La situation économique française est parfaitement catastrophique, et comme le gouvernement est en place depuis, en gros, un an, il va lui être difficile de prétendre que ce n’est pas un peu de sa faute aussi. Alors, pour changer, je ne vais pas analyser l’état de décrépitude de la société française, ni vous proposer de destroutourer l’intemporel comme certains peintres subventionnés, mais poser une question simple : depuis qu’elle est là, l’équipe de Hollande et Ayrault a-t-elle eu les moyens d’inverser, même un peu, la tendance ?
Bien sûr, le tenant du « Ce Pays Est Foutu » que je suis vous dira que les efforts qui auraient pu être entrepris n’auraient été qu’un répit avant l’inéluctable faillite complète. Mais indépendamment de ce point de vue sautillant de pessimisme joyeux, il y a tout de même certains leviers qui auraient pu être actionnés depuis plusieurs mois déjà, et que l’actuelle majorité s’est employée à ne surtout pas toucher, même de loin et avec un bâton.
Bien sûr, les vagues efforts médiatisés ont été immédiatement estampillés « Austérité » par la brochette d’incapables qui nous gouvernent. C’est, évidemment, purement politique puisque leur but est de polariser l’opinion publique contre les douloureuses bêtises qu’ils lui infligent. Ce n’est pas trop dur, du reste, puisque leur « austérité » aura consisté en une brutale et grossière relance keynésienne, abondamment arrosée d’impôts et de taxes généreuses. Et le résultat est évidemment désastreux.
La vraie austérité, celle qui consiste à réduire le périmètre, les dépenses et les coûteuses générosités de l’État, cette austérité-là qui, essentiellement, atteint la fonction publique (et les ministres dans ce qu’ils ont de plus cher : leur pouvoir), n’a jamais été à l’ordre du jour. Pourtant, il y a un an de cela (ou à peu près) sortait un énième rapport sur, justement, les leviers dont dispose l’administration et le gouvernement pour réduire les dépenses et ramener son déficit dans la zone acceptable, au moins au sens de Maastricht.
Ce rapport a été produit par un certain Jean-Michel Charpin de l’Inspection Générale des Finances. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas un ultra-néo-turbo-libéral puisqu’il a toujours fricoté, de près ou de loin, avec des socialistes, au sein du cabinet de Le Garrec ou pour Jospin en 1999. Et ce fameux document de 122 pages, suffisamment confidentiel pour n’avoir que des exemplaires nominatifs, a tout de même fini par fuiter et un des journalistes des Echos se l’était procuré, en juin 2012. Le rapport avait été commandé par Fillon, alors que Sarkozy s’apprêtait à prendre la porte de sortie.
Au passage, on ne peut s’empêcher de penser que, devant la situation économique qu’il savait calamiteuse, le précédent président n’a pas sciemment organisé sa défaite pour laisser le pays aux mains de son rival, sachant pertinemment que le socialiste dogmatique, complètement inexpérimenté et incapable de décisions fermes et douloureuses, planterait copieusement l’économie du pays, faisant apparaître, par contraste, le quinquennat de Sarkozy comme une bénédiction. Si telle fut sa stratégie, on peut avouer qu’il a brillamment réussi, d’une part à planter sa campagne et d’autre part à laisser un pays exsangue dans les mains d’un Hollande parfaitement incompétent.
Pour en revenir au rapport Charpin, les éléments disponibles dans la presse sur celui-ci sont plutôt restreints, mais il ressort néanmoins que les recommandations proposées ont été parfaitement ignorées par l’actuel gouvernement. Avec maintenant à peu près un an de recul sur l’action socialiste, force est de constater que le parcours est un sans faute dans l’ignorance, l’ineptie et le ratage compact.
Par exemple, le rapport préconise de ne plus embaucher de fonctionnaire, et de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite. Évidemment, Hollande et sa clique ont fait le contraire. Il aurait fallu ralentir la progression des fonctionnaires dans les échelons hiérarchiques, calmant ainsi le gonflement de la masse salariale déjà énorme de l’État. C’est bien évidemment raté. Pour économiser 1,3 milliards d’euros, le rapport préconisait par exemple de supprimer le supplément familial attribué automatiquement, dès le premier enfant, dans les trois grandes fonctions publiques (étatique, territoriale et hospitalière). Là encore, on n’y a pas touché. Trop sensible, sans doute. On trouve aussi la proposition, que j’avais déjà faite il y a deux ans, de réduire sensiblement les grassouillets émoluments des élus, et de les plafonner (par exemple à 160.000 euros par an, ce qui est plus que largement suffisant pour vivre).
Et lorsqu’on fait le total des réductions, des économies diverses (par exemple en supprimant les centaines de commissions Théodule débiles), on parvient, toujours selon ce rapport, à des économies qui se chiffrent à près de 19 milliards d’euros par an. Par voie de conséquence, cela veut aussi dire qu’il y aurait 19 milliards d’impôts qui ne seraient pas ponctionnés pour abonder à ces dépenses (290 euros par Français et par an).
Pas loin de 20 milliards d’euros d’économies sont donc préconisées par un rapporteur socialiste, au courant de la situation, et conscient qu’il faut bien faire quelque chose pour éviter la catastrophe. Mais il y a mieux.
Ainsi, dans son dernier livre, Agnès Verdier-Molinié détaille les principaux postes de la dépense étatique sur lesquels des économies peuvent être réalisées, sans pour autant réduire l’action de l’Etat à une peau de chagrin. En substance, en réduisant progressivement de 700.000 les postes de la fonction publique, l’iFRAP et Agnès Verdier-Molinié estiment qu’on peut réaliser … 60 milliards d’économies, et ce, chaque année.
Mais rassurez-vous ! Rien ne changera dans notre beau pays : comme je l’expliquais en début de billet, le gouvernement en place a eu, lui aussi, accès au rapport Charpin ; et il doit avoir parcouru rapidement le livre de Verdier-Molinié de cet œil atone si caractéristique du notable trop confit dans ses repas plantureux et ses bons petits vins de pays. Mais le rapport est déjà positionné sous une des nombreuses armoires de Bercy pour éviter qu’elle ne penche trop à droite. Quant au livre, il aura été oublié dans un tiroir quelconque, la tranche encore fraîche de n’avoir jamais été compulsé fébrilement, au contraire de tant d’autres exemplaires dans les mains de contribuables conscients de se faire avoir, surtout au moment de remplir le prochain tiers provisionnel.
Hollande, comme Ayrault, ont eu un an pour nous prouver de quoi ils étaient capables. Ce rapport, sorti au moment de leur accession au pouvoir, leur était évidemment connu. Ils ne pourront pas dire « On ne savait pas ». Et maintenant qu’une année entière d’atermoiements et de tergiversations oiseuses s’est écoulée, les Français aussi ne peuvent plus prétendre découvrir l’incompétence crasse de ceux qu’ils ont désigné pour les emmener au gouffre. Une année a donc été perdue. C’était, probablement, la dernière année où une remise en question du Tout-À-L’État aurait pu atténuer la catastrophe.
Le changement, ce n’est pas pour maintenant. Dès lors, ce pays est foutu.