On entend souvent que l’or n’est
pas porteur d’intérêts. Bien que ce soit vrai pour les investisseurs au
détail, les prêts en or font partie intégrante du marché de l’or de gros. Que
sont-ils, et comment affectent-ils le prix de l’or ?
Un prêt est un contrat dans le
cadre duquel un actif est prêté à quelqu’un d’autre. Aussi étrange que cela
puisse paraître, l’or se trouve aussi prêté. Pourquoi ? D’une part,
parce que certaines entités possèdent de l’or dont elles cherchent à tirer
quelque chose, comme les banques commerciales. D’autre part, certaines
sociétés de l’industrie de l’or préfèrent, pour quelque raison que ce soit,
emprunter du métal plutôt qu’en acheter directement. Une société minière peut
par exemple prévoir de produire mille onces d’or. En revanche, son métal ne
sera disponible à la vente que dans un mois, parce qu’il devra d’abord être
raffiné. Elle doit toutefois rémunérer ses employés et couvrir ses dépenses.
Ainsi, elle peut choisir d’emprunter de l’or pendant un mois à une banque
commerciale, de le vendre pour payer ses factures, puis de livrer l’or
qu’elle produit à la banque à la fin du prêt. Parce que le taux des prêts en
or, c’est-à-dire l’intérêt à verser sur l’emprunt d’or, est généralement
inférieur aux taux d’intérêt en dollars, il est tout à fait logique
d’emprunter de l’or plutôt que des dollars (du moins pour les sociétés qui
peuvent aisément vendre cet or ou l’utiliser dans leur processus de
production).
Les prêts en or sont
généralement mal compris. Par exemple, au cours de ces dernières décennies,
les plus gros prêteurs d’or ont été les banques centrales, et beaucoup
d’analystes pensent qu’elles ont prêté leurs réserves d’or pour manipuler
le prix de l'or. En revanche, les causes et les effets de ces prêts ont
souvent un effet inverse. Lorsque le prix de l’or baisse, la demande
d’emprunts augmente. Lorsque l’or est en marché baissier,
des négociants peuvent emprunter du métal pour le vendre, puis investir le
fruit de leur vente ailleurs, pour finalement rembourser leur prêt grâce à de
l’or bien moins cher dans le futur (en revanche, ces pratiques ont des
conséquences négatives, parce que la couverture sur l’or impose une pression
baissière sur le prix de l’or). Ainsi, il ne devrait pas vous surprendre que
dans les années 1980 et 1990, lorsque l’or traversait un marché baissier de
long terme et que de nombreux investisseurs pensaient que cette tendance se
poursuivrait indéfiniment, le marché du prêt était très actif, et les taux
des prêts en or étaient relativement élevés (ce qui indique une demande
importante), comme vous pourrez le voir sur ce graphique :
Graphique 1 : taux des
prêts en or sur trois mois (ligne orange, en %), entre juillet 1989 et
2002 :


Il est vrai que le carry
trade de l’or (l’emprunt de métal en vue d’investir sur d’autres actifs à
taux plus élevés) ait été rendu possible par la volonté des banques de prêter
de grosses quantités d’or à faible taux. En revanche, de l’or ne peut pas
être prêté sans emprunteurs. Dans les années 1990, alors que le prix de l’or
était en déclin, l’emprunt d’or ou l’adoption de positions à découvert sur
l’or (la couverture de production future) fonctionnaient parfaitement bien.
En revanche, après le début du marché haussier de l’or, l’emprunt de métal a
cessé d’être profitable. Dans les années 2000, la couverture des sociétés
minières du monde a plongé, à mesure que ces sociétés cherchaient à accroître
leur exposition à la hausse du prix de l’or. Comme vous le verrez sur le
graphique ci-dessous, cette réduction de couvertures a réduit la demande
d’emprunts en or et, par conséquence, les taux de prêts en or se sont
rapprochés de zéro (et n’ont augmenté que sur une courte période après la
banqueroute de Lehman Brothers).
Graphique 2 : taux des
prêts en or sur trois mois (en %) entre 2002 et janvier 2015.


Ce graphique montre deux choses
intéressantes. Premièrement, dans l’environnement actuel de taux d’intérêt à
zéro pourcent et de marché de l’or plus haussier, les taux des prêts en or
ont des chances de demeurer faibles. Deuxièmement, ils étaient négatifs entre
2009 et 2012, ce qui semble absurde, puisque cela signifie que les banques
devaient alors payer pour prêter de l’or. La vérité derrière ces taux
négatifs est qu’à l’époque, le LIBOR était un terrible indicateur des taux
d’intérêt du marché (les investisseurs qui empruntaient de l’or et le
vendaient sur le marché au comptant pouvaient réinvestir le fruit de leur
vente à des taux bien plus élevés que celui du LIBOR). Sachez que les taux
des prêts en or sont dérivés de la différence entre le LIBOR et le Gold
Forward Offered Rate, et non sur le taux versé pour l’emprunt d’or.
Pour résumer tout cela, l’or
peut être prêté ou emprunté, de la même manière que les autres devises.
Certains analystes pensent que les prêts en or suppriment artificiellement le
prix de l’or. Mais ce sont les fluctuations du prix de l’or qui influencent
le marché du prêt, et non l’inverse. Dans les années 1990, le carry trade de
l’or était très profitable, parce que le prix de l’or était en baisse (ce qui
permettait aux emprunteurs de rembourser leur prêt avec de l’or moins cher).
Et l’industrie minière s’attendait à une baisse continuelle des prix, c’est
pourquoi elle était hautement à découvert. Mais à mesure que le prix de l’or
repartait à la hausse (en raison notamment du déclin des taux d’intérêt réels
américains) dans les années 2000, l’emprunt d’or est devenu une stratégie
absurde, et les banques centrales n’ont plus pu trouver d’emprunteurs. Ainsi,
les prêts en or n’influencent pas le prix de l’or. C’est tout à fait le
contraire.