François Bayrou
Par Henri Gibier
Grand biographe du Béarnais Henri IV, le roi qui avait dit « Paris vaut bien une messe », l'ex-garde des Sceaux aurait pu adapter la formule à la sauce franglaise, s'il n'était si sourcilleux sur la pureté de la langue, pour déclarer : « La Place Vendôme ne vaut pas un mess » - grand désordre en anglais. Il a préféré faire porter la responsabilité de son renoncement, et celui de ses collègues du Modem, sur les « sycophantes », le nom qu'on donnait dans la Grèce antique aux dénonciateurs professionnels, auxquels le ministre de la Justice sortant semble assimiler les journalistes. Le maire de Pau avait renoncé à concourrir pour l'Elysée préférant se rallier au panache couleur d'En marche d'Emmanuel Macron; cette fois il dit abandonner ses fonctions ministérielles pour ne pas gêner le jeune chef de l'Etat qu'il est convaincu d'avoir porté au pouvoir. Jusqu'à présent cet altruisme politique n'était pas la marque de fabrique du fils d'agriculteur devenu agrégé de lettres, dont la longue carrière politique, amorcée dans les années 1970, est surtout faite de brouilles retentissantes et d'alliances bougonnantes. A la manière des généraux vieillissants plus souvent battus que victorieux, le centriste écarté du pouvoir pendant vingt ans après son passage à l'Education nationale sous Jacques Chirac pourrait s'appliquer à lui-même la réplique de « La Fille du puisatier » de Pagnol, son film culte : « Les morts des batailles perdues sont la raison de vivre des vaincus. » La droite lui en veut beaucoup de l'avoir « tuée » à plusieurs reprises sans avoir lui-même rien gagné pour autant. Elle se divise le jour où il part : la malédiction Bayrou « marche » toujours.