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Trois scénarios pour l'économie mondiale

La reprise de l'économie mondiale va-t-elle durer ? Tout dépendra de la capacité des grandes économies à mener des réformes structurelles. Donc de l'attitude future des grands leaders de la planète.

Par Nouriel Roubini (économiste, chroniqueur aux « Echos »)

Publié le 18 oct. 2017 à 22:46

Depuis l'été 2016, la reprise de la croissance et des marchés boursiers semble solide. Cette accélération a survécu non seulement à l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, à l'accentuation de l'incertitude politique et au chaos géopolitique générés par cette élection et aux perturbations post-référendum sur le Brexit. En réponse à cette apparente résilience, le Fonds monétaire international a récemment revu à la hausse ses perspectives de l'économie mondiale.

Ce récent sursaut de croissance se prolongera-t-il sur les prochaines années ? Ou faut-il considérer que le monde connaît une simple reprise cyclique temporaire, qui sera bientôt assombrie par de nouveaux risques extrêmes comparables à ceux qui ont provoqué d'autres ralentissements ces dernières années ?

Trois scénarios sont envisageables au cours des trois prochaines années. Dans l'hypothèse optimiste, les quatre plus grandes économies de la planète sur le plan systémique - Etats-Unis, Chine, zone euro et Japon - décideront des réformes structurelles qui permettront de dynamiser la croissance potentielle. Ces efforts produiraient une solide croissance du PIB, une inflation faible ainsi qu'une relative stabilité financière pour de nombreuses années à venir. Les marchés boursiers américains et mondiaux atteindraient ainsi de nouveaux sommets, justifiés par des fondamentaux plus solides.

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Dans l'hypothèse pessimiste, c'est l'inverse qui se produira : les grandes économies de la planète échoueront à mettre en oeuvre des réformes structurelles. Plutôt que de faire du Congrès national du Parti communiste de ce mois-ci le catalyseur des réformes, la Chine restera attentiste, poursuivant sur la voie du surendettement et de la surcapacité industrielle. La zone euro ne parviendra pas à opérer une plus grande intégration, tandis que les contraintes politiques limiteront la capacité des dirigeants nationaux à appliquer des réformes structurelles favorables à la croissance. Le Japon restera, lui, pris au piège de sa trajectoire de croissance lente, à mesure que tourneront court les réformes de l'offre et la libéralisation des échanges commerciaux.

Quant aux Etats-Unis, dans un tel scénario, l'administration Trump continuerait d'appliquer une approche politique - impliquant baisses d'impôts immensément favorables aux plus fortunés, protectionnisme commercial et restrictions sur l'immigration - fort susceptible de réduire la croissance potentielle. Une relance budgétaire excessive produirait dettes et déficits incontrôlés, ce qui engendrerait des taux d'intérêt plus élevés et un dollar plus fort, le tout affaiblissant la croissance.

En cas de persistance de cette faible croissance potentielle, les politiques d'assouplissement monétaire et de crédit pourraient en fin de compte aboutir à une inflation des biens et/ou des actifs, qui provoquerait à son tour un ralentissement économique - ainsi qu'une possible récession franche et une crise financière - au moment de l'éclatement des bulles d'actifs, ou à mesure des hausses d'inflation.

Le troisième scénario - à mon sens le plus probable - se situe quelque part entre les deux premiers. L'actuelle reprise cyclique se prolongera quelque temps, poussée par les vents favorables qui soufflent encore. Pour autant, malgré certaines réformes structurelles appliquées par les grandes économies pour améliorer la croissance potentielle, le rythme du changement s'avérera beaucoup plus lent, et son ampleur plus modeste, qu'il le faudrait pour maximiser ce potentiel.

En Chine, ce scénario à tâtons signifierait procéder au minimum nécessaire pour éviter un atterrissage brutal, sans pour autant réussir un véritable atterrissage en douceur. Dans la zone euro, ce troisième scénario ne produirait qu'une faible avancée en direction d'une plus grande intégration, tandis que le refus allemand d'une véritable prise de risque ou union budgétaire mettrait à mal la motivation des Etats membres en difficulté à adopter des réformes douloureuses. Au Japon, un gouvernement Abe de plus en plus inefficace appliquerait des réformes minimales, condamnant la croissance potentielle à stagner en dessous de 1 %.

Aux Etats-Unis, la présidence Trump demeurerait instable et inefficace, tandis qu'un nombre croissant d'Américains réaliseraient que, malgré son positionnement populiste, Trump est un ploutocrate chargé de préserver les intérêts des plus riches. Les inégalités s'accentueraient , la classe moyenne stagnerait, les salaires augmenteraient à peine, tandis que la consommation et la croissance demeureraient anémiques, à peine aux alentours de 2 %.

Mais les risques que soulève la stratégie de l'attentisme s'étendent bien au-delà de performances économiques médiocres. Ce scénario ne représente pas un équilibre stable, mais un déséquilibre instable et vulnérable aux chocs économiques, financiers et géopolitiques. Lorsque tôt ou tard se produiront ces chocs, l'économie subira un ralentissement, voire, en cas de choc suffisamment puissant, une récession et une crise financière.

Autrement dit, si le monde se contente de faire le dos rond, ce à quoi il faut sans doute s'attendre, il pourrait, en l'espace de trois à quatre ans, se retrouver confronté à des perspectives beaucoup moins heureuses. L'énoncé de l'exercice est clair : soit les dirigeants et responsables politiques font preuve du leadership nécessaire pour assurer de meilleures perspectives à moyen terme, soit les risques baissiers se matérialiseront rapidement - et mettront sérieusement à mal l'économie mondiale.

Nouriel Roubini, est président de Roubini Global Economics et professeur à la Stern School of Business de l'université de New York.

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