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Chronique

La France qui espère et la France qui grinche

Le coup de balai dans la classe politique a engendré une nuée de grincheux influents. Mais les premiers pas de la présidence Macron ont aussi révélé un pays plein d’espoir.Pour réussir, elle devra échapper à la technocratie.

Par Jean-Marc Vittori

Publié le 19 juin 2017 à 11:39

Etrange moment de l’histoire de France. Au terme d’un interminable processus électoral entamé voilà près de sept mois, où certains Français sont allés voter huit fois, le pays a enfin un nouveau président, soutenu par une confortable majorité à l’Assemblée. A l’international, ce président donne une impression de modernité, de souffle et d’espérance que la France n’a pas montrés depuis très longtemps. Tous les voyageurs rentrés ces derniers jours de l’étranger racontent une anecdote qui en témoigne. En France, c’est l’inverse. Après une campagne délétèr e, un climat morose persiste. Ce président aurait été mal élu, sur une base trop étroite, même s’il a eu au premier tour de l’élection présidentielle 3 millions de voix de plus que Jacques Chirac en 2002 dont l’élection n’avait pas suscité pareille réserve. Les commentateurs qui s’inquiétaient d’un Parlement éclaté sans majorité claire ont ensuite expliqué qu’un Palais-Bourbon monoMacron risquait de subir le sort décrit par l’historien Marc Bloch: «Une chambre gouvernante se voue au chaos, dès qu’elle accepte d’être une foule ».Ils jugent désormais qua la majorité sortie des urnes est un peu étriquée, et affaiblie par le nombre élevé d’abstentions . Le quinquennat serait condamné à la pagaille, à la guerre sociale-civile ou à l’inaction.

Deux France

Un scénario du pire est toujours possible. La France l’a prouvé avec une rare constance depuis des décennies, avec une progression du revenu par tête devenue l’une des plus faibles des pays avancés en tendance de long terme. Mais l’échec ne saurait être considéré comme acquis. Au fond, les Français savent que la République tient aujourd’hui bien mal ses promesses de liberté, d’égalité et de fraternité, et que des changements profonds sont donc nécessaires. En attendant les premières lois que le gouvernement saura ou non faire passer, le moment actuel éclaire crûment la France, comme une lumière rasante en fin de journée. Ou plutôt les France. La France qui grinche et la France qui espère. Celle qui n’est jamais contente et préfère le faire savoir haut et fort plutôt que de prendre le risque d’agir. Et celle qui défriche les voies de l’avenir, le plus souvent loin des micros, des caméras et souvent de la capitale. Une troisième France, en revanche, reste dans l’ombre dont elle ne sort que par éruptions sporadiques. Celle des métiers menacés de disparition, des usines qui ferment comme Whirlpool à Amiens, des cités de banlieue sans horizon, des éleveurs en voie d’asphyxie.

Esprit critique

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Vue de l’étranger, la France qui grinche est aujourd’hui encore plus incompréhensible que d’ordinaire. Elle a pourtant des racines anciennes. Au pays de Descartes et Voltaire, l’« esprit critique » s’inscrit dans une longue tradition intellectuelle, perpétuée par son système éducatif. « Dans le domaine de la recherche, de l’innovation, c’est une qualité « disruptive » que les investisseurs reconnaissent », expliquait la ministre du Travail Muriel Penicaut quand elle dirigeait Business France , l’agence chargée notamment de promouvoir la France auprès des investisseurs étrangers. Mais cet atout peut dégénérer en faiblesse majeure quand il freine toute avancée. Dans les médias, la raison critique tourne parfois à la passion de la critique, à la fois parce que les mauvaises nouvelles se vendent mieux que les bonnes et parce que la fragilité de nombre de journaux pèse sur l’appréciation du réel que font les journalistes.

Ce n’est pas tout : le coup de balai dans la classe politique provoqué par l’électrochoc Macron, sans précédent depuis la seconde guerre mondiale, engendre mécaniquement une nouvelle promotion de grincheux influents. Le célèbre médecin urgentiste Patrick a ironisé d’un gazouillis sur le réseau Twitter: « Une pensée à tous les journalistes et réseaux qui ont perdu leur carnet d’adresses et influence avec toute cette classe politique perdue. »

L’élan Vivatech

Mais à côté de cette France qui grinche, le phénomène Macron met aussi en lumière la France qui espère. Cette France-là était visible au salon VivaTech, la manifestation hautes technologies organisée par « Les Echos » et Publicis, qui a rassemblé 65.000 visiteurs pour sa seconde édition. Loin toutefois de se cantonner aux geeks et autres yuppies, elle se trouve un peu partout ailleurs, dès lors qu’on sort des palais du pouvoir, des organisations sclérosées, du périphérique parisien. La douzaine de « Prix 2017 des bonnes nouvelles des territoires » remis début juin en donnent une petite idée (1). Ils ont distingué l’entreprise DualSun qui fabrique des panneaux solaires hybrides, l’association Le Carillon qui crée du lien social autour des SDF, ou la Communauté d’agglomération de Béthune-Bruay Artois Lys Romane qui revitalise un bassin d’emploi déshérité. Hier, l’espoir était souvent discret, voire caché. Aujourd’hui, il devient avouable. Sur le site des « Echos », les articles aux titres catastrophistes figurent moins qu’avant parmi les plus lus. Avec le choc Macron, des changements qui paraissent hier impossibles semblent aujourd’hui à portée de main.

Libérer les énergies

C’est dire la formidable responsabilité qui pèse sur le nouveau chef de l’Etat, sans doute la plus lourde depuis la prise du pouvoir par Charles de Gaulle en 1958. Emmanuel Macron le « Jupitérien » entend d’ailleurs reconcentrer le pouvoir, avec un Etat fort. Mais pour réussir, pour libérer les formidables énergies de ce pays, pour renforcer la vague d’espoir qui s’est formée ces derniers mois, il devra aider les myriades d’initiatives du terrain à s’épanouir et non retomber dans le réflexe technocratique, si naturel chez les élites françaises, et si nuisible dans un monde numérique de plus en plus décentralisé. L’espoir est à ce prix.

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