Un débat nécessaire
Le débat sur le SMIC commence enfin. Pierre Gattaz, président du Medef, évoque l'idée d'une paie inférieure au SMIC pour les personnes les plus éloignées du marché du travail. Laurence Parisot, qui le précéda à la tête de l'organisation patronale, parle de logique esclavagiste. Pourtant, des hommes de gauche osent aborder le sujet. Pascal Lamy, qui fut directeur général de l'Organisation mondiale du commerce mais aussi proche collaborateur de Jacques Delors à Paris et Bruxelles, prône des emplois « pas forcément payés au SMIC ». Philippe Aghion, Gilbert Cette et Elie Cohen, trois économistes qui ont déjeuné hier avec François Hollande, recommandent dans leur dernier livre le gel temporaire du salaire minimum dans un premier temps, un effort de formation des smicards, puis une réforme de fond. Il est bien sûr tentant de refermer ce débat à peine ouvert. Trop compliqué, trop injuste, trop risqué. Dans un pays où un actif sur dix est au chômage, où plus de 2 millions d'hommes et de femmes cherchent un emploi depuis plus d'un an, où 150.000 jeunes sortis chaque année du système scolaire ont un mal fou à rentrer sur le marché du travail, il est au contraire plus que temps d'ouvrir les yeux. Le SMIC donne le même salaire à un jeune de 19 ans vivant chez ses parents et un actif de 50 ans, mais pas du tout le même niveau de vie ni le même message. Idem pour un Parisien et un Rodézien. Le salaire minimum est certes plus élevé au Luxembourg, mais le pays ne compte que 6 % de chômeurs. Il l'est aussi un peu plus en Irlande, mais pour les actifs ayant au moins deux ans d'expérience. En France, on préserve souvent l'injustice au nom de la justice. On préfère l'égalité formelle à l'égalité réelle. Le SMIC en est un excellent exemple. Oui, il est temps d'en débattre.
Jean-Marc Vittori