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Le glaive de la dette suspendu au-dessus de nos têtes

L’économie mondiale va mieux, mais le FMI et d’autres organismes s’inquiètent d’une dette très élevée. Pour la gérer, il faudra imaginer de nouveaux outils. Ou retrouver ceux de la révolution de 1789.

Par Jean-Marc Vittori

Publié le 16 oct. 2017 à 15:04

Etrange atmosphère économique. D’un côté, ça va mieux, sans nul doute. En France mais aussi dans le monde. Tous les grands pays sont maintenant en croissance, y compris la Russie et le Brésil, qui confirment leur redressement. Le FMI parle de ses prévisions à la hausse et révise désormais ses prévisions à la hausse à chaque équinoxe. Mais, de l’autre côté, le même Fonds monétaire international s’inquiète pour la pérennité de cette croissance, s’interrogeant sur .

Et ces jours-ci, le FMI est loin d’être le seul à se soucier de cette montagne. La Banque centrale européenne redoute les effets d’une hausse à venir des taux d’intérêt sur la valeur des titres de dettes contribuant aux fonds propres des banques. Des experts de l’institut Bruegel pointent les risques d’une union bancaire dans la désunion budgétaire. Ceux de France Stratégie, le descendant de feu le Commissariat au Plan, se demandent La proposition de France Stratégie. Pierre Gruson, professeur à la Kedge School of Business, propose que l’Etat emprunte sur un siècle. Et tutti quanti.

Croissance et inflation anémiées

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La contradiction entre une croissance qui repart et une dette qui inquiète n’est bien sûr qu’apparente. Chaque année disparaissent des entreprises aux ventes en progression, mais étouffées par leurs dettes. L’éclaircie conjoncturelle donne aussi un peu d’air aux économistes, qui peuvent réfléchir à l’important après avoir passé des années à étudier l’urgent. Et la floraison du moment reflète des travaux lancés il y a des mois, voire des années.

Comment vivre avec une dette qui approche, en tout, près de deux années et demie de production à l’échelle de la planète ? La croissance et l’inflation, dont les poussées avaient permis d’avaler les bosses du siècle dernier, semblent pour l’instant trop limitées pour abraser un tel relief. L’avenir risque d’être compliqué, en particulier pour les Etats, qui empruntent sans cesse pour refinancer leurs engagements passés. Il est plus facile d’imaginer des scénarios de rupture que des longs fleuves tranquilles. Voilà pourquoi les propositions affluent.

La France de 1787 à 1797

Mais ce n’est pas la première fois que nous vivons un tel épisode. A vrai dire, ce qui se passe aujourd’hui rappelle de plus en plus ce qui s’est passé en France au cours d’une décennie mouvementée – celle qui va de 1787 à 1797. D’abord, un Etat incapable depuis longtemps de contenir ses dépenses, malgré les avertissements d’un Turgot ou d’un Barre. Puis ce que les économistes appellent un « choc exogène» – les mauvaises récoltes de 1787-1788 et la crise financière de 2008 « made in USA ». Les finances publiques se dégradent à vive allure. Le réflexe français est alors de relever les impôts. C’est pour cette raison que Louis XVI convoque les états généraux. C’est ce que finit par faire Nicolas Sarkozy, puis commence à faire François Hollande. Le roi en a perdu la tête, les présidents, leur popularité.

Pour assumer cette dette, il faudra donc d’autres moyens. Les révolutionnaires de 1789 ont vite trouvé : en décembre de cette année, ils confisquent les biens du clergé. La proposition de France Stratégie est du même tonneau. Ses économistes proposent non la nationalisation des propriétés de l’Eglise (qui constitue l’un des « trois tiers » de la société de l’époque), mais la nationalisation du quart des terrains sur lesquels sont construits des logements. L’Etat pourrait ensuite demander un loyer.

Cette idée a suscité un tollé. Le Premier ministre a décidé de mettre France Stratégie sous tutelle après son rapport qualifié de «farfelu », oubliant au passage l’intérêt d’avoir auprès de l’exécutif un organisme capable de penser « out of the box», hors des sentiers battus. D’autres organismes, qui ne sont pas réputés pour leur anticonformisme, avaient pourtant eux aussi évoqué des impôts atypiques. En 2013, le FMI avait suggéré une taxe exceptionnelle de 10 % sur le patrimoine des Européens.

L’invention du « grand livre de la dette publique »

Les révolutionnaires de 1789 ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Dans la foulée de la confiscation, ils se sont mis à imprimer des billets, des « assignats », gagés sur les biens confisqués, pour régler les dépenses publiques. Le gage a vite été oublié pour imprimer ces assignats par millions. Ici, on se rapproche de la Banque centrale européenne, qui a créé des milliers de milliards d’euros pour acheter des obligations d’Etat. Avec toutefois des effets très différents. La création monétaire de la fin du XVIIIe siècle a engendré une vague d’inflation majeure. Les citoyens ont fui les assignats pour stocker les bonnes vieilles pièces d’or et d’argent. Au contraire, la création monétaire du début du XXIe siècle est restée dans les circuits de la finance. Elle a seulement pesé sur les taux d’intérêt à long terme, ce qui rend pour l’instant supportable l’énorme accumulation de dettes.

En 1793, le conventionnel Pierre-Joseph Cambon invente le «grand livre de la dette publique », où tous les engagements de l’Etat sont fondus en une rente perpétuelle à 5 %. En proposant des emprunts d’Etat à un siècle, Pierre Gruson n’est pas très éloigné de cette piste. Mais en 1797, il a fallu se rendre à l’évidence : l’Etat est incapable d’honorer sa dette. Il décide donc d’en annuler les deux tiers !

Nous n’en sommes pas encore là. Le défaut sur la dette publique n’est pas en vue. Mais si les taux d’intérêt remontent un jour, alors il faudra imaginer des solutions nouvelles pour gérer le surendettement. A la Révolution, les conventionnels durent prendre des mesures budgétaires non conventionnelles. Au XXIe siècle, il faudra sans doute recommencer.

Jean-Marc Vittori

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