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Dans un
article proposé à la presse mondiale et repris sur son blog, Yanis
Varoufakis a relevé qu’il était indispensable de renverser l’approche adoptée
sous les auspices de la Troïka. Celle-ci déduisait les objectifs d’excédent
primaire d’un calendrier de désendettement préalablement établi, sans plus se
soucier de la viabilité des taux de croissance que cela imposait. Ce serait
chose faite s’il se confirme qu’Alexis Tsipras, lors de sa rencontre d’hier
avec Angela Merkel, a obtenu que les objectifs d’excédent primaire budgétaire
de la Grèce soient pour compris l’année en cours et la prochaine dans une
fourchette de 1,2 à 1,5%.
Le premier ministre grec cherchait un accord politique, il aurait obtenu
un assouplissement des contraintes économiques, car si ces objectifs seront
encore difficiles à atteindre, ils sont nettement plus réalistes que ceux de
la Troïka. Plus important encore, ils tracent un nouveau cadre pour les
discussions à venir sur la dette, que les négociations se déroulent en deux
phases ou finalement se rejoignent.
Selon Reuters, Angela Merkel aurait déclaré après sa rencontre que tout
devait être fait pour trouver un accord avant que la Grèce ne soit à court de
disponibilités financières. Cela confirmerait que les dirigeants européens à
qui elle donne le ton ne veulent absolument pas d’un défaut grec, ce que
Jean-Claude Juncker avait auparavant indirectement exprimé en affirmant qu’il
était certain à 100% qu’un accord allait intervenir. Mais, tout n’étant pas
réglé, « il y a un sentiment d’urgence que nous voulons transmettre » a
déclaré Pierre Moscovici, comme si le message n’était pas destiné aux deux
parties !
Restent en effet en suspens les points durs que le gouvernement grec a
toujours clairement déclaré ne pas vouloir accepter, qui ne représentent pas
un petit obstacle. Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission, a
confirmé que le dernier Eurogroupe de Riga n’avait rien pu décider, et que
les discussions qualifiées par lui de « techniques » devaient se poursuivre.
Le prochain Eurogroupe aura lieu le 11 mai. Si les autorités européennes
avancent aussi masquées, c’est qu’elles sont elles-mêmes coincées, ne pouvant
ni reculer après avoir été catégoriques, ni précipiter un défaut grec
qu’elles ne veulent pas risquer. Dans la grande tradition européenne, il faudra
attendre le tout dernier moment pour qu’un compromis soit trouvé à l’arraché,
bien que ce ne soit pas garanti.
Les Américains s’alarment devant l’éventualité d’un échec, habités par
l’écroulement de Lehman Brothers consécutif à leur erreur de jugement qu’ils
ne veulent pas voir répétée. Jack Lew, le secrétaire au Trésor, l’a
clairement exprimé : « je n’ai cessé d’expliquer que personne ne devrait
penser être en mesure de prédire tous les risques d’une telle situation ».
Jean-Claude Juncker a de son côté déclaré qu’une sortie de la Grèce de l’euro
« entrainerait des conséquences dont on n’ignore l’amplitude ». Certes, les
risques ne sont plus ce qu’ils étaient en 2012, comme on fait valoir de tous
côtés, mais ils se sont déplacés. Car sinon d’où viendrait cette extrême
patience ? Moins financiers, ils sont devenus plus politiques, ce qui ne
signifie pas qu’ils pourraient être mieux assumés s’ils se concrétisaient.
Non pas en raison du danger d’une alliance Moscou-Athènes sur le flanc Est de
l’OTAN, qui relève du fantasme, mais de l’échec que représenterait une sortie
dans le désordre de la zone euro de l’un de ses membres, exprimant sa
fragilité. Voilà qui alimenterait la chronique de la gestion européenne
décidément désastreuse qui s’est instaurée et que le dernier sommet sur
l’immigration vient encore d’illustrer.
Jusqu’à quand les prolongations vont-elles pouvoir être jouées avec la
Grèce ? En formulant la proposition d’un achat par le Mécanisme européen de
stabilité (MES) des titres détenus par la BCE qui viennent à échéance en
juillet et août prochain, les dirigeants grecs montrent qu’ils se préparent
autant qu’ils le peuvent à durer. Ces titres pourraient en effet faire
l’objet d’un swap avec ceux que le MES émettrait, que la Grèce s’engagerait à
rembourser selon le calendrier lointain déjà fixé avec le Fonds européen de
stabilité financier (FESF) pour ses créances à son égard. A condition, bien
entendu, que les autorités européennes l’acceptent. En attendant cette
hypothèse fort incertaine, la BCE maintient le système bancaire grec le nez
hors de l’eau sans que cela suscite d’éclat côté Bundesbank.
Les dirigeants grecs étaient donnés pour manger leur chapeau, mais ils ne
seront pas les seuls à le faire, si le pire est évité. La démonstration
exemplaire voulue par les dirigeants européens et longuement attendue ne sera
en tout état de cause pas accomplie. Quant aux spéculations sur l’effritement
de la popularité de Syriza qui pourrait changer la donne, elles doivent être
relativisées : Nouvelle Démocratie ne progresse que très faiblement dans les
sondages, le Pasok continue de s’enfoncer et le nouveau parti To Potami
stagne. Le gouvernement actuel tombé, un vide encore pire s’instaurerait.
Le temps travaille tout autant pour Syriza.
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