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La conscience d'un Etat piètre actionnaire

Les pouvoirs publics ont eu la bonne idée de mettre à jour leur doctrine sur l'Etat actionnaire. Les principes sont les bons. Mais la pratique sera essentielle. Air France constituera un test intéressant.

Par Jean-Marc Vittori

Publié le 20 juin 2018 à 16:21

C'est une exception française et ce n'est pas un gage d'efficacité économique. L'Etat possède encore 1.700 entreprises qui emploient près de 800.000 salariés (chiffres à fin 2016). C'est le fruit d'une histoire bien particulière. En France plus qu'ailleurs, l'Etat joue un rôle central dans la vie économique du pays. A deux reprises, il a déclenché une grande vague de nationalisations. En 1945, le général de Gaulle voulait en même temps instaurer une « démocratie économique et sociale » et rebâtir le pays au plus vite. En 1981, François Mitterrand, lui, entendait mener une politique industrielle.

15.000 milliards d'euros

Mais l'Etat n'est pas programmé pour piloter des entreprises, comme l'explique parfaitement David Azéma, qui dirigea l'Agence des participations de l'Etat, dans une note publiée par l'Institut Montaigne en 2017. L'économiste Maxime Legrand a calculé la facture des décisions de l'Etat actionnaire depuis le début du XXe siècle. Elle est astronomique : près de 15.000 milliards d'euros.

Il était donc salutaire de lancer une vague de privatisations, comme l'a fait Jacques Chirac à partir de 1986. Le socialiste Lionel Jospin a lui aussi donné des impulsions. Le gouvernement actuel vient d'annoncer une nouvelle série de cessions. Mais l'Etat avait aussi choisi de rentrer dans le capital d'Alstom en 2004 ou de PSA (Peugeot-Citroën) en 2014.

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Yaourt stratégique ?

Dans pareil contexte, il est bienvenu que l'Etat mette à jour sa doctrine en la matière. La ligne directrice est la bonne : l'Etat n'a pas vocation à être actionnaire. Les trois exceptions sont aussi les bonnes. Il n'est pas aberrant que l'Etat joue un rôle dans la vie des entreprises stratégiques comme celles du secteur de la défense (Naval Group, voire Thales), de celles qui assurent un service public national (SNCF), et dans les situations d'urgence (Alstom, PSA). C'est même souhaitable. La plupart des autres pays font de même. Aux Etats-Unis par exemple, la poste est publique et l'Etat n'a pas hésité à entrer au capital de General Motors en 2009.

Mais le diable n'est pas dans la doctrine, il est dans les détails. Le gouvernement peut avoir une conception très élastique du secteur stratégique - un Premier ministre avait soutenu que l'industrie du yaourt en était un. Il est facile d'argumenter dans les deux sens sur le nucléaire civil. Un gouvernement pourra aussi juger que les conditions d'une cession (bénéfique à l'entreprise, préservant un ancrage français ou européen) ne sont jamais réunies. Air France constituera à cet égard un test intéressant. En ces affaires, la bonne doctrine est bien sûr le pragmatisme. A condition de se départir d'une attitude bien française : la croyance aveugle en la supériorité de l'Etat.

Jean-Marc Vittori

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