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L'actualité en couleurs

Black Friday, gilets jaunes, colère noire, mesures vertes: la France passe par toutes les nuances....de gris.

Fabien Clairefond pour Les Echos
Fabien Clairefond pour Les Echos

Par Roger-Pol Droit

Publié le 30 nov. 2018 à 12:40

 « A noir, E blanc, I rouge… » Depuis quelques générations, Rimbaud et ses Voyelles font couler des rivières d'encre et suscitent mille rêveries. Mais les jours aussi ont leurs couleurs, plus habituelle, que dicte l'actualité. Cette semaine, ce fut un festival. 

Vendredi noir 

« Black Friday » est le nom de code de chiffres d'affaires considérables . Pourquoi ce vendredi est-il noir ? Rien à voir avec 1929, le krach boursier, le « jeudi noir » du 24 octobre, suivi des lundi et mardi, noirs eux aussi, qui ouvrirent le grande récession. Dans les années 1950, aux Etats-Unis, le lendemain du jeudi de Thanksgiving est devenu jour de soldes et de shopping pour Noël. Les embouteillages, à cette date, se firent infernaux… d'où le noir. Les Canadiens, francophones farouches, traduisent « vendredi fou », ce qui est plus vendeur. 

Car il ne s'agit que de vendre et d'acheter. Mieux, moins cher, plus, et vite. « La consommation est notre dernière fête » écrivait clairement, il y a quelques années, la philosophe Frédérique Ildefonse dans un essai original, Il y a des dieux (PUF, 2012). Fête sans réel enthousiasme, souvent sans vraie joie, de plus en plus électronique et solitaire. Noire, somme toute. D'autant plus que pour bon nombre de commerces, cette année, elle fut assombrie et largement entravée par les actions des « gilets jaunes ». 

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Samedi jaune 

Le « péril jaune », à la fin du XIXe siècle, venait d'Asie. Il surgit à présent de Bretagne, du Nord, de Provence et d'ailleurs. On dira que cela n'a rien à voir : il s'agissait, autrefois, de fantasmes concernant le danger démographique supposé de peuples lointains - chinois, vietnamiens, japonais… Aujourd'hui, des Français s'insurgent contre la fiscalité et contre leur appauvrissement. Voilà qui semble donc incomparable. Sauf qu'il existe malgré tout ce point commun : une peur bleue liée au jaune, comme un grand effroi indistinct, chez les nantis - Européens d'hier, Français aisés d'aujourd'hui - d'être submergés par un tsunami venu d'ailleurs. 

Reste que le jaune, dans la culture classique, signe la jalousie. En témoigne exemplairement Le Nain jaune, conte fantastique de Marie-Catherine d'Aulnoy (1698) qui donna naissance au jeu du même nom. C'est pour la même raison que l'on rit jaune. Toutefois, on se gardera de croire que ceux qui peinent à boucler leur budget sont simplement envieux. Ils souffrent, et cela suffit à voir rouge, sans se soucier d'écologie, ni des générations futures. 

Mardi vert 

Pour répondre à la colère noire, le président de la République a choisi de parler environnement, mutation écologique, vision à long terme, et accompagnement social. Malgré le changement de méthode annoncé, il est douteux que l'axe ainsi défini soit pertinent. Car la question centrale n'est pas « écologie et fiscalité », mais bien « fiscalité » tout court. Toute la planète se trouve embarquée dans le problème de la transition énergétique. Impôts et cotisations : la France a la pression fiscale la plus forte en Europe Le vrai problème est une réorganisation totale de l'impôt et des prélèvements et de leur gestion publique, étatique et régionale. Ce problème ne se confond en rien avec la fiscalité verte. 

Tant que seront mis en avant les liens entre taxes et environnement, il n'y a que peu d'espoirs d'une sortie de crise. On dirait que le vert, censé symboliser l'espérance, se fait de plus en plus difficile à discerner. 

Jeudi gris 

Depuis les déclarations officielles, rien ne s'est éclairci. Au contraire, des nuages s'amoncellent, la pluie s'installe. On entre dans le gris. Et personne n'est vraiment rassuré d'apprendre qu'il en existe cinquante nuances. Malgré les 125 millions d'exemplaires des romans d'E.L. James, le gris n'a rien d'excitant. En entrant dans le brouillard, dans un temps à plafond bas et à visibilité réduite, nous n'abordons pas seulement une météo de saison, mais une période de grande incertitude politique et sociale. 

A moins qu'il ne faille envisager que tout est lié : le gris, le sado-masochisme et la situation actuelle de la France. Je ne suis ni psychanalyste ni politologue, mais il me semble que l'idée vaudrait d'être creusée. On y verrait une nation plutôt douée pour réussir, mais aussi pour s'auto dévaster en y trouvant quelque jouissance secrète. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il est très possible que ce temps sans soleil soit durable. 

Il y a donc fort à parier que, dans les moments qui viennent, nous en verrons de toutes les couleurs. 

Suggestion pour la titraille 

Roger-Pol Droit 

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