Le monde financier ne parle plus
que du récent voyage de l’ancien gouverneur de la Fed, Ben Bernanke, au
Japon, où il a conseillé le chef de la banque centrale du pays, Haruhiro
Kuroda, quant à la manière dont gérer les conséquences de plusieurs décennies
de stagnation. Comme l’économiste Milton Friedman, Bernanke a mentionné la
vulnérabilité du Japon face à une déflation perpétuelle et une stagnation de
sa croissance, et mentionné la distribution d’argent gratuit – l’émission d’obligations
non-négociables et sans date de maturité par le gouvernement, que la banque
centrale peut acheter à l’aide de crédit contrefait – comme la seule solution
capable d’aider le pays à surmonter ses problèmes.
Bernanke a encouragé le Japon à
poursuivre ses politiques surnommées d’Abénomie, qui ont jusqu’à présent
échoué à aboutir à quoi que ce soit d’autre qu’apporter au pays davantage de
stimulus fiscal, comme si un ratio dette / PIB de 230% n’était pas suffisant.
Il a également assuré à Abe que la Banque du Japon disposait d’instruments
susceptibles de relâcher davantage ses politiques monétaires.
Comme si le village avait besoin
d’un idiot supplémentaire, le lauréat du Prix Nobel, Paul Krugman, a aussi
partagé son opinion. Il a conseillé au Japon de porter son objectif d’inflation
à 4% et de s’embarquer dans un programme de stimulus fiscal temporaire mais
significatif afin de générer une hausse des prix suffisante. Lors d’une
conférence qui s’est tenue jeudi à Singapour, Krugman a appelé à une flambée
des dépenses gouvernementales ainsi qu’à de possibles dons en espèces.
Mais la vérité, c’est que malgré
l’injection de trillions de yens dans le système financier, les programmes de
création monétaire adoptés par le Japon n’ont eu aucun effet sur la reprise
de la croissance. Et le Japon a déjà adopté un programme d’assouplissement
quantitatif plus important que celui de la Réserve fédérale ou de la BCE.
Malgré cela, les législateurs
japonais avalent le Kool-Aid keynésien, et adoptent l’idée que l’inflation
soit créatrice de croissance. Ils appellent désormais à un programme d’endettement
de 10 trillions de yens (94 milliards de dollars), financé par la Banque du
Japon.
La Banque du Japon achète
actuellement entre 110 et 120 trillions de yens d’obligations par an pour
satisfaire sa promesse d’élargissement de ses bilans. Et la demande en
obligations japonaises force leurs rendements en territoire négatif, des
niveaux que seuls les banquiers centraux apprécient. Plus aucun investisseur
privé ne cherche à acheter de ces obligations. Les seuls acheteurs qui
restent encore aujourd’hui sont la Banque du Japon et les spéculateurs qui
échangent des obligations à la manière d’actions, et espèrent obtenir une
appréciation de capital suffisante pour couvrir des rendements négatifs avant
de vendre à un autre spéculateur, ou de revendre à la banque centrale
japonaise dans le cadre de son programme d’achat d’obligations.
Et les achats d’actifs de la
Banque du Japon ne se limitent pas aux obligations japonaises. La Banque du
Japon possède aussi plus de la moitié des ETF du pays. Comme vous pouvez l’imaginer,
ces achats ont fait gonfler les bilans de la banque centrale, qui s’élèvent
désormais à 432,8 trillions de yens.
Mais la question que j’aimerais
poser à Messieurs Abe et Kuroda est la suivante : si l’impression
monétaire est la solution, quel est véritablement le problème ?
En 2015, le Japon était la
quatrième plus grosse économie du monde. Et malgré quelques périodes
difficiles, l’économie japonaise stagne depuis le début des années 1990.
En revanche, son PIB par tête
laisse supposer une tendance haussière impressionnante de la croissance du
pays.
En effet, la croissance japonaise
par tête est en hausse. C’est pourquoi Abe et Kuroda pensent qu’imprimer plus
de monnaie fera gonfler la population. La population japonaise en âge de
travailler a atteint un pic au milieu des années 1990, et est en déclin
depuis cette date. Selon les prévisions du gouvernement, la force de travail
devrait passer à 44 millions d’ici à 2060, soit la moitié de son niveau
record.
Cette création incessante de nouvelle
dette et de nouvelle monnaie est une solution à la recherche d’un problème.
Si les banquiers centraux étaient plus honnêtes, ils nous diraient
certainement que la Banque du Japon utilise l’excuse de la croissance pour
faire face à son véritable problème : l’assiette fiscale du Japon ne
suffit plus à régler sa dette.
Ainsi, la condition fiscale et
monétaire du Japon doit être entièrement contrôlée par sa banque centrale
afin que l’inflation ait une chance de venir le sauver. La conséquence de
cette idée absurde serait un mystère si les pays du monde n’avaient pas déjà
tenté d’adopter cette même solution de nombreuses fois par le passé. Tels des
Lemmings, le gouvernement japonais et sa banque centrale suivront sans réfléchir
le même chemin que l’Allemagne de Weimar, le Zimbabwe et la Hongrie.
Peut-être devraient-ils se pencher sur l’histoire de l’hyperinflation.