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«Changer ou disparaître», le livre-choc sur le capitalisme français

La lutte des classes continue à imprégner notre vision de l'entreprise. Syndicats et patronat se complaisent depuis trop longtemps dans un faux dialogue social qui ne fait que masquer une conflictualité latente et dégrade notre compétitivité. La solution ? Un vrai partage du pouvoir. Le nouveau livre choc de Jean Peyrelevade.

Par Henri Gibier

Publié le 8 mars 2018 à 12:48

Le sous-titre du nouvel essai de Jean Peyrelevade le présente comme une « adresse au patronat », ce qui tombe bien au moment où s'amorce la compétition pour la succession de Pierre Gattaz à la tête du Medef. Mais, au fil des pages, les lecteurs découvrent qu'il s'agit bien plus d'une sévère remontrance destinée à un corps social patronal incapable, pour de multiples raisons, de s'attaquer sérieusement aux rigidités et aux mauvaises habitudes qui minent depuis plusieurs dizaines d'années la compétitivité de l'économie française.

Il serait toutefois réducteur de n'en retenir que cette remise en cause du rôle tenu par les grands dirigeants d'entreprise dans la trop lente modernisation de notre capitalisme. Au-delà de ce procès du patronat, l'ouvrage propose une remarquable analyse du terreau culturel sur lequel s'est construite la fracture sociale qui mine depuis des lustres une France sous l'emprise de la défiance de classe dans les relations entre syndicalistes et patrons. Au départ, il y a la Révolution, la grande, celle dont nous sommes si fiers, qui a engendré ce monument de l'identité et du rayonnement français : la Déclaration des droits de 1789.

On y trouve les racines d'un trait national singulier ainsi résumé par l'ancien président du Crédit Lyonnais : « La situation curieuse d'une économie de marché qui fonctionne, tant bien que mal, au milieu d'une sourde hostilité politique. » Dès la Constitution de 1791, le droit de propriété fait son entrée sous le signe de l'ambiguïté, puisque conçu d'emblée comme une protection contre les empiétements du pouvoir politique. Il est ensuite envisagé sur une base strictement individualiste : « A aucun moment, note l'auteur, n'est émise l'idée que l'entreprise puisse être le lieu de rassemblement d'individus autour d'un même projet. » De ce fait, les propriétaires d'entreprises se sentent eux-mêmes titulaires d'un pouvoir inaliénable, non partageable, car ils le tiennent d'un droit de propriété individuel que la Constitution a décrété « inviolable et sacré ».

Les ferments d'un antagonisme radical entre capital et travail, encore vivace dans les mentalités d'aujourd'hui, sont posés. Ce lointain héritage continue de faire du terme « dialogue social » un oxymore hexagonal, toutes les parties prenantes en retenant d'abord l'idée de conflit.

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Dans ce climat, l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 a vite démontré que la route de la révolution était une impasse dans une économie globalisée, mais elle s'est traduite par ce que Peyrelevade nomme l'étatisation, accentuant « la préférence française pour l'Etat ».

L'ex-conseiller de Pierre Mauroy estime que le bilan mitigé des nationalisations a conduit les étatistes à trouver une nouvelle voie, pernicieuse, pour s'immiscer dans la vie de nos entreprises : « Cette voie, c'est la dette. » Même sous Emmanuel Macron, les patrons français restent plus incités par la fiscalité à privilégier leur financement par le recours au crédit que par les fonds propres.

Jean Peyrelevade nous fait revivre l'incroyable frénésie fiscale qui a saisi les débuts du quinquennat de François Hollande, et son acharnement à surtaxer le capital, avec les conséquences que l'on sait sur l'emploi et la croissance. Provoquant un exode du capital d'une ampleur trop souvent sous-estimée : « Des études sérieuses évaluent à 200 milliards d'euros le total cumulé des patrimoines appartenant à des personnes soumises à l'ISF expatriées pour des raisons fiscales, souligne l'essayiste à partir des données du COE-Rexecode, c'est à peu près le montant d'une année d'investissement de l'ensemble des entreprises françaises. » S'il salue les mesures prises sur ce plan par Emmanuel Macron pour stopper l'hémorragie, le banquier les trouve encore trop timides.

Son autre bête noire, c'est ce qui lui apparaît, sous couvert du paritarisme, un achat à haut prix de la paix sociale, à la fois par la dérive des charges sociales et par le laxisme salarial. Cette partie du livre est la plus critique à l'égard du patronat, principal responsable de cette politique de gribouille, que Peyrelevade explique au fond par le refus d'emprunter une autre voie plus vertueuse, mais contraire aux verrous culturels évoqués précédemment : celle du partage du pouvoir dans l'entreprise.

La solution pour lui passe pourtant par une réinterprétation française de la cogestion à l'allemande. Afin de faire bouger les mentalités, le chroniqueur des « Echos » va très loin, avançant même l'idée d'instaurer « un droit automatique de copropriété » de l'entreprise. Comme l'ensemble de cette vigoureuse entreprise de désintoxication culturelle, c'est un utile rappel que, même avec le visage plus souriant et plus moderne du macronisme, nous ne sortirons pas de notre mal français sans traitement de choc.

Henri Gibier

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