Le grand débat est une bouffonnade pathétique, alors nous allons faire le
nôtre !
Lorsque l’on parle privatisation ou bien public, il est rare, pour ne pas
dire impossible, de ne pas se heurter au mur de l’idéologie, ou plus
précisément d’une double idéologie. La première c’est celle du tout privé,
qui consiste à dire que tout est bien mieux géré quand c’est privé. La
seconde c’est la religion du tout public, ou tout devrait être collectivisé.
Lorsque l’on m’écrit, comme ce camarade lecteur Alain, cela donne ce genre
de commentaire que je trouve révélateur de l’état de blocage de la pensée et
du débat dans notre pauvre pays.
« C’est mieux si c’est public … bla-bla-bla … Allez en Espagne avec
votre belle Dacia, et vous verrez la différence entre les autoroutes d’État
et les autoroutes privées… Allez en Allemagne, et vous verrez également
l’état des autoroutes !!!! Ensuite, et seulement à l’issue de ces essais, on
verra si vous maintenez que les autoroutes doivent rester dans la sphère
publique ! Tout le monde dit et écrit n’importe quoi en ce moment … et vous
en faites partie ! »
Étant un fervent partisan de la liberté de parole de tous, je confirme
qu’il est très important de pouvoir l’ouvrir, au risque de dire tout et
n’importe quoi ! Même si les grosses conneries devraient être évitées, je
préfère mille fois une grosse imbécillité prononcée qu’une situation de
blocage de la parole ayant conduit à une situation où plus d’une centaine de
nos concitoyens ont été grièvement blessés ! Ceux qui ne font pas la relation
entre la situation étouffante de l’expression orale et de la pensée dans
notre pays et la révolte dans la rue sont des imbéciles qui n’ont rien
compris et qui ont créé les conditions du malheur de tous par leur
politiquement correct crétin.
Alors pour répondre à notre camarade Alain, qui remarque avec perfidie que
je n’ai qu’à faire le tour d’Europe avec ma Dacia pour me rendre compte à
quel point les routes chez nous sont belles, ce qui justifiait semble-t-il
des tarifs prohibitifs sans oublier des bénéfices plantureux pour les
entreprises privées gérant les autoroutes de notre pays, j’aurais plusieurs
choses à dire.
La première, sur le mode de l’humour étant, que si je suis
« fan » des Dacia pour le rapport qualité-prix de ces véhicules, la
suspension n’est tout de même pas au top, et que quand les routes sont
mauvaises, que mon camarade lecteur Alain se rassure… je sens chaque chaos
dans mes reins… Ce qui facilite justement les comparaisons de confort entre
les réseaux routiers européens, effectivement médiocres en Espagne (quand ils
sont gratuits), ou en Angleterre, où les autoroutes sont aussi gratuites, ou
encore en Suisse, où elles sont fort belles et très peu chères puisqu’il
suffit d’acheter une vignette annuelle (une fois) pour quelques dizaines
d’euros et cela suffit à prendre toutes les autoroutes gratuitement pendant
un an.
Bref, et là c’est la deuxième chose, plus sérieuse cette fois, lorsque
l’on sort de France, il existe en réalité beaucoup d’autres systèmes
possibles que le système français et nous avons, là encore, triste record,
les autoroutes les plus chères au monde… ce qui est à l’image de notre
fiscalité de manière générale.
La troisième chose, c’est qu’il n’est pas uniquement question de savoir si
c’est « public », ou privé ! Cela peut aussi être une concession…
et quand c’est une concession… l’État concède ! Quand il concède, il négocie
les principes de la concession, le prix reçu en échange, les exigences
attendues, les modalités d’évolutions futures etc… !
Le véritable sujet c’est qui profite de la manne des autoroutes
françaises ?
Quel serait le meilleur mode de gouvernance et de gestion de ce bien
commun ?
Je n’ai aucune religion personnelle à ce sujet. Je remarque, juste, de
manière pragmatique, qu’aujourd’hui les profits générés ne profitent que peu
à la collectivité et beaucoup à des entreprises privées et à leurs
actionnaires, alors qu’elles ont été construites avec l’argent des
contribuables.
La question est donc aussi de savoir à qui « profite le crime »
!
Autre élément, on voit bien que l’on privatise sans vergogne, ce qui
rapporte de l’argent pour conserver ce qui en coûte. Résultat des courses, au
lieu d’aménager notre territoire par exemple en faisant le choix collectif de
payer des péages chers, pour conserver des gares et des lignes de train peu
rentables en finançant les pertes de l’un avec les gains de l’autre, on se
prive des gains pour ne garder que les pertes que l’on fait peser sur le
contribuable.
Les conséquences de cette politique sont très nettes. Plus on privatise,
plus la dette augmente !!! Ce n’est pas le seul élément explicatif de
l’augmentation de l’endettement de notre pays, mais c’en est un. Plus on
privatise, plus les impôts et les taxes augmentent. C’est factuel.
Autre question, peut-on bien gérer quelque chose de public ? Vaste débat !
L’un des principaux écueils reste pour moi l’idée de sécurité de l’emploi
pour les fonctionnaires ou assimilés.
Je pense à titre personnel que personne ne doit aller travailler la peur
au ventre. Je pense également que lorsque l’on ne fait manifestement pas son
travail, les sanctions doivent être prises, car c’est la seule façon de
maintenir dans le long terme l’efficacité de n’importe quel type de
structure. Si dans le monde communiste, vous ne pouviez pas perdre votre
travail, si vous emmerdiez votre supérieur ou votre commissaire politique
vous partiez au goulag… Si les débuts du communisme sont très
« stakannovistes », c’est parce que les sanctions sont évidemment
terribles et bien pires qu’un simple licenciement.
Alors, est-ce mieux quand c’est public ou quand c’est privé ?
Le débat est complexe, et il ne faut pas oublier de prendre en
considération aussi ce dont on parle. Une police privée poserait d’immenses
problèmes, comme une armée privée en pose et l’exemple américain est très
éclairant puisqu’en Irak comme en Afghanistan, ce sont des milliers de
« privés » qui font la guerre à la place des États… Privatisation
donc de la guerre et de l’armée, avec tout ce que cela implique de
conséquences aussi juridiques ou des chaînes de commandement. À noter aussi
que lorsque l’on désigne le totalitarisme marchand comme ennemi et que les
forces armées se font privatiser, il y a de quoi frémir.
En France, une nouvelle législation sur la sécurité privée est en train de
voir le jour et cela va créer des mastodontes de la sécurité et de la sureté
qui seront en concurrence avec les services d’État, mais ils ne répondront
qu’aux ordres de celui qui achètera la prestation… Évidemment, terrain miné.
Les privatisations ou la gestion publique, ce n’est pas uniquement un
sujet d’argent. C’est aussi un problème de répartition des pouvoirs,
d’institutions et de démocratie.
Alors Alain… faut-il privatiser les autoroutes ou pas ?
Oui, on peut accepter de privatiser les autoroutes si la privatisation est
financièrement juste pour la population et le pays, ce qui est rarement le
cas puisque souvent, les privatisations sont de la rapine légalisée en bandes
organisées.
Non, quand c’est manifestement du vol, non quand il y a une tâche
régalienne, et non quand un bien public par les bénéfices qu’il rapporte — et
je pense par exemple aux aéroports ou la Française des Jeux, ou encore les
barrages d’EDF —permet des rentrées fiscales qui aident à financer des choses
qui, elles, ne seront jamais rentables, comme soigner Alain, lorsqu’il est
malade, ou lorsqu’Alain devra affronter son cancer et l’injection chaque
semaine qu’il recevra et coûtera à la collectivité 15 000 euros, 15 000 euros
auxquels je considère qu’il est indispensable de participer, car nous pouvons
tous être malades et ne pas être en mesure d’en assumer les coûts.
Faut-il privatiser ? Tout dépend de la vision que l’on peut avoir
de l’équilibre des finances publiques, de l’utilité de certaines activités
sous le contrôle direct de l’État ou pas.
Revenons sur le cas des aéroports. C’est une porte d’entrée. Si je fais
garder ma porte par un ennemi, il ne faut pas s’étonner si un soir, l’ennemi
laisse entrer toute sa horde ! N’y voyez aucune allusion autre que ce que je
dis là. Un aéroport, un port, sont des portes d’entrée. Lorsque vous concédez
la gestion de votre porte d’entrée à des amis, actuellement chinois (le cas
de Toulouse), ils n’ont évidemment pas les mêmes intérêts que vous ! Faire
entrer le loup dans la bergerie est rarement une bonne idée pour les moutons.
Il faut donc aborder le problème des privatisations ou de la gestion
public d’un bien avec un peu plus de hauteur que la simple comparaison du
confort du réseau autoroutier au volant d’une Dacia. Pour cela, il faut
débattre, encore et encore, ne pas être d’accord, mais il faut argumenter,
réfléchir, peser, compléter, amender, rajouter, mais sortir des religions
économiques stériles ou des idéologies crétines qui pourrissent ce pays, qui
est notre plus important bien commun, depuis trop de décennies.
J’ai donc une position très nuancée sur le sujet et je revendique et
assume pleinement ma position qui consiste à considérer que gestion publique
et privatisation ne doivent pas être opposées, mais au contraire qu’il s’agit
de deux outils précieux et complémentaires indispensables à la mise en place
d’une stratégie efficace de gestion de notre État dans une optique de service
de la collectivité et du bien commun.
Pour le reste, je suis persuadé que vous aurez de nombreuses idées
pertinentes dont vous pourrez faire profiter toute notre communauté de
lecteurs et enrichir les réflexions de chacun en apportant votre pierre dans
les commentaires ci-dessous.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
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« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend
inévitables les révolutions violentes » (JFK)