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L'Italie paye l'absence de solidarité en Europe

LE CERCLE/POINT DE VUE - Lors des élections générales italiennes, le vote à 55 % pour des partis anti-migrants, anti-européen, anti-euro s'explique par le principe de non-assistance mutuelle entre les Etats membres de l'UE.

Une garde-côte italienne attendant un bateau de Médecins sans frontières transportant au moins 900 migrants à son bord.
Une garde-côte italienne attendant un bateau de Médecins sans frontières transportant au moins 900 migrants à son bord. (Cesare Abbate/AP/SIPA)

Par Jacques Delpla (économiste, Président de KLIMATEK SAS)

Publié le 8 mars 2018 à 09:32

Les élections générales italiennes viennent de montrer - une fois de plus - les ravages d'une idée pervertie inscrite dans les textes des traités européens : la non-assistance mutuelle entre pays de l'UE. Pour les dettes publiques, c'est la clause de non-renflouement (no bail out). Pour la crise migratoire, c'est le règlement de Dublin sur les migrants entrant dans l'UE.

Même logique dans les deux cas : chaque pays est responsable de ses affaires et doit régler ses problèmes par lui-même. L'idée au départ est louable : « Vous avez mal géré vos affaires, à vous de les régler ; les autres pays, n'en étant pas responsables, ne doivent pas être forcés de payer. »

Cette idée a été exigée par les Allemands (qui craignaient - déjà - de devoir payer pour la dette italienne) lors du traité de Maastricht, avec la fameuse clause de non-renflouement des dettes publiques (article 125 : « Un Etat membre ne répond pas des engagements d'un autre Etat membre, ni ne les prend à sa charge. ») C'est au nom de cela que les Allemands refusent toute mutualisation des risques en Europe, afin de ne pas déboucher sur une « union des transferts » où ils se voient comme les éternels payeurs au profit des pays du sud de la zone euro. L'article 125, c'est « aide-toi et l'Europe ne t'aidera pas. »

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Même principe appliqué aux migrants

Le problème de cette non-assurance assumée est que, dans la zone euro, si votre voisin chavire, vous en pâtissez aussi. S'engager à ne pas aider votre voisin qui se noie, car il a oublié d'apprendre à nager ou de s'assurer, est nocif pour le voisin, mais pour vous aussi, car il est aussi votre client - pour toujours. Comme le disait Napoléon : « Un Etat fait toujours la politique de sa géographie. »

Si les migrants arrivent en Italie, c'est le problème de l'Italie, pas celui des autres.

Les Européens ont élargi cette mauvaise idée aux migrants, avec le règlement de Dublin (2003) : chaque pays est responsable des migrants qui arrivent en premier chez lui - les autres pays n'en étant pas responsables et devant les renvoyer dans le premier pays qui a relevé leurs empreintes digitales. Dublin, c'est l'application du « no bail out » aux migrants : s'ils arrivent en Italie, c'est le problème de l'Italie, pas celui des autres.

L'aporie de cette logique de non-assurance est amplifiée par la liberté de circulation. Celle des capitaux dans la zone euro signifie que la moindre crise de confiance sur la dette publique italienne se transforme en crise de liquidité abrupte puis en faillite potentielle. Celle des personnes dans l'espace Schengen fait que les migrants arrivent massivement en Italie, pensant aller en Europe du Nord. Mais in fine, ils restent ou reviennent très souvent en Italie, règlement de Dublin oblige. D'où la conjonction dans les urnes italiennes (à 55 % des votes) d'un vote anti-migrants, anti-européen et anti-euro.

Construire des mécanismes de pure assurance

Aujourd'hui, les Italiens sont fondés à se demander : qu'avons-nous à gagner en restant dans cette Europe de la non-assistance si, à chaque crise financière ou migratoire, nous pouvons chavirer ?

La solution n'est ni le statu quo européen, où chaque crise menace de s'enflammer, ni dans le financement de la dette italienne par l'Europe du Nord que voudraient nombre d'Italiens. Elle est dans la construction de véritables mécanismes européens de pure assurance, qui protègent les pays contre des aléas non prévus, mais évitent des transferts permanents.

Ce serait une politique européenne fédérale de contrôle des frontières et d'accueil, d'intégration ou de retour des migrants, accompagnée d'une défense européenne permettant d'intervenir soit dans les eaux internationales, soit dans les pays d'émigration faillis (Lybie, Syrie…), le tout payé par l'Europe.

Pour la finance, la solution est une dette publique partiellement commune et une union bancaire vraiment fédérale avec garantie européenne des dépôts, qui éviteraient les crises de liquidité abrupte. Assurons enfin l'euro et l'Europe !

Jacques Delpla est économiste.

Jacques Delpla

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