Pour une marchandise
industrielle qui dispose d’un marché à terme liquide, la structure « à
terme » du marché est l’indicateur le plus utile – et peut-être même le
seul qui soit – de l’étroitesse ou de l’abondance de l’offre.
La structure à terme du marché à
terme d’une marchandise est constituée des prix des contrats à terme liés à cette
marchandise sur tous les mois d’expiration disponibles. Elle peut être
représentée sous forme de graphique, avec les prix sur l’axe vertical et les
mois d’expiration sur l’axe horizontal. En voici des exemples pour le pétrole
et le cuivre :
Si un marché est « en
contango », alors plus le mois d’expiration est distant, plus le prix
est élevé, et le graphique de la structure à terme forme une courbe ascensionnelle.
Si un marché est « en backwardation », alors plus le mois d’expiration
est proche, plus le prix est élevé, et le graphique de la structure à terme
forme une courbe décroissante. Il est aussi possible pour le graphique
représentant la structure à terme de former une courbe ascensionnelle sur
certains mois de livraison et une courbe décroissante sur d’autres. Cela se
produit souvent avec les marchandises qui font l’expérience d’importantes
fluctuations saisonnières de production (comme les céréales) ou de consommation
(comme le gaz naturel), mais peut aussi survenir sur les marchés d’autres
marchandises.
Pour une marchandise
industrielle telle que le pétrole ou le cuivre, il est normal pour la courbe
de la structure à terme d’être ascendante, c’est-à-dire de représenter un
marché en contango, si tant est que l’étendue de ce contango reflète le coût
du stockage des marchandises physiques. Disons que vous soyez un gros
consommateur commercial de pétrole, et que vous estimiez avoir besoin de X
barils de pétrole au mois d’août de cette année. Dans ce cas, si vous ne
souhaitez pas prendre de risque lié aux prix, vous avez la possibilité de
demander immédiatement la livraison de barils et de les stocker jusqu’au mois
d’août, ou d’acheter du pétrole livrable en août (des contrats à terme
arrivant à échéance en août 2017). Si le coût de stockage et de financement
de vos barils est inférieur à la prime sur le prix au comptant à payer pour
les contrats livrables en août, mieux vaut pour vous de vous faire livrer du
pétrole immédiatement. Dans la situation inverse, mieux vaut acheter des
contrats à terme et en demander la livraison une fois venu le mois d’août.
Il est, en revanche, possible
pour une marchandise telle que le pétrole d’entrer en backwardation, c’est-à-dire
de voir son prix de livraison pour les mois les plus éloignés devenir
inférieur à son prix au comptant. Dans une telle situation, il est possible
pour un négociant commercial qui dispose d’un excès de pétrole d’enregistrer
un profit à risque zéro (l’excès de pétrole qui lui sera nécessaire à l’avenir
mais dont il n’a pas besoin dans l’immédiat), parce qu’il est en mesure de
vendre cet excès physique sur le marché au comptant et d’assurer sa demande
future en achetant des contrats à terme. En procédant ainsi, il peut non
seulement empocher la différence entre le prix au comptant et le prix à
terme, mais aussi économiser des frais de stockage.
En raison de la très
intéressante opportunité d’arbitrage que présente une backwardation, ce genre
de situation ne se développe que s’il existe une pénurie de marchandise
physique disponible à la livraison immédiate. Une backwardation, ou une
courbe de structure à terme descendante, est donc un signe évident d’étroitesse
sur le marché physique. De la même manière, si la situation de l’offre est
réellement étroite, alors soit le marché est en backwardation, soit la courbe
ascendante de la structure à terme est bien plus douce qu’elle l’est habituellement.
Il arrive que la courbe
ascendante de la structure à terme soit plus raide que d’habitude, c’est-à-dire
que les mois de livraison les plus éloignés fassent l’objet de primes plus
importantes que la normale par rapport aux mois de livraison les plus proches
et au prix au comptant. Une telle situation permet aux négociants d’effectuer
des profits à risque zéro en vendant leurs contrats à terme et en achetant
des marchandises physiques, à moins que l’abondance physique soit telle que
les coûts de stockage soient suffisamment élevés pour éliminer le profit d’arbitrage
potentiel. Parce que les opportunités d’arbitrage à risque zéro tendent à
être éphémères, un graphique de la structure à terme qui présente une courbe plus
ascendante et plus durable que d’habitude indique une abondance de
marchandise physique disponible à la livraison immédiate.
En observant la structure à
terme des graphiques présentés plus haut, il devient apparent que les
circonstances fondamentales soient actuellement positives pour le prix du
pétrole, et qu’une transformation haussière significative soit survenue au
cours de ces deux derniers mois. Il est aussi apparent que les circonstances
fondamentales soient neutres pour le prix du cuivre, dans le sens où la
structure à terme du marché du cuivre présente une courbe ascendante
relativement normale. L’offre sur le marché du cuivre semble suffisante à l’heure
actuelle, bien qu’une analyse plus poussée prenant en compte la structure à
terme du LME en plus de celle du COMEX puisse présenter une situation
différente.
Qu’en est-il des niveaux de
stocks déclarés pour les marchandises telles que le pétrole et les métaux de
base ? Ces informations sont-elles d’une quelconque utilité ?
En général, non, parce qu’une
majorité de l’offre disponible n’est pas stockée dans les entrepôts couverts
par de tels rapports. Il arrive qu’une pénurie ou une abondance physique
relative soit correctement signalée par les niveaux de stocks déclarés, mais
dans de tels cas, les preuves de manque ou d’abondance apparaissent également
dans la structure à terme, qui est aussi plus fiable dans le sens où elle
génère moins de faux signaux.
Ajoutons pour finir qu’une
situation baissière de l’offre et de la demande ne signifie pas
nécessairement que le prix est sur le point de baisser, et qu’une situation
haussière de l’offre et de la demande ne signifie pas nécessairement que le
prix est sur le point de grimper. Par exemple, entre janvier et février de l’année
dernière, j’ai écrit qu’une forte reprise du prix du pétrole surviendrait
bientôt malgré une situation plus baissière que jamais de l’offre et de la
demande. L’idée était en partie que, le prix du pétrole ayant déjà atteint un
record à la baisse sur près de 50 ans, le pire des scénarios avait déjà été
pris en compte dans le niveau de prix. Il faut dire qu’après que les bases
fondamentales deviennent plus baissières (ou haussières) que jamais, il n’est
pas difficile de deviner dans quelle direction elles sont le plus susceptibles
de se diriger ensuite.