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Les raisons de la phobie de l’hyperinflation

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Publié le 19 avril 2015
1664 mots - Temps de lecture : 4 - 6 minutes
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Rubrique : Editorial du Jour

 

 

 

 

A Caracas, au Venezuela, une hyperinflation fulgurante a complètement vidé les rayons des magasins avant même que le prix du pétrole ne soit divisé par deux. C’est ce qu’illustre William Neuman dans son article écrit pour le NYT.

Mary Noriega, une assistante de laboratoire, doit faire la queue pendant des heures avec 1.500 autres personnes juste pour acheter de quoi manger, « alors que des soldats armés contrôlent les cartes d’identité pour s’assurer à ce que personne n’achète des produits de base plus d’une ou deux fois par semaine ». Madame Noriega est forcée de troquer avec ses voisins pour mettre de la nourriture dans son assiette.

Dans la nouvelle de Thomas Mann sur la vie à Weimar, en Allemagne, intitulée « Disorder and Early Sorrow », une mère de famille, Frau Cornelius, fait face au même problème :

Le sol ne cesse jamais de se défaire sous ses pieds, et tout semble chamboulé. Elle nous parle de ce qui occupe constamment son esprit : les œufs. Ils doivent être achetés aujourd’hui. Six-mille marks par unité, et seule une petite quantité sera vendue aujourd’hui, dans un seul magasin, à quinze minutes d’ici ».

 

Paul Cantor, dans son analyse de la nouvelle de Mann, intitulée « Hyperinflation and Hyperreality: Thomas Mann in Light of Austrian Economics », souligne qu’une intervention gouvernementale dans l’économie en entraîne une autre. Ayant produit des raretés sur le marché par leurs politiques inflationnistes, les autorités introduisent de nouvelles régulations pour contrer l’irrationalité qu’elles ont-elles-même créée ».

Il n’est pas difficile de comprendre ce que The Economist a baptisé la « phobie de l'Allemagne pour l'hyperinflation ». Le premier magazine d’économie du monde se demande « jusqu’où ces leçons demeurent appropriées. La déflation pose aujourd’hui un risque plus grand que l’inflation en Europe ».

Mais beaucoup se souviennent encore du jour où le taux de change du mark contre le dollar est passé de 4,2 pour un à 4,2 trillions pour un en novembre 1923. La nouvelle de Mann nous montre que malgré la débauche monétaire, les gens trouvent un moyen de survivre.

Aucun foyer n’a droit à plus de cinq œufs par semaine ; c’est pourquoi souvent, les jeunes de la famille entrent dans les magasins un par un, et utilisent de faux noms, ce qui leur permet d’obtenir vingt œufs pour le foyer Cornelius.


Dans une scène de vie qui imite un art qui autrefois imitait la vie, le peuple du Venezuela achète de la lessive, de l’huile végétale et de la farine de maïs (qui sont tous sujets aux restrictions du gouvernement).


Chaque achat est entré dans une base de données, ce qui fait que les acheteurs n’essaient pas d’acheter les mêmes produits régulés deux fois en une semaine au moins.

 

Des soldats contrôlent la file à l’extérieur, des policiers sont déployés à l’intérieur et des fonctionnaires du gouvernement vérifient les cartes d’identité, s’assurent qu’elles ne sont pas falsifiées – ou qu’il ne s’agisse pas d’immigrants dont les visas ont expiré. Un fonctionnaire des services d’immigration et d’identification a précisé que tout contrevenant serait arrêté.


A Caracas, il est bien moins facile d’avoir le gouvernement. Comme nous l’indique le Times, les pénuries et les longues files d’attente sont devenues de coutume au Venezuela, mais avec la baisse du prix du pétrole.


Le gouvernement a envoyé des troupes patrouiller les files les plus longues. Certaines régions ont interdit aux gens d’attendre devant les magasins pendant la nuit, et des fonctionnaires du gouvernement sont postés près des entrées, prêts à arrêter tout citoyen qui tenterait de contourner le système de rationnement.


Le secteur de l’assistance médicale a beaucoup souffert des pénuries. Les salles d’opération ont été fermées pour plusieurs mois malgré des listes d’attente longues de plusieurs centaines de patients. Un chirurgien d’une clinique privée est parvenu à maintenir ouverte une salle d’opération en faisant entrer illégalement des médicaments essentiels depuis les Etats-Unis.


Thomas Mann nous montre à quelle vitesse la monnaie a perdu sa valeur sous la république de Weimar.


Avant que les jeunes n’arrive, Frau Cornelius doit s’emparer de son panier de courses et se rendre en ville à bicyclette pour transformer en provision la liasse de monnaie qu’elle tient dans ses mains et qu’elle n’ose garder plus longtemps de peur qu’elle ne perde encore de la valeur.

 


Le NYT a un photographe à Caracas, dont la photo ci-dessus vaut plus qu’un millier de mots.

« La situation devrait encore se dégénérer, puisque c’est le pétrole qui maintient le pays à flot », a expliqué Luis Castro, un infirmier de 42 ans, qui faisait la queue avec des centaines d’autres devant un magasin de quartier. Il est arrivé à six heures du matin avec sa femme et son fils de six ans, mais à 11h30, il n’avait toujours pas passé la porte. « Nous commençons à nous habituer à faire la queue, et quand vous vous habituez à quelque chose, on ne vous donne que des miettes de pain ».

Cantor explique que pendant que l’hyperinflation en ruine certains, d’autres font fortune. Dans son diaporama, le Times montre l’image d’un spéculateur de Caracas, qui fait fortune en vendant du savon, du beurre et de l’huile de cuisson sur le marché noir.

Dans son livre « The Downfall of Money: Germany’s Hyperinflation and the Destruction of the Middle Class », Frederick Taylor écrit que « ceux qui ont des revenus moyens et n’ont pas accès aux produits agricoles ou au marché des changes sont forcés de chasser et de faire la queue pour de la nourriture – parce que leurs revenus ne leurs permettent pas d’acheter ce dont ils ont besoin mais aussi parce que l’hyperinflation génère des pénuries ».

Les agriculteurs ne veulent pas se séparer de leurs produits pour du papier sans valeur. « Dans ce qui devient rapidement une économie de troc, les plus agiles et les plus futés, sans mentionner les plus malhonnêtes, sont en haut de la chaîne alimentaire. Dans les zones rurales, les médecins demandent à être réglés en produits alimentaires par les fermiers qu’ils traitent ».

Les travailleurs ont commencé à être payés au jour le jour, et ils s’en vont chaque soir avec leur femme acheter tout ce qu’ils peuvent. Ils vont ensuite à la banque pour acheter d’importe quelle devise stable disponible. Des banques ont ouvert leurs portes pour faire face à cette demande. Deutsche Bank avait 15 succursales en 1923. Dix ans plus tard, elle en avait 242. Son nombre d’employés a été multiplié par quatre. En 1921, 67 nouvelles banques ont ouvert, 92 autres en 1922, et 401 en 1023-24.

 


L’activité économique n’a pas été à l’origine du besoin en de nouvelles banques. « Les banques ont été surchargées d’ordres d’achat et de vente sur le marché des changes, et le public a intégré la bourse en masse ».

« L’effondrement de la monnaie est devenue synonyme de l’effondrement de la morale », écrit Taylor. La chair humaine était en vente dans les « cabarets », et pas seulement sous la forme de prostituées traditionnelles, mais aussi de fils et filles de familles de classe moyenne nouvellement dépossédées et qui avaient rejoint le marché du sexe – on les échangeait de préférence contre des cigarettes, des métaux précieux et des devises autres que les marks papier.

Alors que l’inflation fait disparaître l’épargne de la classe moyenne, les jeunes femmes n’ont plus de dot à offrir. « Quand la monnaie perd toute sa valeur, écrit une femme, le système sur lequel repose le mariage est détruit, et il en va de même pour l’idée de rester chaste jusqu’au mariage ».

L’auteur cite l’histoire écrite par l’écrivain russe Ilya Ehrenburgh au sujet d’une soirée passée avec des amis de la colonie d’immigrés de Berlin. Il écrit avoir terminé la nuit dans un appartement bourgeois parfaitement respectable, dans lequel on leur servait de la limonade allongée d’un peu d’alcool.

Avant que deux filles n’entrent, complètement déshabillées, et commencent à danser. La mère regardait les invités, pleine d’espoir : peut-être que ses filles pourraient les satisfaire et qu’ils paieraient bien, en dollars. « C’est ça que nous appelons la vie, a soupiré la mère. Mais ce n’est rien de plus que la fin du monde ».


Paul Krugman, qui a gagné le Prix Nobel, et que les hyperinflationophobes ont toujours ennuyé, a écrit que « ce n’est pas l’hyperinflation de 1023 qui a amené Hitler au pouvoir, mais la déflation et la dépression de Brüning. Les obsessions pour une monnaie saine et un étalon or, et non l’impression monétaire excessive, est à blâmer ».

Vraiment ? En 1923, Hitler a dit lui-même que « Notre misère se fera plus grande. Les escrocs s’en sortiront. Mais les gens décents qui ne spéculent pas seront écrasés ; d’abord les plus petits, puis aussi ceux d’en haut. Mais les escrocs resteront, petits comme grands. Parce que l’Etat lui-même est devenu un escroc et un arnaqueur. Le plus grand de tous les voleurs ! »

Hitler ne parlait pas d’une monnaie stable, mais de l’impression monétaire excessive par un Etat de voleurs. Krugman lui-même a répété ces propos dans un article :

L’hyperinflation est en fait un phénomène très bien compris, et ses causes ne sont pas particulièrement controversées parmi les économistes. Elle concerne principalement les revenus : lorsqu’un gouvernement ne peut plus augmenter les taxes ou emprunter de l’argent pour financer ses dépenses, il se tourne vers la création monétaire et tente de tirer de grosses quantités de monnaie de son seigneuriage – de tirer des revenus de la création monétaire. L’inflation en découle, qui pousse à son tour les gens à maintenir leur épargne, ce qui signifie que les planches à billet doivent tourner encore plus rapidement pour acheter les mêmes quantités de ressources, et ainsi de suite.

Un gouvernement hors de contrôle qui ne peut plus emprunter ou taxer suffisamment ne peut plus payer ses factures. C’est arrivé au Zimbabwe, à l’Iran, au Venezuela… quel pays sera le prochain sur la liste ?

 

 

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