Le retour de l'ours russe
Jamais depuis la fin de la « guerre de l'ex-Yougoslavie » dans les années 1990, l'Europe n'avait été aussi proche du précipice. L'Ukraine, déjà amputée de la Crimée, désormais rattachée à la Russie, est menacée de perdre le contrôle sur d'autres régions frontalières de la Fédération russe. Certes, les pays occidentaux ont leur part de responsabilité dans cette crise. Les Etats-Unis et l'Union européenne en pratiquant une politique ambiguë à l'égard de Kiev, comme ce fut le cas pendant et après la « révolution orange » de 2004. Mais la responsabilité écrasante de la nouvelle crise en Ukraine incombe à Moscou. Car l'ambition de Vladimir Poutine est bien de rétablir la « grandeur » de la Russie. Et il ne peut se contenter de la seule Crimée. En massant quelque 40.000 soldats russes à la frontière et en provoquant par l'intermédiaire de « milices armées pro-russes », suspectées souvent d'être des soldats russes sans écusson, des incidents dans l'est de l'Ukraine, Moscou a fait monter d'un cran la tension, alors que les autorités pro-occidentales de Kiev hésitent à donner l'assaut contre les bâtiments occupés par ces « miliciens ». En menant cette politique au nom de la « protection des populations russophones », le chef du Kremlin prend un risque immense : celui de raviver l'esprit des alliances. Déjà, Européens et Américains ont resserré les rangs au sein de l'Otan. Anders Fogh Rasmussen, son secrétaire général, doit participer aujourd'hui à une réunion des Vingt-Huit à Luxembourg. L'Union, elle-même, pourrait tenir un sommet extraordinaire la semaine prochaine. Mais si l'Alliance atlantique revient en force, sur quelle alliance aujourd'hui Vladimir Poutine peut-il compter ? Jusqu'à présent, seuls le Venezuela et la Syrie ont réellement applaudi à l'annexion de la Crimée. La Biélorussie a été plus prudente. On est loin du compte. Mais la Russie est bien décidée à aller plus loin. A moins qu'Européens et Américains parviennent à l'en empêcher en l'isolant encore plus.
Jacques Hubert-Rodier