Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
J'aime faire appel à une chose que nous avons et qui se nomme
la mémoire. Comme il faut que nous soyons du temps de cerveau
disponible pour Coca-Cola, comme le disait l'ancien PDG de TF1, qu'il faut
que nous soyons réduits à l’état de larves
humaines sur-consommatrices de bidules inutiles importés de Chine, il
est évident que la mémoire n'est pas le
« muscle » que l'on nous fait le plus travailler !
Mais que voulez-vous, nous, les Contrariens,
on est comme ça. C'est une maladie, nous n'y sommes pour rien. Nous
avons de la mémoire, on écoute, on retient, on aime lire,
farfouiller, regarder, chercher, bref... Nous avons de la mémoire et
en plus on s'en sert...
Et là... nos souvenirs s'imposent à nous. Remarquez, il
n'y a rien de génial, on ne parle pas d'un truc qui s'est passé
il y a 20 ans... non, juste cet été, il y a un mois et demi, ou
quelque chose comme ça.
L'Europe était sauvée.
Il y a 3 semaines, « super » Mario Draghi, l'homme à la planche à billets en
Europe, avait même dit, devant une assistance subjuguée et
conquise, « qu'il ferait tout ce qu'il faut pour sauver l'euro, et
croyez-moi, ce sera assez ! »
On a vu ce qu'on a vu !! Attention, Mario s'est fâché.
Les marchés ont bondi. + 15 % de hausse depuis l'été.
Extraordinaire.
Il faut se
tenir loin de la bourse, très, très loin...
Que n'ai-je pas entendu. « Tu te rends compte, si nous ne
t'avions pas écouté, nous aurions investi sur les actions et on
serait plus riche de 15 % !! » Certes, et vous gagnez combien sur
votre portefeuille d'actions depuis 12 ans ? (Vous savez la Bourse, c'est du
long terme et toutes ces choses-là...)
« Heuuu... on perd 60 % pourquoi
? »
Eh bien parce que si tu m'avais écouté quand je t'ai dit
que la Bourse c'était pas pour toi il y a 12
ans, tu n'aurais pas besoin d'essayer de gagner 15 % pour tenter
désespérément de combler une perte de 60 %... qui finira
par une perte totale de 90 % puisque grâce à l'adage
« pas vendu, pas perdu », les banquiers vont vous
garder vos actions moisies pour continuer à vous facturer des frais...
Mais c'est dans l'intérêt du client bien sûr... jamais de
la banque !
Bref, quand les marchés montent, nous, les Contrariens,
on se fait presque insulter... On nous rend responsables des gains
ratés... heureusement pas des pertes. C'est déjà
ça.
Pourquoi je fais cette digression me demanderez-vous à juste
titre?
Mais parce que, où que vous regardiez, la situation est
catastrophique et les marchés sont hauts, beaucoup trop hauts. Ils
peuvent monter encore. Je n'ai aucun doute sur la bêtise insondable des
« investisseurs » qui animent le
« marché ». Ils n'ont qu'une seule
politique : mieux vaut avoir tort ensemble que raison tout seul. Nous,
les Contrariens, c'est exactement l'inverse. Nous
assumons notre solitude... même si cela fait du bien de savoir que nous
ne sommes pas totalement seuls, et que d'autres, partout en France, souffrent
de la même maladie en silence !
Donc soyez-en sûr, les marchés vont décrocher,
s'effondrer, se fracasser, et tendre vers leur vraie valeur... 0 ou presque.
Là, je force un peu le trait, mais 1 800 points pour le CAC reste
notre objectif.
Quand ? Aucune idée. Mais pas dans 10 ans.
Pourquoi ?
Parce que la situation, selon la formule consacrée dans les
banques, est « irrémédiablement
compromise ». Ce qui est une périphrase compliquée
pour dire que c'est mort, définitivement, et qu'il n'y a plus aucun
espoir.
Revenons à notre requête mémorielle, avec Mario
qui avait sauvé le monde, mais surtout nous autres pauvres
européens, grâce à toute la monnaie du monde.
Il semblerait que nos amis allemands et certains autres en Europe ne
soient toujours pas intégralement convaincus de la magie de la
politique proposée par le grand timonier de la BCE.
Sauvetage :
Berlin ne voit pas de « signaux clairs » de la part de
l'Espagne
Une superbe dépêche de l'AFP nous apprend donc que
« Berlin estime qu'il n'y a pas de signaux clairs d'une
volonté de l'Espagne de faire une demande officielle d'aide européenne
et que le cas de Madrid n'est de toute façon pas très
convaincant, selon une source gouvernementale ».
Traduisons ensemble : les Espagnols n'ont pas forcément
envie de se faire mettre sous la tutelle financière de la Troïka.
D'ailleurs, en terme de politique intérieure, rien ne dit que le
gouvernement Rajoy survivrait à une telle
demande officielle d'aide.
Plus grave encore, pour l'Allemagne le cas de l'Espagne n'est pas
très convaincant !
Je ne sais pas ce qu'il faut aux Allemands pour trouver convaincant la
situation économique catastrophique de l'Espagne.
Le ratio dette sur PIB était de 36 % seulement en 2007. 5 Ans
plus tard, nous en sommes à 85 % et disons-le franchement, il y a
quelques centaines de milliards d'euros qui manquent encore à
l'addition...
Non, en fait les Allemands disent que « nous n'avons pas
l'impression qu'on puisse construire un cas très convaincant d'une
demande d'aide à l'Espagne, à un moment où le pays
arrive à se financer sur les marchés ».
Ha. Nous y voilà. J'avais écris
il y a quelques jours sous forme de question, « pourquoi l'Espagne
devrait-elle demander l'aide de l'Europe ». Finalement, tout cela
est très logique.
Si l'Europe dit « on fera tout ce qu'il faut pour sauver
l'Euro », il faut comprendre que les marchés doivent
comprendre que l'Europe fera tout, et que si les marchés pensent que
l'on ne fera pas tout et qu'ils jouent contre l'Europe, ils risquent de
perdre gros... puisqu'ils joueraient contre la BCE qui a dit le mot magique :
illimité !
Or, en réalité, comme nous l'expliquions hier, personne
en Europe n'a d'argent pour abonder les MES et autres FESF. Résultat,
plus on peut gagner de temps, mieux c'est. D'ailleurs, si on pouvait ne pas
payer du tout, ce serait pas mal aussi.
Encore une fois. Faisons appel à votre mémoire. La Cour
constitutionnelle allemande avait dit OUI au MES. Youpi, génial,
tralala !
Euphorie dans les rues d'Europe. Liesse populaire. Sauf que…
sauf que les sages allemands avaient dit oui mais... Ya, mais tu refais valider chaque dépassement par le
parlement. Et là, ce n'est plus la même histoire, vu que des
dépassements, il va y en avoir un paquet !
Mais hier, la Bourse a pu monter grâce aux déclarations
de la commission européenne qui disait se tenir prête.
Je suis incrédule devant autant de crédulité.
Vous les croyez donc encore ? Remarquez, c'est plus rassurant que de regarder
la réalité en face, à savoir que tout le système
va s'effondrer prochainement dans un horrible fracas.
Tiens, regardons un peu chez nous justement, plutôt que de nous
focaliser sur les autres.
France :
déficit public, le mensonge !!
Le déficit public de la France s'est élevé
à 5,2 % du produit intérieur brut en 2011 et a atteint 103,1
milliards d'euros.
(Pour mémoire, il était fin 2010 à 7,1%, soit 137
milliards d'euros.)
Donc, on vous explique doctement que notre déficit est de 5,2 %
de notre PIB... C'est un calcul complètement crétin.
En effet, le PIB est la richesse produite par l'ensemble du pays. Elle
n'a strictement rien à voir avec les recettes et les dépenses
de l'État, c'est-à-dire le budget de notre pays.
Si nous appliquions le même calcul débile à un
ménage, nous obtiendrions la petite histoire suivante :
Monsieur et Madame Dupond qui ont deux enfants travaillent tous les
deux chez Carrefour qui réalise un chiffre d'affaires de 80 milliards
d'euros.
Monsieur Dupond est chef de rayon. Il gagne 28 000 euros par an. Son
épouse, elle, caissière chef, émarge à 18 000
euros.
Chaque année Monsieur et Madame Dupond gagne donc 46 000 euros.
Légèrement dépensiers puisqu'ils vont au
supermarché tous les jours, ils dépensent environ 50 000 euros
de plus que leurs revenus chaque année.
Lors du dernier rendez-vous avec son banquier, Monsieur Dupond a
expliqué que son déficit n'était que de 0,0000000000001
% de la richesse produite par son entreprise et qu'il fallait que Monsieur le
méchant banquier lui fasse un nouveau prêt.
Là, ma femme me dit que je suis malhonnête
intellectuellement, et que ça ne marche quand même pas comme
ça pour l'État.
Je dois dire que c'est vrai. Les proportions ne sont pas les
mêmes. Reprenons les chiffres exacts.
En 2011, les recettes de l'état français se sont
établies à 336 milliards d'euros tout impôt et taxe
confondus.
Nous avons dépensé 103 milliards de plus que ce que nous
avons gagné.
Notre déficit est donc en réalité de 103/336 = 31
% de nos revenus.
La réalité économique de notre pays, c'est que
chaque année, nous dépensons environ 30 % de plus que ce que
nous gagnons. Mais nous pouvons dire, ce n'est pas grave, cela ne
représente que 3, 4 ou 5 % d'un chiffre, le PIB (2 000 milliards
d'euros) qui lui est beaucoup, beaucoup plus grand !! C'est un calcul absurde
économiquement.
Mais bon, ce n'est pas grave. Nous, les Contrariens,
nous avons tort de regarder les choses de cette façon-là. Il ne
faut pas nous en vouloir, c'est une maladie. Nous sommes atteints de
« véritétonite »
et de « bon-sens-de-base » aigu. Nous devons être
traités comme des malades.
C'est pourquoi, moi, Charles Sannat, atteint
au plus haut degré par cette maladie, je lance le club des Contrariens Anonymes. Je crois que nous en avons bien
besoin mais, surtout, surtout, je crois que nous allons être de plus en
plus nombreux vu la tournure que prennent les événements.
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