Ralph Benko s’est récemment posé
la question
de savoir si un étalon or pourrait nuire à la classe moyenne.
Commençons par ce qui est le plus évident. La classe
moyenne Américaine a atteint le sommet de sa prospérité à la fin des années
1960. La famille typique pouvait vivre d’un seul salaire, acheter une maison,
se permettre une assurance santé décente et une bonne éducation, et disposer
de suffisamment d’argent pour épargner 10% de ses revenus.
Il est vrai que plutôt que de regarder la télé sur l’écran
de leur téléphone, les gens avaient encore à s’asseoir devant leur télévision
à tube cathodique. Mais comme toute personne qui atteignait l’âge adulte à
cette époque peut en attester, la situation était généralement meilleure.
L’ancien président Jimmy Carter a dit
récemment que ‘la classe moyenne est aujourd’hui plus proche de la
pauvreté qu’elle l’était il y a trente ans’ et qu’il ne pense pas que les
choses aillent en s’arrangeant. (J’imagine qu’il voulait en fait dire il y a
quarante-cinq ans).
Les Etats-Unis ont connu un système d’étalon or entre 1789
et 1971. A la suite de cette période de 182 ans, la classe moyenne Américaine
était la plus large et la plus prospère de l’Histoire des Etats-Unis et du
monde.
Si un étalon or portait atteinte à la classe moyenne,
alors comment se fait-il qu’à l’issue d’un système d’étalon or de près de
deux siècles, la classe moyenne s’en tirait mieux que jamais ?
Mais pour des raisons que j’ignore, les gens ne se posent
jamais ce genre de question.
Benko
a répondu à certains commentaires de Charles Postel, auteur de The Populist Vision, qui accuse l’étalon or d’être un outil
utilisé par les banquiers aux dépens de la classe moyenne.
Cette accusation date des années 1890, alors que le parti
Démocrate insistait sur une dévaluation du dollar d’au moins 50% au travers
de la monétisation gratuite de l’argent (un argument du même type que celui
de la pièce de platine aujourd’hui). Les démocrates voulaient ainsi libérer
les agriculteurs de leur situation de dette et de l’effondrement des prix des
ressources.
Les élections présidentielles de 1896 sont devenues un
référendum pour la monétisation gratuite de l’argent (ou dévaluation). Les
électeurs (dont la plupart appartenaient à la classe ouvrière) ont
choisi le candidat républicain William McKinley, qui promettait de
préserver un dollar ‘aussi pur que l’or’.
Les électeurs ont-ils fait le bon choix ? Les 75
années qui ont suivi ce vote nous apportent la réponse à cette question. En
1896, le PIB par habitant était de 10,63 onces d’or. Puisque l’once d’or
était fixée à 20,67 dollars, cela représentait 219,74 dollars par habitant.
En d’autres termes, le PIB par habitant était équivalent à
onze Double Eagles de 20 dollars de 1896, qui
faisaient partie intégrante du système de devises. Chacune de ces pièces
contenait un peu moins d’une once d’or.
En 1970, juste avant que les Etats-Unis n’abandonnent
l’étalon or et ne dévaluent le dollar en 1971, le PIB par habitant des
Etats-Unis était de 146 onces d’or – le niveau le plus élevé que cette mesure
ait jamais atteint, soit l’équivalent de 151 pièces d’or de 20 dollars de
1896.
Le PIB par tête des Etats-Unis a été multiplié par
quatorze au cours de 75 années – en dollars de 1896.
Quelles en ont été les conséquences pour la classe
moyenne ?
Est-ce que 151 est supérieur à 11 ?
Il semblerait que cette question soit compliquée, puisque
même les intellectuels les plus sophistiqués ne semblent pas pouvoir y
répondre.
Le débat qui oppose la monnaie saine à
la drôle de monnaie que nous utilisons aujourd'hui dure depuis des
siècles, voire des millénaires. Le philosophe Grec Platon et son élève
Aristote ne partageaient pas la même opinion sur ce point.
Nous avons depuis lors fait l’expérience des deux. Et ce
qui en ressort est que le monde a rencontré bien plus de succès grâce à la
monnaie saine – qui est en pratique l’or ou l’argent.
L’élève d’Aristote, Alexandre de Macédoine, a conquis le
monde antique avant de l’unifier sous un système monétaire basé sur un étalon
argent. Platon aurait tenté d’appliquer ses différentes théories à Syracuse
en 387 avant JC mais aurait connu un échec tel que les historiens disent que
le roi de Syracuse aurait demandé à ce que Platon soit vendu sur le marché
aux esclaves de Corinthe.
L’apogée de Rome, sous Octave, correspond également à
l’époque où l’empire Romain utilisait l’or et l’argent comme monnaies.
Au XVIe siècle, les obligations sur l’or de la banque de
Gênes offraient un rendement de 3% et une maturité infinie. Elles ont été
utilisées pendant près d’un siècle et ont formé la base de la prospérité
Italienne à la fin de la Renaissance.
Au XVIIe siècle, les florins d’or de la banque d’Amsterdam
ont permis à la Hollande de devenir le plus riche pays d’Europe et de voir
son Empire s’étendre tout autour du globe.
Après que la Grande-Bretagne ait abandonné ses politiques
fiduciaires à la fin du XVIIIe siècle, elle a rapidement connu le même succès
que les Hollandais, à plus grande échelle encore. La Grande-Bretagne devint
le berceau de la révolution industrielle, et son empire ne tarda pas à
éclipser celui de la Hollande.
Il ne devrait donc pas vous surprendre que les Etats-Unis,
le pays le plus puissant des XIX et XXe siècles, aient eux aussi appliqué des
politiques de monnaie saine sur cette période.
Aujourd’hui, la monnaie fiduciaire continue de dominer les
politiques monétaires des Etats-Unis. Avec le temps, nous en tirerons une
nouvelle fois des leçons. Peut-être les Etats-Unis serviront un jour de
contre-exemple au reste du monde.
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