Après des journées d’âpres négociations, c’est pour finir Christine
Lagarde qui a été nommée en tant que remplaçant de Mario Draghi à la
tête de la BCE. La réaction des marchés ne s’est pas faite
attendre : les investisseurs se sont rués vers les obligations
européennes vu qu’ils estiment que Lagarde sera au moins aussi accommodante
que son prédécesseur. Cependant, son inexpérience est
pointée du doigt par de nombreux experts.
Lagarde présidente de la BCE : légitimité et crédibilité remises en
question
Si la plupart des gestionnaires et des investisseurs reconnaissent que
Christine Lagarde est une femme brillante qui sait comment diriger de grandes
institutions et sait naviguer en politique, ils se font du souci quant à son
inexpérience dans le domaine des politiques monétaires. Voici quelques avis
publiés sur le site du Guardian
:
Jim Rey de Deutsche Bank
« Vu son inexpérience relative des politiques complexes de la
BCE, il y a un risque de crédibilité, surtout en cas de complications.
Cependant, les marchés apprécient le fait qu’il s’agit d’un acteur politique
habile et bien connecté. (…) Il est probable que le travail intellectuel
économique devra être effectué seul par l’économiste en chef Lane, le seul
économiste de formation qui a été nommé dans la nouvelle équipe dirigeante
(comme Lagarde, le vice-président de Guindos dispose d’une formation
juridique). Cela dit, les compétences juridiques devraient être utiles dans
le contexte actuel, notamment ce qui concerne les limites légales des achats
d’actifs de la BCE, les dossiers de restructuration de la dette, etc. »
Erik Nielsen d’UniCredit
« En temps normal ce choix serait valable, mais nous ne sommes
pas dans une période normale. Officiellement, elle n’a jamais participé à des
discussions portant sur les politiques monétaires au niveau du G7.
Que se passera-t-il en cas de récession, de crise ? Sur qui se
reposera-t-elle, sans formation économique pure ou expérience à la tête d’une
banque centrale ? »
Marc Ostwald d’ADM Investor Services
« La nomination de Lagarde pose des questions :
- Politisation du poste ;
- contrairement à Draghi, aucune formation économique
ou expérience dans les politiques monétaires ;
- de plus, il va falloir trouver un remplaçant à l’excellent
Benoît Coeuré, directeur des opérations, qui aurait été le choix idéal
pour remplacer Draghi. »
Mark Haefele, d’UBS global Wealth Management
« Lagarde va devenir la première présidente de la BCE à prendre
son poste sans justifier d’aucune expérience dans les politiques monétaires.
Nous pensons que son expérience dans la gestion, notamment au FMI, l’aidera à
gérer la BCE en tant qu’institution. Mais elle devra relever de nombreux
défis. »
Est-ce vraiment étonnant ?
Si on part du principe que les banques centrales se sont prises au piège
en jouant avec les assouplissements quantitatifs et les taux zéros, qu’elles
vont devoir poursuivre dans cette voie jusqu’à ce que cela casse et que les
personnalités n’ont plus d’importance, que l’on parle sérieusement
d’absurdités comme la théorie monétaire moderne, Lagarde a tout à fait sa
place. Elle a même le profil idéal.
Lorsque l’euro est le ciment de l’union européenne et que Draghi déclare
qu’il fera tout pour le sauver, la politisation de la BCE est déjà établie.
On sait déjà vers où les politiques iront. Lagarde sera responsable de la
com, les techniciens de l’ombre se chargeront d’exécuter la
« stratégie » connue d’avance.