Ce que
le lent effondrement des prix des voitures classiques nous dit de l’avenir
des autres classes d’actifs
La classe d’actifs des voitures
de collection – ces jolies machines qui sont peut-être les actifs les plus
agréables qui soient – enregistre un déclin lent mais persistant égal à,
voire peut-être plus important que, celui enregistré pendant la crise
financière.
L’indice des prix des voitures
de collection publié au mois de mai dans le rapport d’Hagerty, qui se
spécialise dans l’assurance de voitures anciennes, a perdu 0,68 points pour
passer à 160,06, soit un déclin de près de 10% sur un an, et de 25,8 points
depuis son record de 185,86 points enregistré en septembre 2015.
Contrairement aux indices du
marché boursier, l’indice de marché d’Hagerty est ajusté à l’inflation grâce
à l’IPC. Il s’agit donc ici de fluctuations « réelles » de niveaux
de prix. Depuis septembre 2015, l’IPC a gagné 2,8%. En termes non-ajustés,
les niveaux de prix ont perdu près de 17%.
Pendant la crise financière, l’indice
a atteint un record de 121 points en avril 2008 avant de perdre 16% (20
points) pour atteindre un bas de 101,39 points en août 2009. Le déclin actuel
de 14% depuis le pic en termes « réels » est donc légèrement
inférieur à celui enregistré pendant la crise financière, mais la récente baisse
de 25,8 points depuis le récent pic excède déjà de loin le déclin de 20
points enregistré pendant la crise.
Dans le graphique ci-dessous,
tiré du rapport d'Hagerty pour le mois de mai (j’ai ajouté
les dates), montre comment l’indice a gagné 83% sur une base ajustée à l’inflation
entre les mois d’août 2009 et de septembre 2015. Cela représente une hausse
de prix nominale (non-ajustée) de 95% :
L’indice est désormais au plus
bas depuis le mois de juin 2014. « Au vu de la récente publication de
valeurs par Hagerty, les prix ont commencé à se normaliser. »
Pour reprendre le rapport d’Hagerty :
Le nombre de propriétaires qui
estiment que la valeur de leur véhicule augmente est en déclin. Ce déclin a
été plus prononcé parmi les propriétaires de véhicules les plus courants,
mais le nombre de propriétaires de voitures haut-de-gamme qui estiment que la
valeur de leur actif est en hausse a atteint un bas sur cinq ans.
Les observateurs ont mentionné
une division entre les voitures d’entrée de gamme et les voitures
haut-de-gamme. Les voitures les plus abordables semblent se maintenir, alors
que le secteur haut-de-gamme se contracte.
C’est ainsi que se défont les
bulles en cette période de création de liquidités infinies et d’effet de
richesse par les banques centrales du monde : par paliers presqu’imperceptibles
mais incessants, ponctués de hauts et de bas déroutants. Les acheteurs deviennent
de moins en moins enthousiastes au fil des mois, alors que les acheteurs se
montrent de plus en plus hâtifs. Aucun signe de panique pour le moment. Et il
n’est pas non plus question de ventes forcées. Mais viendra un jour où ces
petits paliers finiront par représenter quelque chose de plus important.
Les prix des voitures de
collection se déplacent en parallèle à ceux des autres classes d’actifs
telles que les actions et l’immobilier, résidentiel comme commercial. Ils ont
grimpé jusqu’à la crise financière, avant de s’effondrer dans un vent de
panique. Ils ont réagi à l’unisson à l’impression monétaire et aux politiques
de taux d’intérêt zéro des banques centrales, ainsi qu’aux plans de
refinancement gargantuesques des banques et sociétés industrielles. Les
banques centrales ont rendu disponible une liquidité peu chère pour faire
gonfler les prix des actifs. Et ça a marché. Mais ça ne fonctionnera pas
indéfiniment…
Cette fois-ci, les prix des
actifs sont bien plus gonflés qu’ils ne l’étaient avant la crise financière.
Et aucune panique ne semble se développer. Aucune crise. Le système reste
noyé de liquidité. Et certaines des plus grosses banques centrales, dont la
BCE et la Banque du Japon, poursuivent encore leurs programmes d’assouplissement
quantitatif.
Les prix des voitures de
collection nous indiquent ce qui est à venir pour les autres classes d’actifs :
malgré le niveau de liquidité et les programmes d’assouplissement
quantitatif, les prix ne grimperont pas pour toujours, et les investisseurs
finiront par se retirer, graduellement, les uns après les autres.
On entendra peut-être d’abord
parler de plateaux, comme aujourd’hui sur le marché de l’immobilier. Puis on
entendra parler de normalisation des prix, comme sur le marché des voitures
de collection. Puis on parlera d’opportunités d’achat, et ainsi de suite.
Cela pourra durer des années.
En cours de processus, les
marchés nous prouveront à tous combien nous avons eu tort – il ne s’agissait
pas de plateaux, les prix ne se sont pas normalisés, et les opportunités d’achat
étaient en fait des opportunités de vente.
Mais compte tenu de la liquidité
sur les marchés et des taux d’intérêt qui restent encore proches, voire en-dessous,
de zéro, nous pourrions ne pas traverser d’effondrement théâtral tel que
celui que nous avons vu pendant la crise financière. Il se pourrait que nous
enregistrions simplement des fluctuations qui, dans l’ensemble, seront
baissières et nous porteront vers des niveaux de prix plus rationnels, et
donc bien inférieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui.
Mais cela pourrait prendre des
années, et pourrait être suffisamment lent et incertain pour que les banques
centrales décident de relancer leurs programmes d’assouplissement quantitatif.
L’économie détournera éventuellement le regard des manigances financières et
des bulles pour se tourner vers les activités productives, ce qui sera
certainement une bonne chose pour l’économie.