L'or
est l'actif le plus décrié, si vous écoutez la Fed, la BCE et d'autres
banques centrales. Cela s'est vu à plusieurs reprises, y compris avant le
référendum suisse sur l'or et dans la récente déclaration de Mario Draghi.
Wolf Richter (Wolfstreet.com) a
donc demandé à Fabrice Drouin Ristori,
fondateur et PDG de Goldbroker.com, pourquoi les banques centrales se
comportent ainsi envers l'or.
Wolf Richter : Le 30 Novembre, la Suisse a
voté contre l'initiative sur l'or. Il y a t'il quelque chose de particulier à
dire sur le déroulement du référendum ?
Fabrice Drouin Ristori : La BNS et la
majorité des médias Suisse ont fait campagne pour le NON ; on peut
s’étonner d’un tel comportement dans un processus démocratique.
Deux
enseignements sont à tirer de ce référendum :
- Au vu
de la campagne menée, l’or est clairement l’ennemi du système bancaire et
financier dans les pays occidentaux puisqu’un retour au standard or
limiterait leur capacité à créer de la monnaie, donc leur pouvoir.
- Les
peuples de l’Ouest n’ont plus conscience de ce qu’est un système monétaire
basé sur une monnaie juste. Les Suisses ont également basculé dans cette catégorie
malgré leur longue expérience du standard or.
Wolf Richter : Suite à la décision de
la BCE de repousser tout QE à l’an prochain, Mario Draghi a déclaré que, en
termes d’achat d’actifs, la BCE avait discuté de « tous les types
d’actifs, sauf l’or ». Pourquoi la BCE est-elle prête à acheter
toutes sortes d’actifs – y compris des « vieux vélos », comme l’a
dit de si belle façon le politicien allemand Frank Schäffler en juiller 2012
– mais pas d’or ?
Fabrice Drouin Ristori : Le discours
des banquiers centraux est systématiquement anti or. L’annonce de Mr Draghi
confirme que la BCE, tout comme les banquiers centraux de l’Ouest,
considèrent l’or comme leur principal ennemi, encore une fois parce que, dans
le contexte d’un standard or, ils perdent la capacité d’imprimer de la
monnaie à souhait.
Comme
le prouve le phénomène de backwardation (le taux GOFO négatif), il est difficile
de se procurer de l’or physique en volume depuis quelques mois. Si la BCE
venait à acheter de l’or physique sur les marchés, la situation deviendrait
explosive sur les cours. Or un cours de l’or qui augmente incite les agents
économiques et investisseurs à se poser des questions sur la stabilité des
monnaies papier, voire à s’en séparer pour se réfugier dans les actifs
tangibles.
La BCE
n’a donc strictement aucun intérêt à acheter de l’or.
Wolf Richter : Plusieurs pays
essaient de rapatrier leur or, dont le Venezuela, l’Allemagne
et les Pays-Bas.
Ces rapatriements devraient s’effectuer assez facilement, mais certains
d'entre eux ont les pires difficultés à rapatrier leur or. Pour quelle raison
?
Fabrice Drouin Ristori : L’or a été
stocké principalement aux États-Unis et à Londres pour protéger les réserves
d’or à l’époque des conflits armés (Guerre froide, par exemple) ou pour
améliorer la liquidité des réserves d’or des pays en les localisant proche
des gros centres de négoce mondiaux.
Cela
avait certainement du sens auparavant mais, désormais, le mouvement inverse
de rapatriement se produit, car de gros doutes existent quand à l’existence
réelle de ces réserves dans les deux principaux lieux de stockage à Londres
et New York. Il y a de très forte probabilités pour que les réserves d’or de
nombreux pays aient été prêtées aux banques d’affaires puis vendues sur les
marchés afin de maîtriser le cours de l’or et maintenir ainsi l’illusion de
valeur du système de monnaies papier (dollar, euro, etc).
Quand
des banquiers centraux, souvent sous pression de leur gouvernement, décident
de rapatrier leur or physique, on peut logiquement penser qu’ils ont
forcément des doutes sur l’existence de l’intégralité de ces réserves,
surtout dans un contexte où des audits des réserves d’or n’ont jamais été
réellement réalisés.
L’or
physique est en train de faire son retour dans le système monétaire
international. Certains gouvernements et autorités monétaires le savent et
s’inquiètent de savoir si leurs réserves existent toujours. Cela constitue la
fin d’un jeu de chaises musicales qui réserve de nombreuses mauvaises
surprises, selon moi.
Wolf Richter : Avec la Banque du
Japon qui s'est mis en tête de détruire le yen, et elle y arrive très bien
pour le moment, les ménages japonais pourraient bien, un jour, prendre peur,
se débarasser de leurs yens et devenir de gros acheteurs d’or. Est-ce que
cela devrait inquiéter la BoJ, vu qu’elle incite les Japonais à sortir leur
argent des banques et à l'investir à la Bourse, pour faire grimper les cours
?
Fabrice Drouin Ristori : Je ne
possède malheureusement pas de statistiques précises sur le comportement des
investisseurs Japonais, mais j’ai pu lire qu’un mouvement vers l’or physique
a commencé au Japon également.
Toutes
les banques centrales de l’Ouest s’inquiètent de ce mouvement vers l’or
physique, que ce soit via des pressions
médiatiques (référendum suisse), des annonces de banquiers centraux
(Mario Draghi sur l’or), ou des manipulations de marché. Tout est fait pour
dénigrer l’or et pour qu’aucun lien de ne soit fait entre perte du pouvoir
d’achat des monnaies et performance de l’or.
On voit
bien que les tenants du système monétaire international actuel sont terrifiés
par l’or et son retour au sein du futur système monétaire international,
puisqu’ils le désignent ouvertement.
Ils
essaient, comme au Japon, d’influencer les décisions des individus mais,
lorsque la perte de confiance dans les monnaies papier se manifestera à
l’échelle de la planète, je ne vois pas les investisseurs suivre les conseils
de ceux qui ont contribué à détruire le pouvoir d’achat de ces mêmes monnaies
papier via la création monétaire illimitée (QE etc).
Wolf Richter : Et, sur une note plus
personnelle, vous êtes un entrepreneur. Ici, à San Francisco, nous aimons
bien les entrepreneurs… mais pourquoi avez-vous choisi cette voie ?
Fabrice Drouin Ristori : J’ai fondé
GoldBroker.com en 2011 pour fournir en un seul endroit une solution pour que
les investisseurs puissent posséder de l’or ou de l’argent physique
directement en leur nom, sans intermédiaires, et le stocker en dehors du
système bancaire, ce qui est crucial pour plusieurs raisons. Ainsi, chaque
investisseur peut devenir sa propre banque centrale.