John Connally,
secrétaire au Trésor US de Richard Nixon au début des années 70, avait un
jour déclaré que le dollar était la devise des Etats-Unis, mais,
parlant des autres pays, "votre problème".
Cette légèreté des Etats Unis
pour appréhender la monnaie de réserve du monde avait entrainé de virulentes
remarques de Charles de Gaulle.
"Ce que [les Etats-Unis]
doivent [à l'étranger], ils le lui paient, tout au moins en partie, avec des
dollars qu'il ne tient qu'à eux d'émettre...", a grondé De Gaulle durant
une conférence de presse qui ferait date, en février 1965. "Cette facilité
unilatérale qui est attribuée à l'Amérique contribue à faire s'estomper
l'idée que le dollar est signe impartial et international des échanges, alors
qu'il est un moyen de crédit approprié à un Etat".
Mais De Gaulle a fait bien plus que grommeler et se plaindre. Contrairement
aux présidents français actuels, il a eu la possibilité d'échanger ses
dollars contre un actif bien réel et tangible -- l'or physique.
L'or "ne change pas de
nature", affirma De Gaulle dans son discours de 1965[i],
comme s'il annonçait au monde une nouvelle inédite. "[L'or] qui se met,
indifféremment, en barres, en lingots ou en pièces, qui n'a pas de
nationalité, qui est tenu, éternellement et universellement, comme la valeur
inaltérable et fiduciaire par excellence".
Comment obtenir ce parangon
des actifs ? Dans les années 50 et 60, les gouvernements de la planète
pouvaient simplement venir à la Réserve fédérale, toquer à la "fenêtre
de l'or" et échanger leurs dollars contre du métal jaune.
Et c'est bien ce qu'a fait De
Gaulle.
Dès 1958, il a ordonné à la
Banque de France d'accélérer le rythme auquel elle transformait ses réserves
de nouveaux dollars en or physique. Rien qu'en 1965, il a envoyé la Marine
française de l'autre côté de l'Atlantique pour emporter 150 millions de
dollars en or; en 1967, les proportions des réserves nationales françaises
détenues en or étaient passées de 71,4% à 91,9%. La moyenne européenne
n'était qu'à 78,1% à l'époque.
En 1968, De Gaulle s'était
retiré du Gold Pool de Londres -- un cartel gouvernemental qui travaillait
activement à contrôler le prix de l’or pour le maintenir en ligne avec les 35
$/once ordonnés par le gouvernement US. Trois ans plus tard, alors que l'or
était transporté par voie aérienne depuis Fort Knox vers New York pour
répondre à la demande étrangère de paiement en or, Richard Nixon mit fin au
petit jeu de De Gaulle. Il cessa purement et simplement de payer en or.
De Gaulle appela le dollar
"le privilège exorbitant de l'Amérique", reprenant une phrase de
son économiste préféré, Jacques Rueff. Ce privilège donnait aux Etats-Unis le
droit exclusif d'imprimer le dollar, la "devise de réserve" de la
planète, et de l'imposer au reste du monde en paiement de leurs dettes. Selon
les accords d'après-guerre de Bretton Woods, en
1946, le dollar ne pouvait pas être refusé.
En fait, aux côtés de l'or --
contre lequel le dollar était parfaitement interchangeable jusqu'en 1971 --
la devise US était du véritable argent, quelque chose de solide. Tout le
reste pâlissait, à côté du dollar impérial. Tout, sauf l'or.
Adrian Ash
Directeur de la Recherche
Bullionvault.com
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