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Macron face au risque de la paralysie

ANALYSE. Moins d'un an et demi après l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée, son espace se rétrécit singulièrement. La politique, l'économie et le management abaissent l'horizon. Et c'est finalement assez classique.

Pour le président de la République, tout va devenir plus compliqué.
Pour le président de la République, tout va devenir plus compliqué. (Photo Ludovic Marin/AFP)

Par Jean-Marc Vittori

Publié le 10 sept. 2018 à 08:31Mis à jour le 10 sept. 2018 à 16:35

C'était le 19 octobre 2013. A l'Elysée depuis dix-sept mois, François Hollande proposait dans une allocution télévisée à Leonarda de revenir poursuivre ses études en France. Quelques minutes plus tard, la jeune Rom expulsée vers le Kosovo rejetait son offre en direct sur BFMTV. Cette rebuffade en direct marquait symboliquement la fin du quinquennat Hollande. Le président n'a mené ensuite aucune réforme d'envergure.

En septembre 2018, seize mois après son élection, Emmanuel Macron n'a pas connu son épisode Leonarda. Mais il est plus bas dans les sondages que son prédécesseur il y a cinq ans. Son quinquennat touche peut-être déjà à sa fin. S'il restera dans le palais présidentiel jusqu'en 2022, il a peut-être déjà derrière lui le temps de l'action, celui du grand réformateur qu'il aspirait à être.

Fourmis frondeuses

Bien sûr, rien n'est joué. Des projets ambitieux déjà lancés devraient aboutir. D'autres pourraient encore voir le jour. Mais tout va devenir plus compliqué. La faute à la politique, à l'économie et au management.

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La politique d'abord. La menace ne vient pas ici de l'opposition. Un an et demi après le happening stupéfiant des élections, elle reste en état de choc. A droite, Laurent Wauquiez emmène les Républicains dans le mur. A gauche, le PS a perdu son identité avec ses murs, Benoît Hamon est dans l'éther, la mouvance écologique dans la nature et Jean-Luc Mélenchon au théâtre ce soir.

La menace ne vient pas plus de l'affaire Benalla, qui a moins passionné les Français que les médias, qui ont trouvé là de quoi remplir le vide de juillet après la Coupe du monde. Elle commence peut-être avec le départ de Nicolas Hulot dans un rare moment de sincérité, et le choix de son remplaçant qui marque le repli sur le sérail politique. Des tensions pourraient apparaître à l'Assemblée, où certains députés du parti présidentiel ont des fourmis frondeuses dans les jambes.

Grande faille économique

Surtout, Emmanuel Macron et sa majorité vont affronter une épreuve redoutable : des élections. La République En Marche veut être le premier parti du pays dans le scrutin européen du 26 mai 2019, mais elle pourrait glisser au troisième rang, voire au quatrième. La perspective des élections municipales de 2020 va crisper encore plus les postures. Le président perd son espace politique.

Ensuite l'économie : le secours ne viendra pas de là. La croissance est plus lente qu'espéré. C'est la faute à la malchance, mais aussi aux tripotages de la politique fiscale. L'argent va moins rentrer dans les caisses de l'Etat. Ce qui va faire ressortir la grande faille économique du programme de Macron : la réforme de l'Etat et les dépenses publiques, sujets qui ne l'ont jamais intéressé. Faute de vraie méthode, il va falloir à nouveau manier le rabot bête et méchant, comme on l'a déjà vu dans les prestations sociales. Et il va être difficile de relever des crédits honteusement comprimés, comme ceux de la justice.

Les comptes publics ne vont certes pas tomber dans le rouge, car ils y sont depuis longtemps. Mais ils vont cogner des seuils symboliques : 3 % du PIB pour le déficit, 100 % pour la dette. Ces points techniques agacent la Commission européenne, à qui on avait promis une énième fois que le déficit serait cette fois-ci vraiment réduit.

Anciennes ornières

Au-delà, c'est toute la crédibilité de la France dans l'Union européenne qui est en jeu. A défaut d'avoir un vrai projet pour la dépense publique, Emmanuel Macron en a un pour l'Europe. Mais l'absence du premier risque de tuer le second. Les poches vides, le président français aura encore plus de mal à frayer le chemin vers la réforme de l'Europe, pourtant nécessaire à la survie de la construction communautaire.

Le management enfin. Face aux difficultés croissantes, sur des sujets auxquels il a moins réfléchi, Emmanuel Macron revient aux anciennes méthodes, au risque de tomber dans les anciennes ornières. Si le président, le Premier ministre et leurs directeurs de cabinet ont en commun d'avoir travaillé en entreprise, ils sont aussi tous passés par la haute fonction publique. Dans l'adversité, le réflexe technocratique revient au galop, au détriment de l'esprit entrepreneurial. Les ambitions se rabougrissent.

La mise en oeuvre du prélèvement à la source ou l'amputation du pouvoir d'achat des prestations sociales constituent de beaux exemples de logique technocratique. « Bercy reprend le pouvoir », entend-on parfois. Alors même que des mesures pourraient se justifier politiquement. Désindexer partiellement certaines prestations sociales, c'est concentrer les aides sur ceux qui en ont le plus besoin, ce qui est non seulement défendable mais aussi sans doute souhaitable.

Moeurs et économie

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Un temps d'action limité à moins d'un an et demi peut sembler extraordinairement court pour un gouvernement. En réalité, c'est plutôt la règle. En matière de moeurs, les grandes avancées du dernier demi-siècle - légalisation de l'avortement, abolition de la peine de mort et autorisation du mariage gay - ont toutes été votées dans la première année d'un mandat présidentiel. En matière économique, une étude de la Banque Mondiale sur plusieurs dizaines de pays avait montré que « pratiquement 85 % des réformes ont été mises en oeuvre dans les quinze premiers mois d'un nouveau gouvernement ».

Emmanuel Macron n'a d'ailleurs pas à rougir. Il a sans doute déjà agi davantage pour la France que ses trois, voire ses six prédécesseurs. Mais il reste tellement à faire…

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