Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Comme vous le savez, j’attends toujours avec une impatience non dissimulée les articles d’Ambrose Evans-Pritchard, mon journaliste « vedette » du Telegraph à Londres.
Encore une fois, il nous a sorti aujourd’hui une petite information de derrière les fagots en nous rapportant les derniers propos d’un grand mamamouchi allemand d’un institut de recherche et qui a déclaré qu’il fallait que la BCE injecte désormais 60 milliards d’euros chaque mois dans l’économie européenne pour éviter une déflation à la japonaise… Je rappelle pour vos esprits chagrins de contrariens que seul Mario Draghi, le patron de la BCE, ne voit pas de déflation en Europe… Nous, nous pouvons la mesurer tous les jours.
Le Blitz d’injection monétaire…
Ils ont de l’humour tout de même nos grands amis allemands. Oser parler de Blitz monétaire, comment dire, quand un Allemand parle de Blitz cela me renvoie à la guerre éclair… et pour nous autres Français, cela n’est pas franchement un excellent souvenir, déjà qu’après leur Blitz militaire, nous avons subi le Blitz économique et industriel, je ne suis pas persuadé qu’un Blitz monétaire allemand serait une excellente chose, tant à chaque fois ils nous mettent la pâté… Bon, ne soyons pas chauvins pour autant, et les arguments de ce garçon sont parfaitement audibles même si, encore une fois, la crise économique que nous vivons n’est pas un problème monétaire.
Voici la traduction de l’essentiel de cet article de mon camarade Ambrose :
« Un important institut allemand a appelé à un assouplissement quantitatif à part entière de la part de la Banque centrale européenne (BCE) pour parer à une spirale déflationniste, ce qui marque un changement radical dans la pensée des élites politiques allemandes.
En effet, Marcel Fratzscher, directeur de l’Institut allemand de recherche économique (DIW) à Berlin, a demandé 60 milliards d’euros d’achats d’obligations par mois pour stopper la contraction du crédit et éviter un piège du style japonais.
Il est grand temps pour la BCE d’agir. Sinon l’Europe risque de tomber dans une spirale dangereuse de baisse des prix et de baisse de la demande.
La BCE doit contrer la menace de la déflation par une politique expansionniste rapide et décisive, et lancer un programme d’achat d’obligations sur le modèle de la Réserve fédérale américaine à base large.
L’échelle de grandeur doit être de l’ordre de 0,7 % de la dette totale de l’ensemble de la zone euro chaque mois, ce qui est comparable au QE3 lancé aux États-Unis.
Ce plaidoyer intervient après que la BCE ait refusé de prendre des mesures supplémentaires la semaine dernière, même si la masse monétaire M3 a baissé en dessous de zéro au cours des huit derniers mois et que l’inflation a chuté à 0,8 %. L’euro se maintient toujours à des niveaux élevés et étouffe la croissance économique.
Pour Monsieur Fratzscher, la BCE devrait acheter des obligations d’État de tous les États de la zone euro – y compris les Bunds allemands – sur une base proratisée pour éloigner l’ensemble de la région des larges récifs sur lesquels elle menace de se fracasser.
Le DIW est l’un des cinq instituts allemands ayant un rôle consultatif officiel, et il représente une voix puissante dans les affaires allemandes. L’appel à une action radicale de ce type suggère que le pays pourrait être plus ouvert que prévu à une stratégie de relance. Cela met également la pression sur les deux membres allemands du conseil de la BCE en les incitant à modérer leur opposition véhémente à toute forme d’assouplissement quantitatif.
Le DIW a déclaré qu’une déflation importante en zone euro devient de plus en plus probable, ce qui rend d’autant plus difficile pour des pays comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal de retrouver une compétitivité perdue face aux pays d’Europe du Nord.
En effet, ces pays doivent procéder à des dévaluations internes avec des coupes profondes dans les salaires et les prix. Cela fait des ravages et crée d’office une situation grandement déflationniste, conduit à une augmentation de la dette et mène l’ensemble de ces pays vers l’insolvabilité généralisée.
Le résultat pourrait être un cercle vicieux toujours plus difficile à arrêter pour la BCE comme nous l’enseigne l’expérience japonaise au cours des vingt dernières années qui montre combien un tel scénario peut être douloureux.
Mario Draghi, le gouverneur de la BCE, a eu tendance à minimiser le risque de déflation en insistant sur le fait que la situation est totalement différente de celle du Japon à la fin des années 1990 et que la reprise prend de la vigueur.
Imprimer de l’argent est encore considéré comme le tabou économique ultime par l’Allemagne et le Spiegel Magazine (journal allemand) a déclaré en février que la décision de la Cour constitutionnelle était rien de moins qu’un décompte final à la stratégie de gestion de crise menée par la BCE et qui fixe des limites strictes sur la stratégie monétaire pour sortir de cette crise.
Et le patron de l’institut DIW de conclure que dans le pire des cas, la Cour pourrait interdire Berlin de contribuer aux efforts pour sauver l’euro ou même forcer l’Allemagne à sortir de la zone euro. »
Que penser de tout cela ?
À n’en pas douter, il s’agit d’une inflexion majeure de la pensée allemande même si, pour le moment, elle ne reflète certainement pas le consensus majoritaire.
Je ne peux m’empêcher également de faire un lien direct entre l’arrêt prévu des injections monétaires aux États-Unis qui seraient remplacées judicieusement par des injections monétaires… européennes, cela permettrait aux marchés de recevoir exactement la même quantité de carburant monétaire. Seul le fournisseur changerait. Il est donc largement possible que les USA exercent de fortes pressions sur l’Allemagne et sur la BCE afin que Mario Draghi soit enfin autorisé à sortir l’artillerie lourde.
Si la crise encore une fois que nous traversons n’est pas monétaire à la base, il est évident qu’une politique de dévaluation interne comme celle menée en Grèce n’a aucun sens et l’histoire de la tragédie grecque montre bien que le seul aboutissement possible d’une telle politique est l’insolvabilité généralisée de l’ensemble des acteurs économiques.
En attendant que nous soyons en mesure de régler les causes profondes de cette crise, il y a quelques solutions qui s’offrent aux pays de la zone euro. Mourir tous ensemble dans une effroyable souffrance déflationniste en ayant sauvé l’euro, que les maillons faibles quittent la monnaie unique ou que le maillon fort, l’Allemagne, en sorte et laisse les autres imprimer les billets nécessaires, enfin que nous monétisions tous en cœur, Allemagne en tête, afin de gagner encore du temps.
Imprimer de la monnaie ne nous permettra pas de régler les problèmes de fond comme ce fut le cas aux USA, néanmoins cela adoucira considérablement le poids de l’endettement et permettra également de renflouer les banques européennes toutes menacées de faillite… et les banques allemandes sont parmi les plus fragiles.
Alors oui, il est désormais envisageable que les Allemands soient préparés à franchir leur tabou ultime afin que la BCE prenne le relais de la FED. Cela permettrait au système de durer encore un peu plus longtemps. C’est une bonne nouvelle si ce mouvement se confirme, mais cela ne doit pas vous faire baisser la garde car, pour le moment, aux États-Unis comme en Europe, nous ne faisons qu’acheter du temps, chaque fois de plus en plus cher. Enfin, ce sera évidemment bon pour l’or !
Restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes »