Les
entreprises se plaignent des réglementations qu’elles jugent
excessives mais de nombreux citoyens ainsi que des associations de
défense des consommateurs et des Organisations non gouvernementales
(ONG) pensent qu'elles sont absolument nécessaires pour
protéger l'intérêt public. Qu’en est-il ?
Le
terme de « règlementation » comprend les
exigences imposées par l’État sur les associations, les entreprises
et les personnes afin que ceux-ci atteignent des objectifs fixés par
l’État.
Parmi
ces objectifs, on trouve souvent la volonté de voir vendre des
produits et services de meilleure qualité, d’avoir un prix plus
bas, de protéger certaines entreprises existantes de concurrents
existants ou potentiels, de limiter la dégradation de
l’environnement et de garantir des lieux de travail et des produits ou
services plus sûrs.
Le
non-respect de la règlementation peut entraîner l'imposition
d'amendes, l’injonction de cesser certaines activités et des
sanctions pénales.
Jouez au jeu
règlementaire !
La
réglementation des risques liés à la santé et à
la sécurité suit en France et en Europe une tendance familière.
Dès qu’un groupe de personnes se prévalant de l’intérêt
général identifie de nouveaux risques ou dès qu’une
nouvelle « crise » éclate dans les media, on
devine déjà comment tout cela va se terminer.
Vous
êtes invités à remplir les blancs que j’ai laissé
dans ce modèle du processus de réglementation moderne des
risques de santé et sécurité et ainsi de comprendre le
fonctionnement de la dynamique réglementaire afin d’en voir les
conséquences désastreuses à moyen et long terme.
Instructions
(1)
est le nom d’une substance, d’une activité ou d’une industrie.
Plus elle vous parait a priori sûre, mieux c’est.
(2)
est le nom – de préférence prestigieux – de toute institution, laboratoire de
recherche, expert ou association posant comme défenseur de
l’intérêt général.
(3)
est une conséquence clairement négative, de
préférence le cancer, la misère ou le chômage.
(4)
est le nom d’un Ministère ou d’une agence de l’État
appropriée ou – encore mieux – choisissez trois ou
quatre lettres au hasard et créez ainsi le sigle d’un nouvel
organisme d’État.
(5)
est le nom d'un membre du gouvernement, de l’Assemblée nationale
ou du Parlement européen qui devrait faire face à une forte
opposition lors des prochaines élections.
(6)
est le nom du ministère, secrétariat d’État, comité
parlementaire dont le représentant hypothétique est un membre.
(7)
est tout événement médiatique majeur détournant l’attention
des journalistes et du public : une affaire de mœurs, une élection
interne truquée, une catastrophe naturelle par exemple.
Crise (1) : enfin le
triomphe de l’intérêt général !
1er jour
Une
nouvelle étude publiée par (2) émet des doutes sur
l’efficacité et l’effet sur la sécurité et
la santé de (1).
Cette
étude démontre que (1) peut potentiellement provoquer (3) sur
de longues périodes et sous certaines hypothèses extrêmes.
Les
représentants de (1) nient le lien de cause à effet entre (1)
et (3) et citent des études où il a été prouvé
à maintes reprises que (1) était sûr, efficace et sain.
Mais
(2) conteste la validité de ces études et déclare que
les problèmes potentiels issus de (1) sont trop importants et
doivent être pris en compte.
(2) appelle à l’intervention de l’État pour remédier
à cette situation inacceptable.
6ème
jour
Le
représentant en charge de (4) déclare que l'État
n’a pas encore statué sur le manque potentiel d’efficacité,
les risques pour la sécurité et la santé de (1).
Cependant,
ce représentant précise que s’il est prouvé qu’il
existe effectivement un risque de (3), alors l’État agira
rapidement et de façon décisive afin de protéger le
public.
10ème
jour
Le
représentant en charge de (4) s’engage à introduire une
loi nécessaire pour résoudre la crise de (1). Cette nouvelle
loi exige des déclarations extensives et le dépôt d’une
douzaine de formulaires additionnels de plusieurs pages chacun pour les
acteurs de (1). Des inspections surprises et aléatoires par des
inspecteurs de l’État spécialement formés seront
mises en place.
Les
vendeurs de (1) se voient obligés de communiquer sur les risques et
l’inefficacité de (1) envers les consommateurs, leurs employés
et le grand public.
Ces
nouvelles mesures seront soutenues par des sanctions civiles et
pénales. Une procédure juridique spéciale de nature
administrative sera établie afin de contourner les juridictions ordinaires,
ces dernières étant trop encombrées.
15ème
jour
Les
représentants de (1) déclarent que la nouvelle réglementation
de (1), l’élimination de (1) ou son remplacement par un produit
ou service plus efficace, sûr et sain coûterait mille milliards
d’euros.
Le
représentant de (4) répond que ce serait un petit prix à
payer pour sauver autant de vies par an, et accuse les représentants
de (1) de faire passer leur profit devant des vies humaines.
20ème
jour
(5)
exprime sa grande préoccupation face aux conclusions des études
réalisées et dénonce l’inaction de (4) sur ce
dossier.
(5)
annonce qu’il a d’ores et déjà demandé
à (6) de convoquer l’ensemble des parties prenantes dès que
(7) sera terminé.
Parmi
ces parties prenantes ont défilé des experts académiques,
des représentants de (1), de (2) ainsi que des personnalités
issues de diverses industries du
divertissement.
25ème
jour
Alors
que les tables rondes se succèdent au (6), la crise de (1) continue de
s’amplifier. Un nombre croissant de victimes déclarées
est recensé par les media.
Bientôt,
certaines parties prenantes menacent de poursuivre les représentants
de (1) devant la justice s’il est avéré qu’ils
connaissaient l’inefficacité ou le risque pour la santé
et la sécurité de (1) mais qu’ils ont préféré
ne rien faire à ce sujet.
35ème
jour
Il
est révélé que certains représentants de (1) ont
des liens amicaux, financiers, scolaires, religieux, partisans, sociaux ou
autres avec certains élus.
365ème
jour
De
nouvelles études indiquent que les études initiales publiées
au début de la crise de (1) ont en réalité démontré
que (1) était efficace, sûr et sain. D’autres études
constatent qu’ils ne peuvent pas reproduire les résultats initialement
décris par (2) et que de nombreuses sources sont circulaires, biaisées
ou invérifiables.
Ces
travaux récents bénéficient d’une couverture médiatique
réduite : deux paragraphes de remplissage sont publiés dans la
section « brèves » d’une demi-douzaine de
journaux locaux.
Quelques
bloggeurs hétérodoxes se penchent d’avantage sur le
dossier et raillent l’incompétence des parties prenantes.
400ème
jour
(5)
a été réélu, en partie grâce à son
action dans la crise de (1).
Les
inspecteurs formés par (4) sont maintenant à pied d'œuvre.
Ils
déclarent avec fierté qu'ils constatent et redressent des
milliers d’infractions par an et que le secteur de (1) prend enfin la
crise de (1) au sérieux.
La
mise en application de la loi exige de détailler de manière
approfondie sur plusieurs milliers de pages tous les aspects par lesquels (1)
est désormais réglementé.
600ème jour
Les
petites entreprises de (1) ferment une à une leurs portes, étant
incapables financièrement, matériellement et humainement de
s’adapter aux nouvelles réglementations.
La
diminution du nombre de producteurs entraîne la hausse des prix, la
baisse de qualité et de capacité d’innovation de (1).
A
l’étranger, des entreprises innovantes de (1) commencent à
exporter (1) en France.
1000ème
jour
Cette
hausse des prix et baisse de qualité de (1) sont dénoncées
par certaines tierces parties et l’État intervient en réglementant
davantage, en subventionnant ou en imposant la consommation de (1), ce qui a
pour effet de diminuer la concurrence, de faire monter les prix et diminuer
la qualité de (1).
2000ème
jour
Une
grande société française de (1) connait de graves difficultés
financières. Son renflouement financier par l’État est décidé.
3000ème
jour
La
même société française de (1) menace de fermer
pour cause de faillite. Sa nationalisation partielle est décidée.
3001ème
jour
Regardez
autour de vous.
Le plateau de jeu
Amusez-vous
avec vos amis grâce au plateau de jeu ci-dessous.
Placez
vos pions sur la première case. Le premier joueur tiré au sort
choisi un mot-clef. Tous les joueurs doivent avoir une idée de
règlementation liée à ce mot et faire le récit de
son parcours sur le plateau.
Pour
rendre le tout plus amusant, chaque joueur doit vider un verre d’alcool
à chaque fois que l’État, croyant œuvrer pour
l’intérêt général, provoque une conséquence
néfaste.
Le
gagnant est le dernier joueur debout.

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