photo © Ernst A. Heiniger
N’est-il
pas excitant de tomber nez-à-nez avec des informations telles que
‘toute trace a été perdue’ ou encore
‘localisation inconnue’ en faisant des recherches sur un diamant
célèbre ? D’autant plus lorsqu’on se souvient
également d’un article intitulé ‘diamant rare
retrouvé’ paru en 1962. Le diamant dont je fais ici mention est
le Wittelsbach, un diamant très rare de couleur bleu foncé et
dont la réapparition soudaine, même après plusieurs
décennies, a fait sensation.
Le
Wittelsbach est un diamant de 35,56 carats de 24,40mm de diamètre et
8,29mm de profondeur (son diamètre correspond à sa longueur, et
le diamant étant quelque peu ovale, sa largeur mesure quelques
millimètres de moins). Il est pur, mis à part quelques rayures
superficielles, et dispose de 82 facettes taillée de manière
peu conventionnelle – ses facettes en étoile sont
divisées verticalement et son pavillon présente 16 facettes en
aiguille, arrangées en paires et pointant vers
l’extérieur.
Les
plus anciennes informations dont nous disposions au sujet du Wittesbach remontent à la fin du XVIIe
siècle. Une chose est certaine : le diamant est d’origine
Indienne. Il a également été suggéré que
ce diamant de couleur si rare ait été taillé dans le fameux
French Blue Diamond, une pierre précieuse de
112,5 anciens carats, que Tavernier a acheté
en Inde avant de le vendre au roi Louis XIV. Le diamant principal ayant
été taillé dans le French Blue Diamond
est le Hope, d’un poids de 45,52 carats. Sachant cela, nous pouvons
déduire qu’il est impossible que le Wittelsbach provienne de la même
pierre. L’autre possibilité serait que le French Blue Diamond ait préalablement été
divisé en deux avant que Tavernier ne l’achète, ce qui
n’est que peu probable. En revanche, il serait sans aucun doute
très intéressant de déterminer si les propriétés
physiques du Wittelsbach sont similaires à celles de la pierre Hope.
L’histoire
du Wittelsbach a été sans incident. Il a été
transmis d’un propriétaire royal à un autre. Le diamant
faisait partie du cadeau fait par le roi Philippe IV d’Espagne à
sa fille Marie-Thérèse lors de son mariage en 1664, à
l’âge de 15 ans, avec l’empereur Léopold
d’Autriche (toute trace antérieure du diamant a
été détruite à Madrid lors de la guerre civile
Espagnole de 1936-39). Le père de la mariée a demandé
à son trésorier de composer un cadeau à partir de
pierres précieuses provenant d’Inde et du Portugal. Le diamant
bleu fut inclus dans cette sélection. Malheureusement, le mariage
entre l’Empereur et Marie-Thérèse ne dura pas,
puisqu’elle mourut prématurément en 1675. Ses joyaux
furent transmis à son mari et mentionnés dans un document
écrit datant du 23 mars 1673 :
‘Ornement
en diamant consistant d’une broche sertie en son centre d’un gros
diamant bleu et de broches serties de rubis’.
L’Empereur
offrit plus tard ces joyaux à sa troisième épouse,
Eléonore de Neubourg, fille du comte palatin de Neubourg. Elle
vécut plus longtemps que son mari et mourut en 1720. Avant sa mort,
elle s’est arrangée pour que le Wittelsbach soit
légué à la plus jeune de ses petites-filles, l’archiduchesse
Marie-Amélie, fille de l’empereur Joseph Ier.
En
1717, l’archiduchesse fit la connaissance de l’homme
qu’elle était destinée à épouser, le prince
Charles-Albert, héritier de la couronne de Bavière. Né
à Bruxelles en 1697, il grandit et fut instruit en Autriche. Leur
mariage, en 1722, marqua un important changement dans l’histoire du
diamant bleu. Il devint ainsi ‘diamant de famille’ de la maison
de Bavière, les Wittelsbach. Il en demeura ainsi jusqu’à
l’abdication du dernier roi en 1918. Le diamant était la
pièce centrale de la dot de Marie-Amélie et fut décrit
comme un ‘diamant bleu cerclé de petits brillants’. Il fut
évalué à 240.000 florins, ce qui présente bien la
valeur attachée à ce diamant par rapport aux autres objets
figurant dans les inventaires royaux de l’époque.
Vous pouvez apercevoir en
haut une réplique du Wittelsbach. Le diamant au centre du pendentif
est décrit comme étant de couleur brun-rosé.
Dans le livre de Lawrence Capeland ‘Diamonds
– Famous, Notable and Unique’, nous
pouvons trouver une photographie de la parure sertie du véritable
Wittelsbach.
Zoom de la partie
supérieure de la parure. La pierre bleue est très certainement
faite de verre.
Le diamant original a été
retiré avant d’être serti sur une broche Harry Winston
entouré de diamants blancs taillés en forme de poire.
Très
peu de temps après le mariage du prince avec l’archiduchesse,
son père Maximilien-Emmanuel de Bavière se trouva en grande
difficulté financière. En tant que chef de la famille royale,
il était responsable du bien-être de ses membres, ce qui
signifiait également qu’il avait le droit d’agir en leur
nom. Il emprunta de l’argent à un banquier du nom
d’Oppenheim et utilisa le Wittelsbach comme gage. Les diamants furent
rachetés quatre ans plus tard pour 543.781 florins.
Maximilien-Emmanuel mourut peu de temps avant cela, et ce fut le devoir de
ses successeurs que de couvrir cette somme. Il laissa sa famille dans un
état de pauvreté totale et le rachat du Wittelsbach fit passer
son déficit à 4 millions de florins.
Le
nouvel électeur de Bavière, Charles-Albert, éprouvait
une grande affection pour le diamant. Tout au long de sa vie, il fit modifier
la parure sur laquelle il était serti afin de la rendre toujours plus
belle. Son successeur, Maximilien III ordonna que le Wittelsbach soit serti
sur une nouvelle parure par un bijoutier de Munich. Il fut ainsi serti au
centre de brillants cerclés de brillants plus larges (voir la photo
ci-dessus). Un total de 700 brillants fut utilisé pour la fabrication
de cette parure.
Le
dernier roi de Bavière à porter le diamant fut Louis III, qui
régna jusqu’à ce que l’Allemagne devienne une
république en 1918. Après son abdication, il se retira en
Hongrie et mourut en 1921. Son inhumation dans la crypte de la Frauenkirche à Munich marqua la dernière
apparition du Wittelsbach aux côtés d’un monarque.
Après
la première guerre mondiale, la Bavière devint une
république et les possessions de la maison des Wittelsbach furent
placées sous le contrôle d’un fond de
péréquation. Les membres de la famille royale reçurent
une indemnité qui perdit rapidement toute sa valeur au cours de
l’inflation qui s’en suivit. Et puisque la législation de
l’époque ne permettait pas la conversion de
propriétés terrestres en monnaie, les membres de la famille
royale sombrèrent dans la pauvreté. En 1931, l’Etat
ordonna la vente du Wittelsbach en vue d’alléger les
difficultés pesant sur les épaules des descendants du dernier
roi.
Le Wittelsbach et sa
taille inhabituelle. Les huit facettes intérieures du pavillon sont en
réalité
un saphir attaché à la
pierre qui serve à cacher la culasse et à accentuer la couleur
du diamant.
L’établissement
Christie’s, à Londres, eut l’honneur d’abriter la
vente aux enchères du diamant. En novembre 1931,
l’établissement annonça qu’elle tiendrait le mois
suivant une vente aux enchères, et que parmi les objets en vente
figurerait un ‘très célèbre diamant bleu’.
L’intérêt du public fut remarquable. La vente aux
enchères comprit 30 lots et dura plus de deux heures. Le diamant bleu
faisait partie du lot numéro 1. Son enchère commença
à 3000 livres et l’achat fut établi à 5400 livres.
Bien que l’acheteur du diamant, un certain ‘Thorp’,
ait été nommé, le public eut l’impression que le
Wittelsbach ne fut jamais réellement vendu. Un ‘brillant oblong
de couleur cannelle’ fut également mis en vente pour 1500
livres, qui pourrait être le diamant brun-rosé mentionné
plus haut et qui sertissait autrefois la parure de Maximilien III.
C’est
alors que le mystère autour de l’endroit où se trouve le Wittelsbach
commence réellement. Peu importe ce qu’a pu ressentir le public
à Christie’s en décembre 1931, ce qui est certain,
c’est que le diamant ne retourna jamais à Munich. A sa place fut
exposé aux regards des visiteurs un morceau de verre taillé
sans aucune valeur. Selon les rumeurs, la pièce aurait
été vendue illégalement en 1932 par un bijoutier de
Munich avant de faire sa réapparition en Hollande. Plus tard, des
recherches révélèrent que le Wittelsbach avait
été vendu en Belgique en 1951 avant de changer à nouveau
de mains en 1955. Trois ans plus tard, des millions de visiteurs se rendirent
à Bruxelles pour apprécier l’Exposition Universelle, lors
de laquelle fut exposé un très gros diamant bleu. Mais personne
ne sembla se rendre compte qu’il s’agissait en
réalité d’un diamant disparu – le Wittelsbach.
Le
crédit pour avoir retrouvé la trace du Wittelsbach doit
être attribué à Joseph Komkommer, un important personnage de l’industrie
diamantaire Belge et quatrième descendant d’une famille de
spécialistes des diamants.
En
janvier 1962, Mr. Komkommer a reçu un appel
téléphonique d’une personne qui lui a demandé
d’observer un diamant taillé à la mode Old Mine et de lui
donner son avis quant à une éventuelle retaille.
Lorsqu’il reçut le paquet, Komkommer
reconnut l’un des diamants les plus rares et les plus précieux
qui soient. Il reconnut immédiatement la valeur historique du diamant
et décida qu’il serait sacrilège que de le retailler.
Avec l’assistance de son fils, Jacques Komkommer, il identifia le
diamant comme étant le diamant disparu qui appartenait autrefois
à la maison des Wittelsbach. Il forma ensuite un consortium
d’acheteurs de diamants qui acheta le diamant pour une somme de 180.000
livres. Le Wittelsbach fut acheté par un collectionneur privé
en 1964.
Le
10 décembre 2008, le diamant fut mis aux enchères par
l’établissement Christie’s, à Londres, et vendu
pour 16,4 millions de livres à un bijoutier Londonien du nom de
Laurence Graff. Il s’agit de la plus importante somme
jamais obtenue pour la vente aux enchères d’un diamant. Le
record précédent était attribué au diamant Star
of the Season.
Sources:
Famous Diamonds
par Ian Balfour, Traditional Jewelry of India par Oppi Untracht, Diamonds - Famous,
Notable and Unique par Lawrence Copeland.
Tous
les articles sur les diamants célèbres
|