Le boomerang des sanctions contre Poutine
Après l'empoisonnement d'un ancien espion russe passé à l'Ouest, Theresa May a pris des sanctions contre la Russie, insuffisantes pour faire plier le maître du Kremlin.
Theresa May a marqué cette semaine un point : celui de donner l'impression de rassembler autour du Royaume-Uni. Face à la Russie de Vladimir Poutine, accusée d'avoir empoisonné sur le territoire britannique un ancien agent double russe, la Première ministre a obtenu l'appui d'Angela Merkel et d'Emmanuel Macron. Et, au-delà de l'Europe, la solidarité de Donald Trump. Mais le soutien s'arrête là. Non seulement l'Union européenne ne fera pas de cadeau pour le Brexit. Mais l'Amérique de Trump n'est plus le si fidèle soutien du Royaume-Uni. Face à une opinion publique traumatisée par ce qui apparaît à ses yeux comme une atteinte à l'intégrité du territoire par la Russie, Theresa May n'avait pas d'autre choix que d'annoncer des mesures contre Moscou. Comme du temps de la guerre froide, elle a ainsi décidé l'expulsion de 23 diplomates russes et le gel des contacts bilatéraux. Et à trois mois de la Coupe du monde de football en Russie, la Première ministre a ajouté une menace : celle de ne pas envoyer de représentant officiel lors de cette compétition. Mais Londres est loin d'être assuré que ces mesures de représailles, modestes, même si elles s'ajoutent aux sanctions prises par les Occidentaux après l'annexion en 2014 de la Crimée par la Russie, atteignent l'effet recherché : faire plier Poutine. Elles risquent plutôt, à quelques jours d'une élection sans suspense, dimanche 18 mars, à la présidence de la Fédération de Russie, de renforcer autour du chef du Kremlin une grande partie de l'opinion publique russe. Car les dirigeants russes, dans la lignée de ceux de la défunte Union soviétique, sont parvenus à convaincre une majorité de citoyens que leur pays est encerclé par l'Occident. Or l'enjeu pour Vladimir Poutine est d'éviter à tout prix que l'abstention soit trop élevée dimanche pour rendre crédible son inéluctable victoire. De nouvelles sanctions pourraient jouer en sa faveur, du moins dans l'opinion. Sans que Theresa May parvienne à faire plier Moscou ni à chasser de Londres les oligarques russes proches du Kremlin. Le risque des sanctions est toujours l'effet boomerang.
Jacques Hubert-Rodier