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1. Deux évolutions remarquables.
Le total du bilan de la
Banque centrale européenne (BCE) (cf. tableau 1
ligne 1 ci-dessous a atteint en mai 2009 :
€ 1 795 milliards
alors qu'il se montait en mai 1999, il y a donc dix ans, à :
€
692 milliards.
et en mai 2004, cinq ans plus tard, à "seulement" :
€ 846 milliards.
Tableau 1
Source : BCE
(1ère ou 2ème semaine de mai)
En d'autres termes (cf. tableau 1 ligne 2 ci-dessus), alors que le total du
bilan de la BCE
avait augmenté, ses cinq
premières années d'existence opérationnelle
(1999-2004), de :
22,3 %
-
de mai 1999 à mai 2004 -,
il a augmenté les cinq suivantes de
112%
-
de mai 2004 à mai 2009 -.
Ce n'est pas l'entrée dans l'euro en 2007 de la Slovénie,
de Chypre et de Malte et en 2009 de la Slovaquie qui peut expliquer cette rupture de
la tendance à moyen terme.
Serait-ce alors le changement de président de la BCE ?
J.C. Trichet a en effet remplacé en novembre 2003 Wim Duisenberg qui
avait été président depuis l'origine, 1999.
Je laisse la question sans réponse dans ce billet.
Il s'avère qu'en dix ans, et exprimés en % du total de son
bilan, les capitaux propres (et réserve) de la BCE ont diminué
continûment de près de 8% à un peu plus de 4% (cf.
tableau 1 ligne 3 ci-dessus), soit une baisse de l'ordre de 50%.
Quand et où cette baisse s'arrêtera-t-elle ?
Je laisse la question sans réponse dans ce billet car il y a plus
important à considérer.
2. Or, billets et couverture or des billets.
2.A. L'or.
Bien que, depuis le début de la décennie 1970; le
système monétaire international n'ait plus de lien officiel
avec le marché de l'or, la
BCE détient, en mai 2009, à l'actif de son
bilan, de l'or et des créances en or pour un montant de :
€ 241 milliards.
Elle en détenait en mai 1999 :
€
105 milliards.
Exprimé en % du total de son bilan, le montant du poste "or et
créances en or" de la
BCE a donc peu varié en dix ans même s'il est
"tombé" les douze derniers mois de 15,1% à 13,4%. Il
était resté auparavant dans la fourchette 15-16% (cf. tableau
2, ligne 1 ci-dessous).
Tableau 2
2.B. Les billets.
Pour sa part, le montant des billets, exprimé en % du total du bilan,
a lui aussi peu varié ces dix années d'existence
opérationnelle de la BCE
même s'il a baissé significativement les douze derniers mois, de
48,4 % en mai 2008 à 42,3 % en mai 2009 (cf. tableau 2 ligne 2
ci-dessus). Il était resté auparavant de l'ordre de 50%.
En d'autres termes, 50 % de la base monétaire avaient
été constitués en billets jusqu'à mai de
l'année dernière.
2.C. La couverture or des billets.
D'une certaine façon – non officielle –, l'or que
détient la BCE
couvre en partie le montant des billets dont elle a le monopole
réglementaire d'émission, monopole qui lui a été
donné par le traité de fondation de l'Union européenne
dénommé aussi "traité
de Maastricht".
En conséquence, il faut reconnaître que les billets de la BCE ont de facto un
taux de couverture en or stable, de l'ordre de 30% (cf. tableau 2 ligne 3
ci-dessus).
3. Ce qu'on voit, ce qu'on ne voit pas.
Mais l'or étant évalué au prix du marché - il est
"mark to the market"… - et le prix du marché ayant
augmenté dans toute la période sous revue, il en est
résulté des variations du poste "or et créances en
or", le cas échéant importantes.
Pour annihiler globalement ces variations (et par conséquent immuniser
contre les effets économiques, monétaires, financiers), il y a
au passif du bilan de la BCE
le poste comptable "réserve de réévaluation"
qui prend en compte l'effet des variations du prix de l'or sur le montant du
poste à l'actif.
Exprimé en % du total de son bilan, le montant de la réserve de
réévaluation a connu une certaine variabilité
compréhensible (cf. tableau 3 ligne 1 ci-dessous)....
Tableau
3
L'addition des chiffres de ce poste comptable à ceux du poste
"capitaux propres (et réserve)", atténue la chute
soulignée de ces derniers (cf. tableau 3 ligne 3 ci-dessus). Elle
n'est plus de l'ordre de 50% sur les dix années, mais d'un tiers.
4. L'évolution quantitative de ces dernières années.
On a dit au §1 que l'évolution du total du bilan de la BCE ces cinq
dernières années (112%) est remarquable car elle tranche avec
son évolution les cinq années précédentes (22,3%)
: en d'autres termes, son rythme d'augmentation a été cinq fois
plus élevé !
"Merci Monsieur Trichet …?" On peut se poser la
question…
L'évolution est surtout remarquable ces trois dernières
années (cf. tableau 4 ligne 3 ci-dessous).
Tableau 4
En effet, elle s'est faite à des taux annuels non seulement
élevés mais aussi croissants:
7,9% en 2007,
19,7% en 2008 et
28,9% en 2009.
5. L'hyperinflation dans la "zone euro" est-elle à
attendre ?
Toutes choses égales par ailleurs, cette évolution quantitative
de la base monétaire de la "zone euro" fait apparaître
que la BCE est
sortie des clous de la bonne gestion monétaire pour entrer dans
l'hyperinflation.
Mais maintenant va-t-elle "sortir des clous" ? (...
jeu de mots...).
L'évolution ne peut en effet qu'entraîner des augmentations de
prix en monnaie considérables étant donné qu'il y a
proportionnalité entre la quantité de monnaie et la base
monétaire.
Etant donnés les enseignements de la théorie monétaire
au nombre desquels la proportionnalité précédente, on
peut dire que l'hyperinflation est désormais potentiellement
enclenchée dans la "zone euro".
Elle se matérialisera dans la vie pratique (par de la monnaie qui
deviendra des "clous") et dans les statistiques si, d'une part, la
"zone euro" reste "toutes choses égales par
ailleurs" ou bien celles-ci évoluent dans le "mauvais
sens" et si, d'autre part, chacun se forme des attentes
d'hyperinflation.
Les choses vont-elles changer et, si oui, dans quel sens ? Dans le "bon
sens" qui évitera le dérapage des prix en monnaie ?
Comment
se forment les attentes d'hyperinflation ?
L'insistance de la BCE
sur ses actions comme la baisse des taux d'intérêt à
court terme ou le maintien de taux d'intérêt à court
terme bas est-elle un facteur explicatif de cette formation ? Un facteur
déterminant ?
L'hyperinflation dépend des réponses à ces questions.
Faites vos jeux…
Georges Lane
blog.georgeslane.fr
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Georges
Lane enseigne l’économie à
l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec
Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que
dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels
libéraux authentiques en France.
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