Docteur en Sciences de l’ENSAM ParisTec, Jean-Charles Cabelguen est aussi
un expert de la fintech et de la crypto-économie. Bitcoin et or, monnaie… Il
se prête au jeu des questions/réponses sur ces “frères ennemis” que l’on aime
bien comparer, mais qui n’ont finalement pas grand chose à voir. Il nous
livre son retour d’expérience sur “l’effet bitcoin”, plus levier
d’investissement et “crypto-actif” que monnaie.
Peut-on mettre le bitcoin au même niveau qu’une devise nationale ?
Jean-Charles Cabelguen – Pour moi, le bitcoin revêt deux intérêts majeurs,
mais son rôle d’échange financier n’est pas le plus fort. Je le vois plus
comme de l’or décentralisé que comme une monnaie : de l’or – car il a une
valeur de stockage et d’investissement forte – et décentralisé grâce à la
blockchain.
Hormis la technologie blockchain, qu’est-ce qui est vraiment innovant
dans le bitcoin au niveau usage ?
Jean-Charles Cabelguen – Son usage décentralisé, il ne passe par aucun
organe de contrôle centralisé. Outre le fait qu’il s’agisse pour moi d’or
décentralisé, c’est son deuxième usage que je trouve particulièrement
innovant. Le bitcoin est une porte d’entrée dans la crypto-économie, pour
investir dans des start-up qui utilisent des tokens*. Ces sociétés se
financent avec des levées de fonds en bitcoins. Le principal intérêt du
bitcoin et aussi le plus novateur, c’est de l’utiliser pour investir dans des
start-up intéressantes.
La décentralisation inhérente au bitcoin pourrait-elle être appliquée au
dollar ou à l’euro ?
Jean-Charles Cabelguen – Non, car la constitution même des monnaies en
tant que valeurs (instruments) d’échange ne permettent pas d’être validées et
authentifiées de façon décentralisée. Pour ce faire, il faut une structure
tierce, un organisme de confiance (banque ou Etat) qui valide la valeur d’une
monnaie. De par son mode de production par la technologie blockchain, il
existe une traçabilité sur le bitcoin qu’il n’y a pas pour le dollar ou
l’euro. Contrairement aux idées reçues, il d’ailleurs beaucoup plus facile de
blanchir de l’argent sale avec des devises d’Etat qu’avec des bitcoins (dont
on peut remonter jusqu’à la sourcemême).
On compare souvent bitcoin et or, en quoi sont-ils différents ou
complémentaires ?
Jean-Charles Cabelguen – Ils sont différents car la quantité de bitcoins a
dès sa création été limitée à 21 millions d’unités. Nous en sommes
actuellement à 16 millions d’unités, mais le temps nécessaire à produire une
unité est exponentiel et de plus en plus long.
Pour l’or, on ne sait pas, on peut trouver un gisement qui le rende moins
rare. Au 18e siècle, sous Napoléon, l’aluminium est devenu un bien de
consommation courante du jour au lendemain, grâce aux avancées technologiques
ayant permis de développer des procédés de production industriels.
Vous misez donc sur la pérennité technologique du bitcoin ?
Jean-Charles Cabelguen – Oui, plus particulièrement sur celle de la
stratégie de la blockchain.
Quelles autres différences avec l’or ?
Jean-Charles Cabelguen – Le bitcoin est un produit décentralisé, l’or ne
l’est pas. Même si pour moi il n’est pas fait pour ça, le bitcoin peut être
utilisé pour des paiements financiers. Alors qu’on ne peut pas mettre un kilo
d’or sur une carte bancaire et payer sa baguette avec [NDLR : Mais si !].
L’or et le bitcoin diffèrent aussi par leur cours, celui de l’or est en
croissance stable depuis les années 2000, le bitcoin aussi est en croissance,
mais très instable. L’environnement de nouveauté, de régulation, d’accès au
grand public, gros volumes d’investissement, d’échanges… Tout cela impacte
fortement ses prix de temps à autre car nous n’en sommes qu’au tout début,
mais tout cela va se réguler et se stabiliser. Le bitcoin est l’illustration
parfaite d’un phénomène beaucoup plus intéressant : la blockchain. C’est ça
la véritable innovation. Plus qu’une technologie innovante, pour moi la
blockchain est une stratégie qui permet de créer des échanges entre
particuliers de façon directe et naturelle, sans tiers pour les valider. Elle
joue le rôle des structures tierces qui valident les échanges financiers. En
plus avec la blockchain, on garde une traçabilité de ces échanges 100 ans
après. Les technologies auront beau évoluer, la stratégie blockchain est
gravée dans le marbre, le protocole reste le même.
Le bitcoin peut-il stocker de la valeur ?
Jean-Charles Cabelguen – Il s’agit plus d’un placement dans une optique
spéculative ou pour investir dans une entreprise.
*Jetons numériques utilisés dans le financement qui permettent aux
start-up de lever des millions d’euros très rapidement et sans contraintes.
Jean Charles Cabelguen, Docteur en Sciences de l’ENSAM
ParisTech, plus de 12 ans d’expérience avec des acteurs d’envergure
internationale tels que EDF, Areva, Cegelec etc. En tant qu’entrepreneur dans
le numérique, il a travaillé sur des stratégies de commercialisation et de
marketing avec plus de 80 entreprises. Expert de la fintech, de la cryptoeconomie,
et ayant travaillé au sein de société en fusion acquisition, désormais en
charge de l’innovation et de l’adoption au sein de iEx.ec, la 1e startup qui
décentralise le cloud basé sur la blockchain.