Discours
prononcé devant la Chambre des Représentants des Etats Unis
d’Amérique,
Le 9 décembre
2009
Mme la Présidente,
je prends la parole pour présenter le projet de loi sur la libre
concurrence des monnaies de 2009. La devise ou monnaie est ce qui permet
à notre civilisation de prospérer. En l’absence de
monnaie, c’est le troc qui domine la scène ; si un fermier
a besoin de chaussures, il doit échanger ses œufs et son lait
avec le cordonnier en espérant que ce dernier a besoin
d’œufs et de lait. La monnaie rend le processus de transaction
plus simple et plus rapide. Plutôt que d’avoir à
rechercher une personne dont les désirs sont réciproques, le
fermier peut échanger son lait et ses œufs grâce à
un moyen d’échange accepté par tous à
l’avance avec lequel il peut acheter des chaussures.
Ce moyen
d’échange doit posséder un certain nombre de
caractéristiques : il doit être durable, donc ne pas
s’user facilement, il doit être transportable donc pourvoir
être facilement déplacé, il doit être divisible en
unités dont la taille est adéquate pour les transactions
quotidiennes, il doit être reconnaissable et uniforme de sorte que
chaque unité de monnaie ait les mêmes propriétés
que les autres, il doit être rare au sens économique,
c'est-à-dire que la quantité disponible de monnaie ne doit pas
être en mesure satisfaire toutes les demandes de chacun, il doit
être stable de manière à ce que son pouvoir d’achat
ne fluctue pas fortement, et enfin, il doit être reproductible de
façon que suffisamment d’unités de monnaie puissent
être créées pour satisfaire aux besoins des
échanges.
Au cours des
millénaires de l’histoire humaine, l’or et l’argent
ont été deux métaux qui ont le plus souvent satisfait
à ces conditions et survécu au processus de marché tout
en gagnant la confiance de milliards d’individus. L’or et
l’argent sont difficilement contrefaits, une propriété
qui assure leur large acceptation dans le commerce. Et c’est
précisément pour cette raison que l’or et l’argent
sont tabous pour la plupart des gouvernements. L’offre d’or et
d’argent qui est limitée par nature ne peut pas être
artificiellement gonflée et ainsi sert de garde-fou à
l’expansion du gouvernement. Sans cette capacité
d’augmenter la quantité de monnaie, les gouvernements se
retrouvent limités dans leurs actions et incapables de mener des
guerres d’agression ou d’apaiser leurs citoyens surtaxés
avec du « pain et des jeux (du cirque) ».
A la création
de ce pays, il n’existait pas de monnaie nationale
contrôlée par le gouvernement. Alors que la Constitution
établissait le pouvoir du Congrès de battre monnaie, ce
n’est pas avant 1792 que la Monnaie US a été
officiellement instituée. Dans l’entre-temps, les
américains se sont contentés des pièces d’or et
d’argent étrangères. Après que les
opérations de la Monnaie US ont commencé, les pièces de
monnaie étrangères ont continué à circuler
à l’intérieur des Etats-Unis et cela pendant plusieurs
décennies.
Sur ma table de
travail dans mon bureau, j’ai une pancarte qui dit :
« Ne volez pas, le gouvernement déteste la
concurrence». En effet, tout pouvoir que le gouvernement s’est
arrogé, il répugne à le restituer plus tard au peuple.
Tout comme nous nous sommes éloignés d’une défense
nationale instituée constitutionnellement et qui consistait en une
infanterie limitée et une marine soutenue par des milices et des
« lettres de marques et de représailles »
[autorisant la conquête de navires ennemis au nom d’un Etat],
nous sommes passés d’un système de monnaies en
compétition à un cartel bancaire institué par le
gouvernement qui monopolise l’émission de monnaie. Afin de
réintroduire un système de monnaies en concurrence, il y trois
étapes à franchir qui permettraient de produire un climat
légal favorable à la concurrence.
La première
étape consiste à éliminer les lois sur les monnaies
à cours forcé (legal tender).
L’article 1 section 10 de la Constitution empêche les Etats de
rendre quoi que ce soit d’autre que l’or ou l’argent comme
moyen légal de paiement des dettes. Les états n’ont pas
l’obligation de produire ces lois sur les monnaies à cours
forcé, mais s’ils choisissent de le faire, la seule monnaie
à cours forcé légale c’est l’or ou
l’argent, les deux métaux précieux que les individus au
cours de l’histoire et dans de nombreuses cultures ont utilisés
comme monnaie. Cependant, il n’y a rien dans la Constitution qui
octroie au Congrès le pouvoir de voter des lois sur les monnaies
à cours forcé. Nous, le Congrès, nous avons le pouvoir
de battre monnaie, de réguler la valeur de cette dernière et
des monnaies étrangères mais pas de déclarer une monnaie
officielle légale à cours forcé. Pourtant, il existe une
section du Code US, 31 USC 5103 dont le propos est d’établir des
pièces de monnaies US et une devise, y compris les billets de la
Réserve Fédérale, en tant que monnaie à cours
forcé.
Historiquement, les
lois sur les monnaies à cours forcé ont été
utilisées par les gouvernements pour forcer leurs citoyens à
accepter l’adultération et la dévaluation de la monnaie.
La loi de Gresham décrit ce phénomène qui peut
être résumé en une seule phrase : la mauvaise
monnaie chasse la bonne monnaie. Un empereur, un roi ou un dictateur peut
frapper des pièces de monnaies qui contiennent seulement une demie once d’or et forcer les marchands sous peine
de mort à les accepter comme si elles contenaient une once
entière d’or. Chaque once de l’or du roi pourrait alors
être transformée en deux pièces de monnaie au lieu
d’une et ainsi le roi aurait maintenant deux fois plus de
« monnaie » à dépenser pour bâtir
châteaux et lever des armées. Ces pièces surévaluées
circulant, les pièces contenant une once complète d’or
seraient retirées de la circulation et thésaurisées.
Nous avons vu exactement ce même phénomène avoir lieu au
milieu des années 1960 quand le gouvernement a commencé
à frapper des pièces en cuivre et en nickel plutôt
qu’en argent. Le cuivre et le nickel étaient légalement
surévalués en relation et les pièces d’argent
disparaissaient de la circulation.
Ces actions donnent
lieu aux effets les plus pernicieux de l’inflation. La plupart des
marchands et des paysans qui reçoivent la monnaie
dévaluée sont touchés de plein fouet par l’inflation,
la hausse des prix et la baisse du niveau de vie avant de recevoir un
quelconque montant de la nouvelle monnaie. Au moment où ils
reçoivent cette dernière, les prix ont doublé depuis
belle lurette et la nouvelle monnaie qu’ils reçoivent ne leur
octroie aucun avantage.
En l’absence de
lois sur les monnaies à cours forcé, la loi de Gresham
n’est plus valable. Si les gens sont libres de rejeter la monnaie
adultérée et en lieu et place de cette dernière d’exiger
une monnaie saine, la monnaie saine va progressivement revenir en usage dans
la société. Les marchands seraient alors libres de refuser les
pièces du souverain et d’accepter les seules pièces
contenant le poids d’or correspondant à leur valeur faciale.
La seconde
étape pour rétablir la libre concurrence des monnaies consiste
à éliminer les lois qui interdisent les opérations de
création monétaire privée. Une entreprise privée
a tenté de populariser l’usage des métaux
précieux, c’était Liberty Services, le créateur du
Liberty Dollar. Evidemment, le gouvernement s’est senti menacé
et toutes les pièces de monnaie de Liberty Dollar ont
été saisies par le FBI et les services secrets en novembre
2007. Bien sûr toutes ces pièces n’étaient pas la
propriété de Liberty Services, mais nombre d’entre elles
étaient détenues comme garantie pour les certificats d’or
et d’argent que Liberty Services émettait. Cela importe peu,
bien sûr, au gouvernement qui hait la concurrence. La
responsabilité de protéger les contrats n’a pas le
moindre intérêt pour le gouvernement.
Les sections du Code
US que Liberty Services est accusée de violer sont
considérées à tort comme étant des lois contre la
fausse monnaie quand en fait, leur but était d’imposer la
fermeture des Monnaies privées qui opéraient en Californie. La Californie
croulait sous l’or après la ruée de 1849 mais elle
n’avait pas de Monnaie (en tant qu’institution) pour assurer la
fabrication de pièces d’or. Il n’y avait pas non plus
suffisamment de pièces étrangères en circulation de
sorte que les Monnaies privées sont entrées dans la
brèche pour fournir leurs propres pièces de monnaie. Et comme
cela est arrivé dans le
cas d’autres industries de l’ère Progressive, les Monnaies
privées ont ensuite été accusées de faire
circuler des pièces d’or adultérée
(sous-standard), et dans le but officiel de fournir une réglementation
sanctionnée par le gouvernement et une garantie gouvernementale du
degré de pureté, la loi de 1864 sur la frappe de monnaie a
été votée, interdisant aux Monnaies privées de
produire leurs propres pièces de monnaie et de les mettre en
circulation comme devise.
L’étape
finale pour assurer la concurrence des monnaies consiste à
éliminer les taxes et impôts sur les gains de capital et la TVA
sur les pièces d’or et d’argent. En vertu de la loi
fédérale actuelle, les pièces sont
considérées comme des biens de collection et sont donc
assujetties à l’impôt sur les gains de capital. Les gains
à court terme du capital sont taxés comme les revenus
jusqu’au taux de 35% et les gains à long terme du capital sont
estimés au taux des biens de collection au taux de 28%. De plus, ces
impôts taxent de fait également la dévaluation
monétaire. Quand le dollar faiblit, la valeur nominale de l’or
augmente. Le pouvoir de l’or peut rester relativement constant mais si
la valeur nominale de l’or augmente, le gouvernement
fédéral considère qu’il y augmentation des
richesses et taxe ces biens en conséquence. Ainsi, plus le dollar est
dévalué et plus les gains sur le capital détenu en or
sont élevés et donc taxés, et cela est valable aussi
pour les autres métaux précieux.
Les taxes sur la
valeur ajoutée et l’usage en vigueur dans un grand nombre
d’états au niveau local sont tout aussi pernicieuses. Imaginez
avoir à payer une TVA à la banque chaque fois que vous
échangez un billet de 10$ pour un rouleau de pièces de 25 cents
pour faire votre lessive. L’inflation est une taxe pernicieuse sur la
valeur de la monnaie, en effet, même avec les chiffres officiels qui
sont manipulés vers le bas, elle est de l’ordre de 4% par an. La
TVA dans de nombreux états atteint 8% ou plus sur chacune des
transactions ayant lieu quand les consommateurs veulent convertir leurs
billets de banques de la Réserve Fédérale en or ou en
argent.
En conclusion, Mme la
Présidente, permettre la concurrence des monnaies va permettre aux
acteurs du marché de choisir une monnaie qui satisfait à leurs
besoins plutôt qu’à ceux du gouvernement. La perspective
de citoyens américains se détachant du dollar vers des monnaies
alternatives va fournir l’élan nécessaire au gouvernement
américain pour reprendre le contrôle sur le dollar et faire
cesser la spirale descendante. Restaurer la bonne tenue du dollar va
ôter au gouvernement la possibilité et les incitations à
l’expansion monétaire et nous éviter de nous lancer dans
des guerres anticonstitutionnelles qui pèsent excessivement sur notre
économie. Une monnaie saine profite à tout le monde et pas
seulement à ceux qui contrôlent le système
monétaire. Je demande instamment à mes collègues de
considérer le redéploiement d’un système de
monnaies en concurrence et de soutenir ce projet de loi sur la libre
concurrence des monnaies.
Ron
Paul
Membre du Congrès Américain
www.house.gov/paul
Traduit et publié avec
l’aimable autorisation de Ron Paul. Tous droits réservés.
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