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Donald Trump, le président qui tient ses promesses

CHRONIQUE. Le président des Etats-Unis rêve de ramener son pays dans la gloire des années 1960. Ce rêve risque de plonger le monde dans un chaos sans précédent depuis plusieurs décennies. Mais il risque aussi de plaire aux électeurs américains.

Par Jean-Marc Vittori

Publié le 18 juin 2018 à 16:19

Une étrange maladie frappe les trumpologues. Ces experts qui décortiquent les paroles et les actes de Donald Trump deviennent chauves les uns après les autres. La raison en est simple : ils s'arrachent les cheveux. En plus de deux siècles d'histoire, jamais les Etats-Unis n'avait eu président aussi imprévisible, aussi fantasque, aussi délirant.

Dès que Donald Trump déclenche une guerre commerciale avec l'Europe ou la Chine , qu'il salue un général nord-coréen ou qu'il gazouille sur Twitter, nos experts font tourner leurs énormes modèles, valser les milliards de dollars, disparaître des points de croissance. Invariablement, ils prédisent la catastrophe.

Un rêve et une arme

Et pourtant, les Américains aiment. L'ancien promoteur Donald Trump semble en mesure de conserver sa majorité parlementaire lors des élections de mi-mandat. Il peut même espérer être réélu en 2020. Sa cote de popularité, autour de 35 % durant la seconde moitié de l'année 2017, tourne désormais autour de 40 % ( sondage Reuters ). Comme l'explique un grand patron allemand très présent aux Etats-Unis, «Donald Trump est un président qui tient ses promesses ». C'est même le seul dans le monde, selon lui, avec… Emmanuel Macron.

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Nos trumpologues gagneraient un temps précieux à regarder ce qui se passe dans la tête de leur sujet d'étude. Ce n'est pas très difficile. Donald Trump a un rêve. Un rêve public, qu'il expose depuis au moins trente ans. Et il a une arme. Une arme moins connue, mais qu'il a appris à manier tout au long de sa carrière.

Commençons par le rêve. Donald Trump l'avait ramassé en une formule célèbre durant sa campagne : « Make America great again », rendre à l'Amérique sa grandeur. Les experts ont ricané. Les Américains ont apprécié. Trump applique son slogan à la lettre - ou plus précisément à sa lettre. Ce qui entraîne deux conséquences majeures.

Industrie lourde

D'abord, Donald Trump rompt avec une tradition politique américaine vieille d'un siècle. Il veut gouverner les Etats-Unis dans le seul intérêt des Etats-Unis (ou de l'image qu'il s'en fait). Depuis la Première Guerre mondiale, ses prédécesseurs s'étaient toujours tournés vers la politique internationale une fois entrés à la Maison-Blanche, par choix ou sous pression des événements (Europe, Corée, Vietnam, Cuba, Moyen-Orient…). Après avoir tous gagné les élections sur des promesses de politique intérieure - « The economy, stupid », avait écrit un conseiller de Bill Clinton dans son bus de campagne pour rappeler au candidat de parler d'économie.

Ensuite, Donald Trump regarde vers le passé. La grandeur à laquelle il aspire, ce n'est pas celle de la high-tech californienne qu'il déteste. Il rêve de l'industrie lourde qui triomphait dans l'Amérique de sa jeunesse, au cours des années 1950-1960. D'où le retrait des Etats-Unis de l'Accord de Paris sur le climat pour relancer la production de charbon, d'où aussi la hausse des droits de douane sur l'acier et l'aluminium. D'où enfin les moulinets sur l'automobile. A cette lumière, il n'est pas très difficile de comprendre que l'offensive sur ce dernier secteur, longtemps symbole de la puissance de l'Amérique, ne fait que commencer.

Une vieille obsession

Ce qui nous amène vers l'arme de Trump. Il faut d'abord être lucide : la puissance du président des Etats-Unis dans son pays est limitée (c'est d'ailleurs l'une des raisons qui a poussé les présidents américains sur la scène internationale). La Constitution donne l'essentiel des pouvoirs au Congrès, un Congrès à la mécanique grippée et manipulée par les lobbys. Tout au plus Donald Trump a-t-il pu faire passer des baisses d'impôts qui vont dans le sens du poil républicain.

La Constitution laisse plus de latitude au locataire de la Maison-Blanche sur le commerce international. Ca tombe bien, si l'on ose dire. Car le commerce international est une vieille obsession du président. En 1987, il s'était offert une page de publicité dans le « New YorkTimes » pour dénoncer les « surplus sans précédent » dégagés par le Japon. Et exhorter les alliés des Etats-Unis à payer davantage pour leur défense, exactement comme Trump vient de le faire avec l'Allemagne.

Gouvernants démunis

L'arme de Trump est facile à comprendre, et beaucoup plus difficile à parer. C'est la négociation, déclenchée ici par la menace de droits de douane très élevés. Le raisonnement du président est simple : « Je suis le premier acheteur du monde. Comme je suis un gros client, je vais renégocier avec chacun de mes fournisseurs. » L'objectif ici n'est pas d'obtenir un rabais et encore moins de déclencher une guerre commerciale. La seule chose qui intéresse Trump, ce sont des implantations d'usines aux Etats-Unis ou de nouvelles exportations, qu'il pourra brandir comme autant de trophées devant ses électeurs.

Face à cette arme, les gouvernants des grands pays sont démunis. Aucun n'a appris l'art brutal de la négociation d'affaires. A l'université, Angela Merkel et Xi Jinping ont étudié la chimie, Emmanuel Macron la philosophie et la science administrative, Theresa May la géographie, Giuseppe Conte le droit. Donald Trump, lui, s'est spécialisé dans l'immobilier et a passé ensuite près d'un demi-siècle à se battre sur le prix du mètre carré ou le taux de l'impôt local. A ce jeu, il est redoutable. Il va donc arracher de vrais résultats.

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Le bras de fer inédit risque bien sûr de créer des tensions commerciales sans précédent depuis près d'un siècle, de dégénérer en tempête financière mondiale, d'engendrer des chocs géopolitiques. Mais Donald Trump s'en moque. Il veut être, aux yeux de ses électeurs, le président qui tient ses promesses. Qui pourrait lui en vouloir ?

Jean-Marc Vittori

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