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Comment soutenir une croissance en manque de bras

LA CHRONIQUE DE JEAN-MARC VITTORI. La croissance semble déjà buter sur un plafond invisible : difficultés à recruter, équipements très utilisés. Mais, en Europe comme aux Etats-Unis, il est possible de mieux mobiliser le travail. Et la productivité pourrait aussi repartir à la hausse.

Par Jean-Marc Vittori

Publié le 20 mars 2018 à 08:26

Le pire serait devant nous. La croissance manque déjà de carburant ! Alors que nous avons l'impression de l'avoir tout juste retrouvée, elle semble condamnée à ralentir. D'après l'OCDE, le PIB progressera moins vite l'an prochain que cette année dans tous les pays avancés. La limite la plus évidente est le manque de bras. Dans les pays avancés, le taux de chômage dépasse à peine 5 %. En France, où il approche encore 9 %, les chefs d'entreprise ont un mal fou à trouver les compétences qu'ils recherchent - c'est même devenu l'un de leurs principaux soucis. Comment les entreprises pourraient-elles produire davantage si elles ne trouvent pas des femmes et des hommes à embaucher ?

Facteurs de production raréfiés

Les banquiers centraux surveillent la pénurie de main-d'oeuvre comme le lait sur le feu. Ils redoutent qu'elle gonfle les salaires puis les prix. Même si les augmentations sont encore limitées, ils s'interrogent désormais sur le calendrier du resserrement monétaire. D'autant plus qu'il y a aussi des tensions sur les machines, avec des taux d'utilisation qui dépassent souvent la moyenne de long terme.

Après la crise la plus profonde depuis près d'un siècle, beaucoup d'entreprises ont disparu. D'autres ont dû sabrer dans leurs dépenses d'équipement. Les « facteurs de production », comme disent les économistes, se sont raréfiés. Aux Etats-Unis, les « Fed watchers », qui scrutent le moindre froncement de sourcil des banquiers centraux, s'empaillent désormais sur le rythme des hausses de taux d'intérêt. Des hausses qui vont, elles aussi, peser sur l'activité.

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Les raisons de craindre un retournement à la baisse de la croissance sont donc sérieuses. Elles sont d'ailleurs souvent mentionnées ici. Mais elles pourraient aussi se révéler moins solides qu'on ne le croit. Il reste peut-être encore des marges de progression, sur l'emploi, sur la productivité, qui pourraient permettre à la croissance de s'épanouir des années durant.

Où trouver donc des ressources humaines pour produire davantage ? Aux Etats-Unis, la réponse est évidente : parmi les Américains qui ne travaillent pas. En 2017, seulement 63 % des gens en âge de travailler (entre 15 ans et 65 ans) avaient un emploi aux Etats-Unis, contre 67 % en l'an 2000. Les experts d'une firme de consultants, Oxford Economics, ont calculé ce qu'il en serait si la participation au marché du travail n'avait pas baissé. Leur conclusion ? «Le taux de chômage ferait plus que doubler, passant de 4,1 % à 9,3 %. » Le marché du travail serait donc moins tendu qu'il n'y paraît.

Passion des jeux vidéo

Reste à savoir si les Américains qui se sont retirés du marché du travail pourraient y revenir. Certains économistes sont sceptiques. Ils mentionnent le vieillissement des actifs. Pour Angus Deaton, un prix Nobel d'économie spécialiste notamment des questions de santé et de bien-être, le rabougrissement de la population active américaine révèle une crise sanitaire majeure causée par l'accoutumance à des médicaments opiacés. Une équipe de chercheurs pointe… la passion des jeux vidéo, qui pourrait expliquer la moitié de la baisse des effectifs d'hommes jeunes sur le marché du travail. Mais d'autres économistes croient, au contraire, que des millions d'Américains ont été écartés du travail par la crise financière profonde et qu'ils vont revenir en des temps meilleurs. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a de la marge.

La donne est différente en Europe, où le taux de participation sur le marché du travail a beaucoup monté. Il est passé de 66 à 73 % en vingt ans, sous l'effet notamment d'une progression du taux d'activité féminin. Dans les pays où le chômage est faible, il reste possible de faire travailler davantage ceux qui ont un emploi. En Allemagne, par exemple, le volume d'heures travaillées n'a pratiquement pas bougé alors que le taux d'activité a fortement progressé depuis quinze ans.

Dans les pays à chômage élevé comme la France, la solution est naturellement de trouver un poste de travail pour les demandeurs d'emploi. C'est l'enjeu majeur du chantier de la formation professionnelle, tant est grand l'écart entre les qualifications proposées par les chômeurs et les compétences cherchées par les entreprises. Mais c'est un chantier à long terme. En attendant, les entreprises en manque de main-d'oeuvre peuvent organiser des cycles d'apprentissage accéléré, assouplir des critères de recrutement souvent trop étroits, repenser leur organisation pour mieux utiliser les compétences disponibles.

La productivité pourrait accélérer

Les technologies de l'information peuvent aussi élargir le champ des possibles en ouvrant certaines fonctions à des salariés peu qualifiés. Le GPS a supprimé la principale barrière à l'entrée dans la profession de taxi : la connaissance des rues et des itinéraires. En entreprise, la réalité augmentée permet de guider les salariés dans des tâches qui requéraient auparavant une longue expérience.

Il reste donc partout du travail à mobiliser. Le principal levier de la croissance, la productivité, pourrait lui aussi prolonger l'embellie actuelle. Dans une étude récente, les experts du McKinsey Global Institute, l'institut de recherche du cabinet de conseil McKinsey, estiment que cette productivité pourrait accélérer à 2 % l'an dans les pays avancés au cours de la prochaine décennie alors qu'elle se traîne actuellement à 0,5 % l'an. Ce n'est évidemment pas une certitude. Mais nous ne sommes pas forcément condamnés à la croissance anémiée.

Jean-Marc Vittori 

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