Les conflits récurrents - qui témoignent d'une panne évidente du "dialogue social" auquel nous croyons tant - sont l'occasion de voir chaque catégorie sociale brandir ou dénoncer le revenu "scandaleux" de son voisin. En fait, la redistribution, non seulement démotive les producteurs de richesse, mais attise la jalousie. Mais j'irai encore plus loin. On prend pour acquis intangible - voire principe absolu - qu'un instituteur A devrait gagner autant qu'un instituteur B, qu'un chercheur A devrait gagner autant qu'un chercheur B, sans prendre en compte les différences de talents, de motivation ou d'implication.
On ne reconnait pas la valeur individuelle ; on paye un statut. Alors certains se plaignent régulièrement, arguant du fait qu'ils "sont mal payés". Mais ne fallait-il pas y penser avant ? Quand on veut être bien payé, on s'engage dans des formations qualifiantes qui débouchent sur des perspectives de carrière gratifiante. Et il y en a ! On ne peut pas ne pas vouloir faire d'études longues mais être payés comme un docteur. Par ailleurs, l'argument qui consiste à dire "je suis sous-payé dans mon travail" peut aussi se discuter. En effet, en économie, on montre que l'on s'aperçoit que l'on est sous-payé par son employeur lorsqu'un autre employeur vous fait une proposition plus intéressante.
Certains de mes collègues chercheurs me disent qu'ils sont mal payés par rapport à nos homologues américains, ce à quoi je réponds : "Une université américaine t'a-t'elle fait une proposition plus intéressante ?".... Après un silence, il me répond "Non". Alors tu es peut-être pas si mal payé ici. On ne peut pas gagner sur tous les tableaux. Les universités américaines vont faire des propositions mirobolantes aux meilleurs chercheurs du monde entier.
A l'échelle internationale, aucun chercheur (comme aucun footballeur) ne gagnera le même revenu tout simplement parce que le revenu sanctionne les différences de qualifications, talents et compétences. C'est une loi économique fondamentale que nous n'avons toujours pas compris en France. Mais au nom de quel principe, une partie de la population active devrait échapper à cette loi ?