000. La dette totale de la
Chine est passée à plus de 300% du PIB sur une très courte période afin
notamment de donner naissance à une bulle non productive sur les actifs
immobilisés. Maintenant que la bulle sur la dette se dégonfle, la croissance
chinoise est en déclin. La baisse de valeur du renminbi, la cascade des prix
des titres sur le marché de Shanghai (qui ont perdu 40% depuis le mois de
juin 2014) et l’effondrement des volumes de transports ferroviaires (moins 10,5%
sur un an) illustrent clairement que la Chine n’enregistre plus une
croissance de 7% et, bien au contraire, qu’elle ne croît plus du tout. Le
problème, c’est que la Chine représentait 34% de la croissance globale, et l’effet
multiplicateur du pays sur les marchés émergents portait ce nombre à plus de
50%. Attendez-vous à voir plus de pressions sur les bénéfices des
multinationales à mesure que la croissance globale continue de ralentir.
Mais la débâcle chinoise
de la dette n’est pas le catalyseur primaire de la récession qui se développe
aux Etats-Unis. Elle apparaît parce que les prix des titres et les valeurs
immobilières ne peuvent plus être supportés par les revenus et le PIB.
Maintenant que le QE et les taux d’intérêt à zéro pourcent ont pris fin, les
prix de ces actifs succombent aux forces gravitationnelles de la déflation. Le
ratio médian du prix d’une propriété immobilière par rapport aux revenus est
de 4 pour un, alors que le ratio moyen est de 2,6. Ainsi, malgré des taux de
prêts immobiliers plus bas que jamais, les nouveaux arrivants sur le marché
ne peuvent pas se permettre de verser d’acompte initial. Et sans nouveaux
acheteurs, les propriétaires existants ne peuvent pas non plus s’acheter une
maison plus grande.
De la même manière, la
valeur totale des actions est désormais dangereusement déliée de l’état
anémique de l’économie sous-jacente. Le ratio de la capitalisation boursière
par rapport au PIB est en moyenne de 75 sur le long terme, mais il est
actuellement de 110. Le rebond du PIB ressorti de la Grande récession a été
artificiellement engendré par la Fed. Et aujourd’hui, les bulles générées sur
les titres et sur l’immobilier se renversent et devraient laisser place à une
sévère contraction des dépenses des consommateurs.
Wall Street continue
toutefois d’essayer de nous réconforter en nous expliquant qu’une nouvelle
vague de déflation et dépression similaire à celles de 2008 est actuellement impossible
parce que les banques sont mieux capitalisées. Il se trouve en revanche que
les banques puissent être bien moins capitalisées que ce que pensent les
régulateurs, parce qu’une majorité de leurs actifs sont représentés par des
bons du Trésor et des prêts à la consommation qui se retrouveront la tête
sous l’eau une fois qu’une nouvelle récession se sera abattue sur les
secteurs public et privé. Plus important encore, même si nous en venions à
concéder que les institutions financières sont moins endettées, la vérité est
que les entreprises, le gouvernement fédéral et la Réserve fédérale ont
accumulé de très grosses quantités de dette additionnelle depuis 2007. Même
la dette des ménages est repassée à son record de 14,1 trillions de dollars
enregistré en 2007. Depuis lors, la dette des entreprises est passée de 10,1
à 12,6 trillions de dollars, la dette nationale est passée de 9,2 à 18,9
trillions de dollars, et le bilan de la Fed a explosé depuis 880 milliards jusqu’à
4,5 trillions de dollars.
Les banques sont
peut-être mieux placées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient à l’approche de la
Grande récession, mais les bilans du gouvernement et de la Fed sont devenus
insolvables suite à leurs efforts de reprise économique par l’emprunt et la
création monétaire. En conséquence, la dette du gouvernement fédéral
représente désormais près de 600% de ses revenus. Et la Fed a passé ces huit
dernières années à gonfler son effet de levier jusqu’à 77 pour un dans ses
efforts de maintenir les taux d’intérêt proches de zéro. Une récession
brutale est ainsi inévitable, et elle coïncidera avec deux conditions sans
précédent et extrêmement dangereuses qui devraient la rendre pire encore que
celle que nous avons traversée en 2008.
Premièrement, la Fed ne
sera pas en mesure d’abaisser les taux d’intérêt et d’alléger la dette de l’économie.
A l’approche de la Grande récession, l’ancien gouverneur de la Fed, Ben
Bernanke, a porté en l’espace d’un claquement de doigts les taux de prêts
interbancaires de 5,25 à zéro pourcent, et imprimé 3,7 trillions de dollars
de dette de plus long terme afin de forcer les prêts immobiliers et les
autres formes de dette jusqu’à un niveau record à la baisse. Le mieux que la
Fed puisse faire aujourd’hui est annuler sa hausse des taux d’intérêt jusqu’à
0,25% mise en place en décembre. Deuxièmement, le gouvernement fédéral a fait
gonfler la dette cotée en bourse de 8,5 trillions de dollars (une hausse de
170%), et généré un déficit d’1,5 trillion de dollar pour stimuler la
consommation au travers de paiements de transferts. Un nouveau gonflement similaire
du déficit et de la dette – qui est la conséquence normale d’une récession
après l’effondrement des revenus – entraînerait une flambée des taux d’intérêt
qui à son tour transformerait cette prochaine récession en une dévastatrice
dépression.
Je suis d’avis qu’afin d’éviter
une flambée du coût du remboursement de la dette des secteurs public et
privé, la Fed sera forcée de lancer un programme illimité d’achat d’obligations.
En revanche, non seulement les taux d’intérêt ont déjà atteint des records
historiques à la baisse, la confiance en la capacité des banques centrales à
fournir une croissance soutenable du PIB a été détruite par leurs huit années
d’expérimentations avec le QE et les taux zéro. Ajouter 1,5 trillion de
dollars par an à la dette américaine de 19 trillions de dollars ne sera pas accueilli
par un simple haussement d’épaules des marchés. Ainsi, la capacité des
gouvernements à sauver les marchés et l’économie sera très limitée, sinon
impossible. Attendez-vous à voir se développer le chaos sur les marchés des
devises, des obligations et des actions à l’échelle internationale. Il a déjà
commencé à apparaître ici et là.