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La crise
économique que nous traversons a diverses sources. Une des plus
importantes est sans doute l’abandon progressif, au cours du XXe
siècle, de l’étalon-or.
Les banques centrales ont ainsi pu créer de la monnaie-fiat –
à savoir une monnaie fictive indexée sur rien – à
outrance, permettant, de la sorte, aux gouvernements de dépenser plus
que jamais sans se soucier du niveau de plus en plus élevé des
prix.
La
première alerte contre les velléités gouvernementales de
manipulation de la valeur des monnaies remonte à un courant
relativement méconnu en France : la seconde scolastique espagnole
(XVIe-XVIIe siècles) dont un des principaux
représentants est Juan de Mariana. Nous passerons sur les idées
juridico-politiques de ce dernier pour nous consacrer pleinement à son
apport à la pensée économique, surtout en matière
monétaire, lequel apport n’a pas pris une ride et est, au
contraire, plus actuel que jamais au vu de la présente crise.
Ainsi, Mariana
craignait, déjà, à son époque, que le roi
obtienne un revenu fiscal en diminuant la teneur en métal
précieux des pièces de monnaie, c’est-à-dire en
manipulant à sa guise la valeur de celle-ci. Ce jésuite
comprit les risques d’inflation monétaire et, à terme, de
hausse des prix, qui en résulteraient : « si la
monnaie décroche de la valeur légale, toutes les marchandises
augmentent inévitablement dans la proportion même où la
monnaie est tombée, et tous les comptes deviennent faux. ».
Il développera ensuite son idée de façon plus
limpide : « C’est une folie de vouloir séparer
ces valeurs de telle manière que le prix légal diffère
du prix naturel. Ce n’est pas seulement de la folie, c’est de la
méchanceté, de la part du gouvernement qui ordonne qu’une
chose que le public évalue – mettons – à cinq soit
vendue à dix. Les hommes sont guidés en ces matières par
l’estimation commune fondée sur la considération de la
qualité des biens en question, de leur abondance ou de leur
rareté. Il est vain pour le Prince de chercher à saper ces
principes du commerce. Il vaut mieux les laisser intouchés que de les
violenter au détriment du public. ».
La bulle
immobilière, aux États-Unis, est un exemple-type de ce que
décrivait Mariana : en effet, les prix de l’immobilier ont
été « trafiqués » et surtout
rehaussés, pendant un temps assez long, par la politique
monétaire de la FED (banque centrale américaine), laquelle a
succombé aux charmes apparents de la « planche à
billets ».
Séduits
par cette illusion que le marché de l’immobilier pouvait
être extrêmement rémunérateur, de nombreux citoyens
des États-Unis ont voulu en profiter, démentant au passage que
l’idée selon laquelle seule une économie de marché
non régulée permet l’émergence de
spéculateurs : on voit, au contraire, que c’est la
politique de la banque centrale qui a, en l’espèce, fait venir
tant de d’« apprentis spéculateurs » dans
le secteur immobilier. Et ces derniers n’ont malheureusement pas
anticipé les revirements de politique monétaire de la FED et le
fait que cette hausse frénétique ne pouvait pas se prolonger
indéfiniment. De nombreux investisseurs se sont alors retrouvés
ruinés quand ladite FED a relevé ses taux.
Ceux qui
veulent en savoir plus sur les questions monétaires et sur ces
économistes espagnols de la Renaissance pourront consulter à
profit l’ouvrage de Jesús Huerta de
Soto, traduit en français cette année, intitulé Monnaie,
crédit bancaire et cycles économiques. Dans cette
œuvre, le lecteur francophone pourra découvrir l’existence
de Martín d’Azpilcueta,
théologien de l’École de Salamanque, qui popularisa le
lien entre augmentation des prix et accroissement de l’offre
monétaire.
La lecture des
travaux des penseurs de cette prestigieuse École demeure toujours
d’actualité puisque, plusieurs siècles plus tard, ils
offrent encore des outils de compréhension des mécanismes de
l’économie.
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