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Pourquoi il vaudrait mieux relever l'âge de la retraite

CHRONIQUE + VIDEO. Réduire le pouvoir d'achat des pensions de retraite ou relever les cotisations pour équilibrer les comptes sont des solutions de facilité. Dans le pays où l'on part le plus tôt à la retraite, n'y aurait-il pas une autre solution ? Ce vieux débat reste, hélas, toujours d'actualité.

Fabien Clairefond pour « Les Echos »
Fabien Clairefond pour « Les Echos »

Par Jean-Marc Vittori

Publié le 11 sept. 2018 à 12:50

Mais qu'est-ce que c'est encore que cette histoire de retraite ?

Il n'est pas question ici de la volonté d'Emmanuel Macron d'aller vers un autre système de retraite. Chaque euro cotisé donnerait le même droit à retraite, dans le public comme dans le privé, pour un salarié comme pour un indépendant. Ce projet va dans la bonne direction, car ce nouveau monde serait plus juste, plus simple, plus transparent. Il bute sur une foule de choix délicats (pension de réversion, prise en compte de la pénibilité, carrières longues, majoration pour enfants, etc.). Il va rencontrer l'opposition de ceux qui profitent des injustices - et ils sont nombreux. Mais il est souhaitable.

Ancien monde

Non, il est question des prochains mois. D'abord, les retraites vont être moins augmentées que la hausse des prix, qui a fâcheusement accéléré ces derniers mois. Sauf à jouer sur les mots, c'est en contradiction avec la promesse du candidat Macron de ne pas toucher au montant des pensions. Ensuite, les cotisations de retraite complémentaire prélevées sur le plus grand nombre d'actifs, celles de l'Agirc et de l'Arrco, vont être relevées, pour harmoniser les normes des deux régimes et pour les renflouer.

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Autrement dit, on reste dans l'ancien monde. Face à des problèmes de financement, on relève les cotisations et on laisse s'éroder le pouvoir d'achat des prestations sans toucher au troisième paramètre de l'équilibre du système, l'âge de la retraite. Or il est à la fois possible et souhaitable de relever cet âge. Il faudra que le président accepte de revenir sur sa promesse de ne pas y toucher, comme il l'a déjà fait pour les pensions. Il faut aussi que les entreprises jouent le jeu.

Niveau de vie élevé des plus de 65 ans

Souvent « dans la moyenne européenne », la France se distingue en matière de retraite. La dernière synthèse de l'OCDE sur le sujet, parue l'an dernier, le montre. Parmi les 35 pays avancés membres de l'organisation internationale, la France est celui où les hommes partent le plus tôt à la retraite, juste après 60 ans (les Françaises, elles, partent un peu plus tard que les Slovaques, les Belges et les Polonaises). C'est aussi le pays où l'espérance de vie au moment de la retraite est la plus élevée, pour les femmes comme pour les hommes (respectivement 28 et 24 ans).

La France est aussi le pays de l'OCDE où la dépense publique de retraite est la plus élevée derrière l'Italie, où le taux de pauvreté (défini par un revenu de moins de moitié que le revenu médian) des plus de 65 ans est le plus bas, où enfin le niveau de vie des plus de 65 ans est le plus élevé par rapport à l'ensemble de la population (ratio de 103 % contre 88 % pour l'OCDE).

Tout ceci n'est sans doute pas tenable. Les dernières projections du Conseil d'orientation des retraites le confirment. Le système devrait connaître un léger déficit en 2022 (0,2 % du PIB), qui devrait doubler à l'horizon 2030. Il devrait ensuite se résorber… à condition que l'économie fasse des gains de productivité de 1,5 % par an, ce qui ne semble pas aujourd'hui le scénario le plus vraisemblable. Il faudra donc agir.

Solution de facilité

La hausse des cotisations reste une tentation, comme le montre le mouvement Agirc-Arrco. Mais par bonheur, même les syndicats rétifs semblent avoir compris qu'il n'est pas souhaitable de relever indéfiniment les charges sur le travail. La baisse des pensions reste la solution de facilité, comme on vient de le voir avec les arbitrages gouvernementaux. Mais elle est impopulaire, sans parler des histoires de CSG.

Le ministère des Affaires sociales, qui s'appelle présentement ministère des Solidarités, sonde depuis longtemps les Français sur la retraite. La grande majorité d'entre eux estiment qu'il faudra encore réformer pour sauver le système. Parmi ceux-là, à peine 2 % préconisent la baisse des pensions. Un tiers prône une hausse des cotisations. Et pratiquement les deux tiers, des mesures d'âge (allongement de la durée de cotisation et recul de l'âge de la retraite). Il faudra toucher à cet âge de la retraite.

Soupçon de moindre productivité

La décision est, bien sûr, compliquée. La même enquête montre que les Français veulent prendre leur retraite en moyenne à 60 ans. Mais ils ont bougé. En 2000, cet âge idéal était plutôt à 55 ans. Et ils sont conscients des réalités : ils pensent pouvoir prendre leur retraite vers 65 ans. Les politiques publiques menées ces dernières années ont joué (parmi les mesures Agirc-Arrco qui entrent en vigueur début 2019, il y aura d'ailleurs un mécanisme pour inciter à prendre la retraite un peu plus tard). Depuis 2010, le taux d'activité des 55-64 ans a bondi de 42 % à 55 %.

Cela ne suffira pas. Il faudra continuer dans cette voie, notamment avec les plus de 60 ans. C'est aux entreprises de jouer. Car les seniors ont d'excellentes raisons de vouloir prendre leur retraite. Ils ont un mal fou à trouver un emploi. Ils ne sont plus formés (en France, les deux tiers des formations profitent aux moins de 45 ans). Ils sont parfois usés par un travail trop dur et mal organisé. Ils sont soupçonnés de moindre productivité, alors qu'aucune étude ne l'a prouvé, sauf pour des tâches très physiques. Certains s'adaptent moins bien parce que cela fait des années qu'on leur demande de faire la même chose. D'autres s'ennuient et tombent malades. Rien ici n'est irrémédiable. Et aucun gouvernement ne pourra décréter ce que les entreprises doivent faire pour faire fructifier leur capital humain.

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VIDEO. Dans quel état financier est le système de retraite en France ? (Et que propose Macron pour le réformer ?)

Jean-Marc Vittori 

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