Le soi-disant
« tournant libéral » de Hollande continue de
faire couler de l'encre. Au cœur de la réflexion, le retour d'une
politique de l'offre supposée incompatible avec les objectifs
« de gauche ». Le signe, selon certains, d'un
revirement droitier à la tête de l'État –
« le plus violent qu'on ait vu de la part d'un gouvernement de
gauche depuis Guy Mollet », estime Jean-Luc
Mélenchon.
Les
coulisses de la relance
Une fois n'est
pas coutume, Daniel Schneiderman pose la
bonne question : peut-il exister une politique de l'offre de
gauche ? « Non », sont tentés de
répondre ceux qui voient dans l'allègement des charges
patronales une mesure libérale et prêtent, par ailleurs, une
culture libérale à la droite française. Il devrait
pourtant être clair pour tout le monde qu'en plus d'être
compatible avec les principes de solidarité horizontale et verticale
chers à la gauche, les politiques de l'offre en sont le
complément indispensable.
Car les
politiques de relance – rappelons cette évidence – sont
largement tributaires du chiffre d'affaires des entreprises. Au-delà
d'un certain seuil, plus ou moins élevé selon la conjoncture,
la pression fiscale s'avère contre-productive. N'en déplaise
aux cerbères de la justice sociale, subventions, allègements de
charges, crédits d'impôt, simplification du code du travail,
facilitation de l'embauche et du licenciement font partie des outils dont
dispose le gouvernement actuel pour prévenir le tarissement des
ressources fiscales.
Reste l'option
– aux contours certes mieux définis, et aux effets mieux connus
– du socialisme intégral, qui consiste à substituer les
préférences d'une poignée de dirigeants
« éclairés » à celles de millions
d'individus « égoïstes ». Il faut aimer le
cuir, le fouet et les longues queues devant l'épicerie.
À
trop charger la mule, on continue à pied
Quelle
politique « de gauche », Pascal
Riché a-t-il
donc à l'esprit, quand il accuse François Hollande de s'en
être éloigné ? Le co-fondateur de Rue 89 note que
toutes les mouvances de la gauche (l'étatiste et la libertaire,
l'européenne et l'eurosceptique...) ont en commun de faire primer
l'intérêt général sur les intérêts particuliers.
Mais pourquoi en déduire que le pouvoir des ménages se confond
avec l'intérêt général et que
l'intérêt particulier des entreprises contredit celui des
ménages ?
La gauche, explique
Monsieur Riché, prône une
« protection sociale robuste », des
« services publics solides », un « droit du
travail protecteur », une « fiscalité redistributive », ainsi qu'une
« politique de soutien au pouvoir d'achat et à
l'emploi ». François Hollande fait-il une politique
« de droite » quand il se soucie de l'avenir des
entreprises permettant de financer cet ambitieux programme ?
Les
intellectuels socialistes aiment à dénoncer la loi d'airain des
salaires, selon laquelle le salaire moyen est tout juste suffisant au
travailleur pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa
famille. Sans en être tout à fait conscients, ils
défendent aujourd'hui la loi d'airain des profits, qui stipule que les
patrons tolèrent n'importe quel taux de prélèvement
pourvu que la somme des prélèvements n'excède pas leur
chiffre d'affaires.
En attendant
que cette loi se vérifie et que les chiens fassent des chats, il faut
se rendre à l'évidence : à trop charger la mule, on
continue à pied. Et on comprend bien que Monsieur Hollande ne veuille
pas passer pour un âne.
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