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Romancière,
essayiste, philosophe, théoricienne politique, critique
littéraire, Mme de Staël représente le dernier
éclat de l'esprit encyclopédique des Lumières. Elle
naît à Paris, fille unique de parents protestants genevois. En
1777, alors qu’elle a dix ans, son père Jacques Necker,
l’un des banquiers les plus fortunés d’Europe, est
nommé par Louis XVI contrôleur général des
Finances de la France. Il prend l'initiative sans
précédent en 1781 de rendre public le budget du pays, une
nouveauté dans une monarchie absolue, où l'état des
finances avait toujours été gardé secret.
Au
cours de son adolescence, Germaine côtoie des personnalités
célèbres comme Voltaire, Denis Diderot, Jean d'Alembert, Georges-Louis Leclerc de Buffon, Jean-François
Marmontel, Edward Gibbon, l'abbé de Raynal ou Jean-François de
La Harpe. En 1786, elle épouse l'ambassadeur de Suède,
Erik Baron de Staël-Holstein, un noble désargenté dont elle se sépare très vite mais dont elle
gardera toujours le nom : Germaine Necker, baronne de
Staël-Holstein.
Après
le déclenchement de la Révolution française en 1789,
elle soutient la politique libérale de son père, bientôt
limogé. Germaine lui voue une admiration sans borne. Dans une lettre à Chateaubriand, elle écrira :
« J'aime Dieu, mon père, et la liberté ».
En
1788, son premier ouvrage est consacré à Rousseau : Lettres sur les écrits et le caractère de J.-J. Rousseau.
Tout en louant chez Rousseau sa capacité à transmettre aux
hommes l’enthousiasme pour la liberté, elle critique le théoricien
politique. À propos du Discours sur les lettres et les arts,
elle écrit : « Il voulait ramener les hommes à
une sorte d’état dont l’âge d’or de la fable
donne seul l’idée. Ce projet, sans doute, est une
chimère ». Concernant le Contrat Social, elle
en dénonce les abstractions : « Qu’on place donc
au-dessus de l’ouvrage de Rousseau celui de l’homme
d’état dont les observations auraient
précédé les théories, qui serait arrivé
aux idées générales par la connaissance des faits
particuliers, et qui se
livrerait moins en artiste à tracer le plan d’un édifice
régulier qu’en homme habile à réparer celui
qu’il trouverait construit ».
Fuyant
la terreur, elle s'installe à Coppet, dans le château familial
sur les rives du lac Léman. Privée de son salon
littéraire à Paris, elle fait de Coppet un lieu de rencontre
pour les intellectuels européens. Quelques années plus tard, ce
lieu deviendra le centre de ralliement de l’opposition politique
à Bonaparte et un lieu de réflexion consacré à
l'étude de la liberté dans tous ses aspects.
En
1795, Mme de Staël commence une liaison avec Benjamin Constant de Rebecque (1767-1830) dont elle aura une fille, Albertine.
Quinze années durant ils s’influenceront mutuellement dans leurs
travaux respectifs et formeront un couple orageux mais toujours uni par un
idéal commun : la liberté de la France et de
l’Europe.
Après la révolution, Bonaparte devient sa
tête de turc. Armée de sa plume et de son intelligence, elle ne
manque jamais une occasion de s’en prendre à lui, comme dans la
préface de Delphine, son
premier roman. Au nom de
son amour de la liberté, elle ose s’attaquer à l’un
des plus puissants souverains de l'histoire. Elle
le surnomme « le
moderne Attila » ou bien encore « le Robespierre à
cheval ». Furieux, l’empereur trouve un prétexte
pour la bannir en 1803.
Commencent alors pour elle dix ans d’exil, partagés
entre Coppet et de nombreux voyages : en Allemagne, en Italie, en
Russie, en Suède et en Angleterre. Elle rencontre les grands de ce
monde, qu’elle encourage à résister à Bonaparte.
Elle se lie d’amitié avec les intellectuels de son temps : Schiller, Goethe, Wilhelm von Humboldt, Prosper de Barante, Byron et Wilhelm von Schlegel, qui devient le précepteur de ses
enfants.
De
ses voyages en Italie, elle rapporte un roman Corinne ou de l’Italie, qui lui vaut une véritable
gloire littéraire en Europe, malgré la censure en France. On
lui reproche de subvertir l'ordre établi. En effet, son
héroïne est une individualiste. Elle se moque de l’organicisme, qui fait de l’individu
l’organe d’un grand corps, dont la fonction serait définie
une fois pour toute. L’organisation générale de la
société doit au contraire impérativement tendre à
respecter l’autonomie de l’individu.
En
fait, ses romans sont tous autobiographiques. Il n'y a qu'un seul
héros dans les romans de Mme de Staël, c'est elle-même. Delphine d’abord, puis Corinne ensuite, c’est elle.
Elle se peint comme une âme en quête de raison mais toujours
entraînée malgré elle vers la passion,
c'est-à-dire pleine de contradictions. Par son style, elle a
contribué à briser les règles rigides du classicisme
littéraire, ouvrant la voie à la liberté romantique en
littérature.
Lors
d’un séjour en Allemagne avec Benjamin Constant, elle rencontre
Schiller et Goethe à Weimar, ville qu’elle surnomme
« L'Athènes de l'Allemagne ».
À
son retour, elle publie De
l’Allemagne (1807), un vaste plaidoyer en faveur de la culture
allemande. Le livre est condamné par la censure comme un pamphlet
antifrançais. Décrivant les mouvements esthétiques et
philosophiques en Allemagne, elle en profite pour dénoncer le
relativisme moral implicite des philosophes matérialistes et
sensualistes français, ainsi que la corruption politique
associée à la Révolution et à l'Empire
napoléonien. C’est surtout une tentative
d’élaborer, pour l'Allemagne et la France, ce que Tocqueville
fera bientôt pour les États-Unis et la France : une
sociologie comparée des deux cultures.
Selon
elle, Kant est le restaurateur de l'idée morale et le prophète
de la liberté intellectuelle et artistique : « Kant,
écrit-elle, rétablit la conscience dans la morale,
l'idéal dans les arts ». Et elle ajoute : « La force
de l'esprit ne peut jamais être longtemps négative,
c'est-à-dire consister principalement dans ce qu'on ne croit pas, dans
ce qu'on ne comprend pas, dans ce qu'on dédaigne. Il faut une
philosophie de croyance, d'enthousiasme; une philosophie qui confirme par la
raison ce que le sentiment nous révèle ». Chez Kant,
écrit-elle encore, la conscience est le « principe inné
de notre existence morale ». De même, le « sentiment du
juste et de l’injuste » est la « loi primitive du
cœur, comme l'espace et le temps celle de l'intelligence ». En
revanche, elle a des mots très durs à l’encontre de
Fichte et de son fanatisme métaphysique et politique.
Toujours espionnée par l’empereur qui lui interdit
toute publication, elle séjourne à Saint-Pétersbourg,
puis à Stockholm, auprès de Bernadotte, un officier
français devenu prince héritier du trône de Suède,
qu’elle tente de convaincre de prendre la tête d'une alliance
antinapoléonienne. Elle se rend à Londres en 1813 ou elle
rencontre le futur Louis XVIII, en qui elle voit un souverain capable de
réaliser la monarchie constitutionnelle.
Après de nombreuses années vécues à
l’étranger, elle revient en France à la Restauration pour
y finir sa vie. Elle disparaît le 14 juillet 1817 à l'âge de cinquante et un ans après un accident vasculaire
cérébral. Elle est enterrée en son
château de Coppet. Elle aura donné le jour à trois fils
et deux filles, probablement de quatre pères différents. Seule
sa fille Albertine, qui a épousé le duc de Broglie, lui
laissera de nombreux descendants.
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