Quand on veut faire de la "ré-information", ou du moins lutter contre la "désinformation" répandue dans nos médias officiels, ce serait bien de commencer par ne pas en utiliser les méthodes douteuses. Utiliser un pourcentage "phénoménal" pour illustrer un phénomène ponctuel relève du journalisme de caniveau, du simple tape-à-l'oeil (pour ne pas parler d'article "putaclic"). Ils utilisent la même méthode pour faire croire à la grande révolution de l'auto électrique : + 60% de ventes en un an !!! ... sauf que ça part d'une base très restreinte, et qu'ils cachent bien l'autre pourcentage, celui des parts de marché de l'auto électrique en France par exemple (pays producteur de ces voitures) : moins de 1%.
Quand une valeur est très basse, un phénomène inhabituel se traduit forcément par une variation énorme en termes de pourcentage. C'est comme si je vous racontait que depuis le début de cette année, j'ai eu plus d'accidents de voiture qu'en 15 ans d'utilisation... (vu que j'en ai eu 1 là où pendant 15 ans c'était 0). Cela s'appelle un simple fait de hasard, et non une augmentation exponentielle terrible.
Concernant le sujet de l'article, il aurait été plus informatif de simplement préciser : "67 faillites pétrolières américaines en 2015"... c'est déjà assez parlant. Il est normal que ce nombre soit incomparablement plus élevé que les années précédentes, compte tenu de la faiblesse constante des cours du pétrole. Et effectivement, cet événement est particulièrement dangereux pour la finance et l'économie mondiale en ces temps troublés.
Il serait aussi intéressant de mettre les choses en contexte : les indicateurs fondamentaux du "shale oil" américain pointaient déjà dans la mauvaise direction avant l'effondrement du prix du pétrole. Le public n'en était pas trop conscient car l'exploitation du gaz de schiste est autrement plus dynamique que celle du pétrole classique. En Arabie Saoudite, les puits peuvent fonctionner pendant des décennies quasi sans perte de rendement. Par contre les puits de gaz de schiste tarissent au bout de deux ans. Après les premières 24 heures, la production de chaque puits diminue. Pour contrecarrer cela, de nouveaux puits doivent être ouverts pratiquement chaque jour dans un champ. Du coup, il existe trois indicateurs : - La perte de productivité moyenne journalière des puits en activité - Le gain de productivité moyenne journalière grâce aux nouveaux puits (Si les deux valeurs sont égales, la production totale stagne) - La productivité moyenne par puits lors des 24 premières heures d'activité.
Déjà en 2014, la perte de productivité se rapprochait de plus en plus vite du gain de productivité, laissant augurer un inversement de la courbe de production d'ici quelques années. La productivité moyenne des 24 premières heures, quant à elle, baissait constamment malgré la maîtrise des techniques de forage. Ceci laisse supposer que les meilleurs filons avaient été exploités dès le début, ne laissant que des filons moyens et mauvais pour la suite.
Fait intéressant : avec l'effondrement des cours, les producteurs de shale oil ont maintenu voire accru leur productivité. Les analystes pensent que les producteurs ont agi un peu par désespoir, vu que leur activité est financée par des investisseurs (= dette) et qu'il faut donc les rassurer avec des chiffres de production en hausse tout en fournissant les dividendes attendues. Perso je pense aussi qu'ils avaient pour but de presser le citron jusqu'au bout : ils savaient que leur fin se profilait à l'horizon. Les cours bas n'ont fait que rapprocher cette fin plus tôt que prévu, alors ils ont décidé d'extraire le maximum de pétrole possible tant qu'ils ne devaient pas rendre de comptes, avant de mettre clé sous porte. S'ils avaient réduit leur production, ils auraient laissé des champs partiellement exploités, difficiles à réactiver (à grands frais) lorsque les cours repasseront au-dessus des 100$. Donc ils ont choisi d'en extraire autant que possible pour laisser des champs plus ou moins à sec, rendant inutile toute reprise ultérieure. Après la crise à venir, nous devons nous attendre à un changement radical du paysage énergétique américain, et donc de sa politique extérieure aussi... Commenté il y a 3136 jours |