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Le monde à l'heure de la remilitarisation

Le monde se réarme à une vitesse inédite depuis la guerre froide. L'heure est à la remilitarisation des relations internationales. Une situation dangereuse mais pas nécessairement synonyme d'une reprise des guerres entre Etats.

Par Jacques Hubert-Rodier

Publié le 9 janv. 2018 à 11:51

Où ? Quand ? Comment ? 2018 sera-t-elle l'année de la reprise des guerres entre Etats et du réarmement massif du monde ? A la fin 2017 le Sipri (Stockholm International Peace Research Institute) a annoncé la première hausse, après cinq années consécutives de baisse, des ventes d'armes des cent plus grandes entreprises du secteur. Elles ont atteint en 2016 près de 375 milliards de dollars.

Pourtant, cette augmentation n'est pas le signe avant-coureur d'une nouvelle course aux armements. « Nous ne sommes pas en 1905. A l'époque, lorsque les Allemands lançaient un navire de guerre, les Anglais en construisaient dix », explique François Heisbourg, président de l'IISS (International Institute for Strategic Studies). Ni même dans les années 1970, lorsque l'Union soviétique et les Etats-Unis se laissaient aller à la même escalade.

En outre les ventes d'armes, le plus souvent sophistiquées, à des gouvernements établis ne suivent pas mécaniquement les tensions dans le monde. Selon Aude Fleurant du Sipri, citée par la Deutsche Welle (DW), « il est très difficile d'établir un lien direct entre d'importantes ventes d'armes et les guerres en cours ». Et si ce lien existe, c'est pour l'acquisition de certains types de matériel (missiles, munitions, véhicules terrestres) dans les régions où couvent des conflits.

Certes de réelles menaces de guerre entre Etats existent, comme en mer de Chine, ou entre l'Amérique de Donald Trump et la Corée du Nord. Mais sur les 49 conflits analysés pour 2016 par l'UCDP (Uppsala Conflict Data Program), deux seulement concernaient des Etats, Inde-Pakistan et Erythrée-Ethiopie, sans dégénérer en guerre ouverte.

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Des conflits par procuration

D'après le panorama du think tank ICG (International Crisis Group), les conflits et les guerres dans le monde à la fin 2017 sont internes aux pays. Ils concernent la Syrie, l'Irak, la Libye, le Yémen, le Soudan du Sud, même s'ils impliquent des puissances extérieures se livrant à des guerres par procuration. Mais ces puissances - Etats-Unis et leurs alliés, Russie, Iran, Arabie Saoudite - ont évité une confrontation directe entre leurs propres armées et devraient continuer à le faire dans les mois à venir. A moins que Donald Trump ne décide de mettre le feu aux poudres en lançant une attaque directe contre la Corée du Nord, prenant ainsi le risque d'une confrontation avec la deuxième puissance mondiale, la Chine. Mais la probabilité est faible. D'après François Heisbourg, également conseiller spécial à la FRS (Fondation pour la recherche stratégique),« la violence à l'intérieur des sociétés ne s'est jamais arrêtée même pendant la guerre froide ».

Ce qui est nouveau, d'après lui, c'est la remilitarisation des relations internationales. « On a tendance à recourir à la force armée pour atteindre un objectif politique », dit-il. Il est vrai que la paralysie du Conseil de sécurité des Nations unies face, notamment, à la guerre civile en Syrie, le conflit le plus sanglant de ce début de siècle, a laissé un vide diplomatique sans précédent depuis la guerre froide.

Puissances « révisionnistes »

Selon le président de l'ICG, Robert Malley, ex-conseiller des présidents Barack Obama et Bill Clinton, « Donald Trump fait preuve d'une attirance pour les généraux et d'un mépris total pour les diplomates ». Ce qui, selon lui, n'est pas nouveau tant les dirigeants « sont plus enclins à se battre qu'à se parler » et à enfreindre le droit international qu'à le respecter.

Les deux puissances « révisionnistes », Chine et Russie, souhaitent clairement corriger l'ordre international et le statu quo, quitte à employer la force, selon François Heisbourg. Paradoxalement, si la Chine a poursuivi une augmentation de son budget militaire au rythme de la hausse de son PIB, le budget militaire de la Russie tend, lui, à se réduire. La crise économique est passée par là. Mais elle est devenue, affirme François Heisbourg, « une puissance agile » comme le prouve la rapidité de l'annexion en 2014 de la Crimée et son intervention militaire en Syrie depuis 2015.

Les Etats-Unis demeurent, de loin, la première puissance militaire dans le monde avec un budget 2018 voisin des 640 milliards de dollars soit près de 40 % de l'ensemble des dépenses militaires mondiales (1.700 milliards de dollars en 2016 soit 2,2 % du PIB mondial). Mais en dépit des annonces fracassantes de Donald Trump, ce montant permet à l'Amérique de retrouver, plus ou moins, son niveau de 2012 soit à la fin du premier mandat présidentiel de Barack Obama.

Une Amérique imprévisible

En dépit de cet immense budget, l'Amérique n'est parvenue à s'imposer militairement ni en Afghanistan, où depuis 2001 elle mène la guerre la plus longue de son histoire, ni en Irak, où le renversement de Saddam Hussein en 2003 a ouvert la porte du monde arabe à l'Iran, mais aussi au mouvement terroriste Daech, qui tente d'établir un califat en Syrie et en Irak.

C'est vraisemblablement dans le Golfe où la montée des périls est aujourd'hui la plus inquiétante. L'Arabie saoudite, en dépit de son surarmement, s'est enlisée dans une intervention au Yémen contre le clan Houthi afin de contrecarrer l'Iran.

Comme le rappelle François Heisbourg, le président Trump a donné aux Saoudiens une véritable carte blanche pour agir. Ce qui a ouvert également une crise directe avec le Qatar.

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Car il ne faut pas se faire d'illusions. Le monde est confronté aujourd'hui à une instabilité sans précédent. L'Amérique de Donald Trump est devenue une puissance imprévisible pour ses alliés traditionnels, en Europe ou en Asie. Et si le lien entre le réarmement et la conflictualité du globe n'est pas établi, il reste que la militarisation des relations internationales est un retour en arrière à une époque où seuls les rapports de force dominaient.

Jacques Hubert-Rodier

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