L’or représente la forme de
monnaie la plus pure qui soit. L’argent peut lui-aussi faire office de
monnaie, bien qu’il soit moins apte que l’or à jouer ce rôle.
La monnaie est, a toujours été,
et sera toujours une marchandise. Les bitcoins, ainsi que les dollars et
toutes les autres devises qui existent aujourd’hui, ne sont pas et ne peuvent
pas être des monnaies, parce qu’elles ne sont pas des marchandises.
En matière de commerce, toutes
les marchandises ont ce que l’on appelle une « utilité marginale
décroissante », à l’exception d’une seule.
Carl Menger (1840-1921, Vienne)
a illustré le phénomène d’utilité marginale décroissante en prenant l’exemple
d’un agriculteur propriétaire d’un champ de blé. Supposez qu’il n’obtienne qu’un
sac de blé par récolte. Ce sac est pour lui le plus important. Il l’utilise
pour nourrir sa famille. Chaque sac de blé additionnel a une application
moins importante, le dernier de tous étant utilisé par l’agriculteur pour nourrir
son canari.
Plus nous possédons d’un même
produit, moins il a de valeur à nos yeux. L’utilité marginale d’un aliment
diminue si nous en possédons beaucoup.
L’or est une marchandise :
il peut servir à produire des bijoux et des ornements, il a des applications
industrielles diverses et il est aussi une monnaie, parce que si nous le
recevons comme paiement, nous n’appliquons aucune décote sur la valeur de l’or
que nous recevons, peu importe la somme qu’il représente. Nous accordons
autant de valeur à notre dernière pièce d’or qu’à notre toute première. En ce
sens, l’or est une marchandise exceptionnelle.
L’utilité marginale décroissante
de l’or est non-existante. C’est la raison pour laquelle l’or est aussi bien
une monnaie qu’une marchandise.
Les bitcoins et les dollars – et
toutes les autres devises – ne sont pas des marchandises. Ils ne sont que des
nombres sans substance.
Depuis le 15 août 1971, quand le
président Nixon a cessé de livrer de l’or aux propriétaires de dollars à qui
on avait promis de l’or en échange de leur papier, le monde n’a plus utilisé
de monnaie. Il a utilisé de simples nombres, et ces nombres s’élèvent
désormais à des trillions et des trillions.
Ce qui s’est produit en 1971 a
été une déconnexion entre la faculté rationnelle de l’humanité et la réalité
du monde physique.
La fausse monnaie se tient
désormais entre nous et le monde physique dans lequel nous vivons.
Les humains peuvent facilement
subvenir à leurs besoins dans le monde physique grâce à la monnaie, c’est-à-dire
à l’or et, dans une moindre mesure, à l’argent.
A l’heure d’aujourd’hui, l’humanité
éprouve des difficultés à maintenir les activités industrielles et
commerciales qui ont été établies quand l’or jouait encore le rôle de
monnaie. Afin de nous rendre à l’évidence du chaos qui nous entoure, tout ce
qu’il nous est nécessaire de faire est de lire les journaux. Le chaos règne
aujourd’hui parce que l’humanité n’est plus en contact avec les réalités du
monde physique : les activités humaines rationnelles se sont
déconnectées de ces réalités par la faute de la fausse monnaie, qui nous
sépare désormais du monde physique en fonction duquel nous devrions
fonctionner.
Quand nous perdons contact avec
la réalité, nous souffrons d’une maladie mentale, nous devenons fous. Le
monde est devenu fou, parce qu’il ne peut plus agir de manière rationnelle en
raison de la fausse monnaie – des nombres – qui lui donne un accès falsifié à
la réalité.
L’existence d’un blocage
psychologique, qui consiste en des nombres utilisés comme monnaie, entre
une humanité capable de raisonnement et le monde physique, devrait être notre
préoccupation première.
Le succès de bitcoin est une
excellente illustration de la confusion intellectuelle des masses. Le bitcoin
est un nombre digital. Sa seule caractéristique spéciale est qu’il est
capable de se déplacer sur internet au sein d’un système précis qui empêche tout
accès non-autorisé à des unités bitcoin. Seul le propriétaire d’unités
bitcoin peut en dépenser en en envoyant à quelqu’un d’autre. Bitcoin a
enregistré une hausse spectaculaire de sa valeur contre le dollar, parce que
les gens ont versé des dollars pour obtenir des bitcoin, et qu’ils dépensent
toujours plus de dollars pour en obtenir. Est-ce raisonnable ? Les
Hommes ne sont pas en mesure de se comporter raisonnablement, parce que le
système monétaire actuel, détaché de la réalité, les empêche de penser.
Certains spéculateurs sur bitcoin – et j’imagine qu’ils sont nombreux –
savent peut-être que ce système finira par s’effondrer, mais espèrent pouvoir
en sortir avant qu’il ne le fasse.
Une autre manifestation curieuse
des effets intellectuels de ce blocage psychologique est le soutien apporté
par des gens dits importants à des projets lunatiques telles que l’établissement
d’une colonie humaine sur Mars. Un autre projet lunatique est le contrôle du
climat. L’humanité a perdu tout contact avec la réalité à cause de la fausse
monnaie. Peut-être les gens les plus sains d’esprit sont-ils ceux qui
peuplent les jungles de Nouvelle-Guinée et d’Amazonie – ceux qui n’utilisent
pas de monnaie du tout.
La dernière manifestation de la
conséquence de la présence d’un blocage psychologique entre l’action humaine
et la réalité du monde physique sera inévitablement un effondrement total des
conditions de notre monde, qui a de grandes difficultés à préserver les
activités industrielles et commerciales qui existaient déjà avant la fin de l’utilisation
de l’or comme monnaie en 1971.
Et si par miracle, l’or était de
nouveau utilisé comme monnaie à l’échelle du globe, il nous faudrait
réfléchir à la manière dont le monde réagirait à ce changement : en
viendrait-il à une destruction suicidaire de la race humaine plutôt qu’à une
adoption de nouvelles habitudes et une réorganisation de ses priorités ?
Dans son Songe d’une nuit d’été,
Shakespeare nous raconte l’histoire d’un groupe d’amants sous le charme d’une
fée, qui en vient à s’écrier : « Seigneur, que ces mortels sont
fous ! » L’humanité est aujourd’hui victime d’un sort jeté par la
fausse monnaie. Espérons que nous finissions par nous réveiller, et que nous
en venions un jour à une fin heureuse, comme les amants dans Songe d’une
nuit d’été.