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Des taxes très politiques aux résultats incertains

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Publié le 14 décembre 2009
2114 mots - Temps de lecture : 5 - 8 minutes
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Rubrique : Editoriaux





Ce texte est un « article presslib’ » (*)



Il est soudainement beaucoup parlé de taxes en Europe – sur les bonus, ainsi que sur les transactions financières – tandis qu’aux Etats-Unis la loi instituant la réforme de la régulation financière subit les derniers assauts des membres de la Chambre des représentants, avant que les sénateurs ne prennent le relais, pour conclure à l’été 2010 sans doute. Les membres de la Chambre des représentants n’ayant pas – encore – la tête a discuter des taxes, le Sénat étant pour sa part en plein examen de la réforme de la santé.


Sans se décourager pour autant, reprenant son costume de franc-tireur, Gordon Brown, le premier ministre britannique, a pris l’initiative, comme il l’avait précédemment fait en annonçant les mesures de sauvetage initiales des banques britanniques, avant le premier G20 de Londres. Il s’efforce, semble-t-il avec succès, d’entraîner dans un premier temps toute l’Union européenne derrière lui à propos de la taxation des bonus (et non plus d’un appel à leur limitation), bénéficiant du ralliement dans la foulée de Nicolas Sarkozy et de celui, mais encore du bout des lèvres, d’une Angela Merckel qui rencontre à tout bout de champ des obstacles au sein de sa coalition gouvernementale.


C’est une taxe sur les bonus bancaires qui tient donc dans l’immédiat le haut de l’affiche, la nécessité d’étudier une taxation des transactions financières venant d’être cependant réaffirmée par les chefs d’Etat européens à Bruxelles, dans le cadre du mandat de réflexion qui a été donné lors du dernier G20 au FMI. En dépit du rejet immédiat, en clôture du dernier G20 finances de St Andrews, de toute perspective de cette nature par Tim Geithner, secrétaire d’Etat au Trésor américain.


Beaucoup va être dit et discuté à propos de ces deux projets, dont les caractéristiques ne sont pas précisément cernées et les décisions de les appliquer pas encore formellement prises. Ce qui laisse du grain à moudre à ceux qui vont s’efforcer d’en minorer à tout prix les portées, voire d’en empêcher l’avènement. Mais nous sommes vraisemblablement entrés dans un nouvel épisode de la crise. En regard de la poursuite et de l’approfondissement social de celle-ci, il n’était en effet plus pensable pour les gouvernements européens, qui vont devoir demander dans leurs pays de lourds sacrifices avec un important coût social, afin de réduire les déficits publics, de partir la fleur au fusil et sans munitions. Ils doivent prendre en compte le sourd ressentiment qui s’est installé dans l’opinion publique envers les banques, symboles du système financier, et y répondre par des actes tout aussi symboliques. Cela s’appelle faire de la politique de nos jours.


Le sujet qui montait dans l’actualité, l’éventualité d’une banqueroute grecque, n’est pas pour autant remisé. La place importante qui lui a subitement été accordée n’avait pas pour seule raison la situation d’endettement déjà préoccupante du pays, la qualité douteuse de ses statistiques économiques n’arrangeant rien, mais également le fait que d’autres pays européens sont dans la ligne de mire des marchés financiers.


Toutefois, il est apparu qu’en dépit de quelques batailles d’arrière-garde (menées au sein même du gouvernement allemand de coalition), un consensus s’était vite fait sur la nécessité de faire corps, ayant entretemps exercé une pression maximum sur le gouvernement grec afin qu’il s’engage résolument sur la voie des sacrifices (ceux qu’il va imposer aux Grecs). Nous rappelant que si les statuts de la BCE lui interdisent de financer la dette d’un Etat, ils autorisent de fermer les yeux sur les liquidités massivement apportées par celle-ci aux banques grecques, afin qu’elle achètent cette même dette ! L’idée est d’éviter une intervention du FMI, qui ferait désordre au sein de la zone euro. Et d’y faire de la Grèce un exemple à suivre. On dit à ce propos que les financiers de la City auraient déjà adopté le charmant acronyme de PIGS (cochons) pour identifier, à la manière du BRIC des pays émergents (Brésil-Russie-Inde-Chine) cette fois-ci le Portugal, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne. Oubliant de faire figurer dans cette liste de l’infamie (mais ils sont hors zone euro)… le Royaume-Uni, ainsi que l’Islande, déjà enterrée, pour ne pas traverser l’Atlantique.


Ce qui nous amène à nous demander s’il n’y aurait pas une corrélation entre ces deux campagnes – taxes sur les bonus et prochaines mesures drastiques de réduction des déficits publics – la première étant une sorte de tir de barrage d’artillerie qui précéderait une forte offensive en faveur de la seconde (qui devra tôt ou tard être lancée). Il est toutefois également possible de s’interroger : cette même campagne allant à la rencontre de l’opinion publique – lui vendant l’idée qu’elle ne sera pas seule à supporter les énormes coûts d’une crise dont elle n’est pas responsable – ne risque-t-elle pas d’avoir un effet contraire à celui recherché  ? Offrant certes un exutoire à la vindicte populaire, mais risquant que celui-ci devienne un point d’appui pour que plus soit exigé ? « Ne quittez pas l’antenne ! » (stay in tune), comme on disait sur les postes radiophoniques !


Il est tout aussi envisageable, dans cette affaire qui ne fait que débuter, que les gouvernements réagissent ainsi face à l’inextricable situation dans laquelle ils se trouvent. Indéniables complices consentants d’une finance qui se révèle pourtant ouvertement rebelle à leur égard, dès qu’ils envisagent ne serait-ce que légèrement en heurter les intérêts. Rabaissés dans la pratique au rang de simples exécutants chargés des basses besognes. Ayant cependant besoin, eux, d’être réélus selon les règles d’un suffrage universel parfois porteur de mauvaises surprises. La concrétisation éventuelle d’une taxe sur les transactions financières reflète le besoin qu’éprouvent ces mêmes gouvernements, qui multiplient les accommodements plus ou moins discrets avec les financiers, de se protéger un peu mieux des éclaboussures que ces derniers provoquent par leur comportement, ainsi de ce qu’ils vont devoir annoncer et endosser.


Quelles conséquences pourraient être attendues d’une telle taxe ? Si tout du moins elle voit effectivement le jour et ne se réduit pas, au final, à une mesure totalement ridicule, tel le projet de Bernard Kouchner, ministre Français des affaires étrangères, auquel s’était opportunément ralliée Christine Lagarde, ministre de l’économie et des finances. Si toutefois les Américains ne parviennent pas à en étouffer totalement le projet. Le fameux diable qui se vautre dans les arguties et se repaît des détails va faire une apparition de plus, et avec lui toutes les craintes que cette taxe soit dévitalisée derrière un épais nuage de soufre.


Ces obstacles franchis, s’ils doivent l’être, il est communément admis qu’elle pourrait contribuer à notablement réduire le volume des activités spéculatives financières, enchérissant leur coût, rendant même certaines d’entre elles non rentables, diminuant ainsi la taille des futures bulles financières est-il espéré. Mais l’effet pourrait être contraire, amenant les opérateurs financiers à accroître la rentabilité de leurs opérations, afin de compenser ce nouveau coût, augmentant leur prise de risque et précipitant d’autant de nouvelles crises. Taillées à minima, enfin, elles pourraient permettre de tenter de justifier un solde de tout compte. Le bilan escompté d’une taxe financière, financier aussi bien que politique, n’est donc pas garanti par avance.


Par ailleurs, ces projets de taxe (comme ceux qui portent sur le démantèlement des mégabanques), ne sont pas porteurs d’une solution principielle aux dérèglements majeurs du capitalisme financier. Ils ne s’attaquent pas à leurs causes et ne cherchent qu’à en limiter les effets. En ce sens, seules des interdictions drastiques pourraient empêcher que se renouvellent les crises financières, avec le risque annoncé que la prochaine soit encore plus dévastatrice que l’actuelle, les Etats ayant épuisé leurs munitions, leur endettement ne pouvant augmenter à l’infini. L’interdiction des paris sur les fluctuations de prix est de ce point de vue une mesure centrale, dont les conséquences décisives sont masquées par le caractère faussement anodin de son énoncé. Toutefois, vu l’extrême fragilité des édifices financiers, on peut se demander si mêmes des mesures limitées de taxation n’auraient pas des effets imprévus en chaîne. Qui seraient, eux aussi, en quelque sorte systémiques  !


Dans l’immédiat, les regards vont nécessairement se tourner vers les Etats-Unis, afin de mieux estimer les chances que le soutien européen au principe d’une taxe financière y soit repris, une fois mis en forme par le FMI au printemps prochain, car c’est bien entendu la condition préalable à son sacrement. Les débats du Congrès sur la régulation financière, acharnés depuis plusieurs mois, se poursuivent encore aujourd’hui à la Chambre des représentants, avant que le Sénat ne prenne le relais, sur la base d’une autre proposition de loi, considérée comme plus dure pour l’industrie financière. Tous les amendements sur la table n’ont pas encore été adoptés ou rejetés à l’heure où ce billet est publié, de telle sorte qu’il est difficile de faire même un premier point d’étape sur un document qui fait 1.279 pages et qui fourmille de nouvelles mesures.


Quelle sera la résultante de ces débats, de ces stratégies d’influence des lobbies, des convictions quasi religieuses de certains, sans oublier la manière dont les congressmen anticipent la pression de leurs électeurs ? Il est peu probable que la face du monde de la finance en sorte bouleversée, que les boulons seront vissés là où ils devraient l’être. Alors que les décisions prises à Washington auront vocation à faire internationalement jurisprudence, comme autant de faits accomplis, les Européens étant à la traîne, retardés par des Britanniques qui jouaient pour cette raison même la montre.


Le débat à propos d’une taxe sur les transactions financières, lui, couve sous la cendre : une proposition de loi est sur le bureau du Congrès, des signaux sont apparus qui montrent qu’il est discrètement engagé au sein de l’administration Obama, à la recherche de réponses politiques à la baisse de la popularité du président et à ses conséquences pour les élus démocrates à l’occasion des élections de mi-mandat qui s’approchent.


Les dés n’ont pas fini de rouler sur le tapis. Le débat sur la manière de se prémunir du danger représenté par les établissements financiers TBTF ne va pas non plus s’éteindre. Pour une simple raison : la crise est loin d’avoir encore produit tous ses effets. Nous sommes engagés dans une dynamique imprévisible, de tous points de vue. La crise proprement financière n’est absolument pas près d’être terminée, la crise économique est profonde – résultant à certains égards de causes que l’on peut désormais analyser comme durables, si ce n’est même structurelles – ses conséquences sociales s’approfondissent et vont être de moins en moins supportables.


Le pari d’une croissance retrouvée qui allégerait du poids croissant des défauts de remboursement les banques, et éviterait de trop éprouvantes mesures de réduction des déficits publics, est plus qu’incertain. François Fillon, le premier ministre Français, vient de déclarer, jeudi à Bonn, que « la sortie de crise est dangereuse », pensant notamment aux pertes d’emploi et à ce qui va les accompagner. Laurent Wauquiez, secrétaire d’Etat Français à l’emploi, vient de l’évoquer à sa manière en déclarant sur une radio « La politique sociale, ça ne peut plus être s’occuper uniquement des plus défavorisés. Ceux qui trinquent le plus dans la crise sociale, ce sont les classes moyennes. Il y a un moment où il faut arrêter le « politiquement social correct ». La France a « un système de protection sociale fondé systématiquement sur les seuils de revenus et qui laisse de côté les classes moyennes, notamment modestes » a-t-il poursuivi.


Nous y sommes : la crise, en Europe comme aux Etats-Unis, va avoir des conséquences inédites. Les classes moyennes vont être touchées, et c’est cela qui, des deux côtés de l’Atlantique, est le phénomène le plus politiquement préoccupant pour les pouvoirs en place, pas seulement pour les gouvernements.


Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com


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(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).



Les vues présentées par Paul Jorion sont les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire de faire une mise à jour.   Les articles présentés ne constituent en rien une invitation à réaliser un quelconque investissement.  . Tous droits réservés.




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