La Catalogne est-elle en train de devenir une île située quelque part entre l'Aragon, la Communauté valencienne, la Méditerranée et les Pyrénées ? Le président de la Généralité, Carles Puigdemont, a pris un risque en voulant s'isoler du reste de l'Espagne. Il pourrait entrer dans l'histoire comme le dirigeant qui aura proclamé l'indépendance de la Catalogne, mais qui, in fine, aura perdu. Face à son refus d'y renoncer, le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, doit désormais ouvrir la voie à une mise sous la tutelle de Madrid. Ce qui pourrait être fait dès samedi. Mais ce n'est pas la seule menace qui pèse sur le rêve des indépendantistes catalans de devenir une « république dans l'Union européenne ». Jeudi, lors de leur sommet à Bruxelles, les dirigeants européens ont envoyé un message d'unité autour de l'Espagne et ont apporté un soutien sans faille à Madrid. Une douche froide, si jamais Carles Puigdemont décide de proclamer l'indépendance, comme l'y invite la gauche radicale catalane. Ce qui plongerait dans une crise profonde sa région, qui voit déjà des entreprises partir sous des cieux moins incertains. Mais il existe une voie de sortie par le haut : celle de décider de nouvelles élections régionales qui permettraient de clarifier la situation politique. Le temps presse avant que le gouvernement n'active l'article 155 de la Constitution, inspirée par la Loi fondamentale de l'Allemagne sur les Länder. Certes, la nostalgie de la nation catalane demeurera. Mais elle peut se réaliser à travers une fédération et une autonomie approfondie par une réforme constitutionnelle. Ce qui demande du courage de la part de tous les dirigeants, à Barcelone mais aussi à Madrid. Car une nouvelle crise menace. Si jamais le bras de fer joue les prolongations, toute l'Espagne, qui se remet à peine de la crise de 2008, en subira les conséquences, notamment économiques. La Catalogne n'est pas une île indépendante du reste du monde.
Jacques Hubert-Rodier