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L’article
suivant est une note de lecture du livre de Sterling et Peggy Seagrave :
Gold Warriors, America’s secret
recovery of Yamashita’s Gold
Il
serait certainement inutile que de tenter de déterminer lequel, entre
l’Allemagne et le Japon, est le pays de l’Axe à
s’être montré le plus brutal envers les peuples
qu’il a persécuté durant la seconde guerre mondiale. Les
Allemands ont tué six millions de Juifs et vingt millions de
Russes ; et les Japonais ont massacré environ trente millions de
Philippins, Malais, Vietnamiens, Cambodgiens, Indonésiens et Birmans,
dont 23 millions étaient d’ethnie Chinoise. Les deux nations ont
pillé les pays qu’elles ont conquis jusqu’à
n’y rien laisser, bien que les Japonais se soient adonné
à cette activité avec bien plus de vigueur et durant bien plus
longtemps que les Nazis. Les deux conquérants ont réduit des
millions de personnes à l’esclavage en les employant en tant que
travailleurs forcés – et, pour le cas des Japonais, en tant que
prostituées pour les troupes du front. Si vous étiez un
prisonnier de guerre Anglais, Américain, Australien,
Néo-Zélandais ou Canadien (mais pas Russe) entre les mains des
Nazis, vous aviez 4% de chances de ne pas survivre la guerre. Le taux de
mortalité des prisonniers du camp Japonais était quant à
lui de près de 30%.
Une
réelle différence est cependant apparue entre les deux nations
au cours des années et décennies ayant suivi 1945. Les
survivants et familles des victimes de l’Holocauste ont dû se
battre durant près de 60 ans pour obtenir compensation de la part des
corporations Allemandes pour le travail forcé auquel ils ont
été soumis, et pour récupérer les œuvres
d’art ayant été dérobées à leurs
domiciles et bureaux. Des litiges sont aujourd’hui toujours en cours
contre les banques Suisses ayant été chargées de
conserver les biens pillés par les Nazis. En juillet 2001, le
gouvernement Autrichien a payé 300 millions de dollars sur les 500
millions de dollars de dédommagement dus à quelques 100.000
ancien esclaves. Le gouvernement Allemand a depuis longtemps
réalisé qu’en mesure de rétablir ses relations de
respect mutuel avec les pays qu’il a pillé, le paiement de
réparations était plus que nécessaire. Il a
jusqu’à présent payé 45 milliards de dollars de
compensation. Le Japon, quant à lui, n’a distribué
à ses victimes que la modique somme de 3 milliards de dollars, dans le
même temps qu’il a distribué autour de 400 milliards de
dollars d’indemnités de guerre à ses propres citoyens.
La
principale raison de cet différence de traitement est que les victimes
des Nazis ont eu une influence politique aux Etats-Unis et en
Grande-Bretagne, et ont forcé leurs gouvernements à faire
pression sur l’Allemagne ; alors que les victimes des Japonais
vivent dans des pays ayant pour la plupart souffert de révolutions, de
soulèvement anticolonialistes et de guerres civiles à la suite de
la seconde guerre mondiale. Les choses ont commencé à tourner
avec l’arrivée des activistes Sino-Américains. Le
succès du livre d’Iris Chang, The Rape of Nanking (1997), dont la publication a subi de
multiples contestations de la part du gouvernement Japonais, présente
avec brio l’émergeance de ce groupe.
Plus
significatives encore sont les différences de politiques
employées par les Etats-Unis à l’égard des deux
pays de l’Axe. Dès la défaite de l’Allemagne, les
Etats-Unis se sont lancés dans une chasse aux criminels de guerre, une
dénazification de l’Allemagne, et une collecte et protection des
archives du régime Nazi… Après la défaite du
Japon, le gouvernement Américain a cherché à disculper
l’Empereur et sa famille de toute responsabilité de guerre.
Dès 1948, il a tenté de placer au pouvoir d’anciens
dirigeants de guerre (ministre des munitions au cours de la seconde guerre
mondiale, Nobusuke Kichi occupa par exemple le poste de premier ministre de
1957 à 1960).Les Etats-Unis ont également classé
confidentielles les archives relatives au Japon d’après-guerre,
décision allant à l’encontre de leurs propres lois.
Plus
important encore, John Foster Dulles, représentant du président
Truman au Japon chargé de mettre fin à l’occupation,
rédigea le traité de paix en 1951 de manière à
empêcher toute demande de compensation de la part des anciens
prisonniers de guerre et victimes du Japon, à la fois auprès du
gouvernement Japonais et des corporations du pays ayant profité de
l’esclavage tout au long de la guerre. Il a pris cette décision
dans le plus grand secret, et forcé les autres Alliés à
accepter son texte (à l’exception de la Chine et de la Russie,
qui ne l’ont pas signé). L’article 14(b) du traité,
signé à San Francisco le 8 septembre 1951, spécifie
que : ‘Excepté mention contraire, les pouvoirs
Alliés font grâce au japon de toute demande de réparation,
et annulent toute plainte ayant été portée par les
pouvoirs Alliés et leurs citoyens contre les décisions prises
par le Japon durant la guerre, ainsi que toute demande de
dédommagement relative aux coûts de l’occupation’.
Le 25 septembre 2001, trois anciens ambassadeurs Américains au Japon
– Thomas Foley, ancien orateur de la Chambre des Représentants, Michael
Armacost, président de l’institution Brookings, et Walter
Mondale, vice-président de Carter – ont écrit une lettre
commune au Washington Post condamnant
le Congrès pour avoir ne serait-ce que pensé aider
d’anciens travailleurs forcés Américains à
contourner les termes du traité.
Pourquoi
un tel désir de protéger le Japon ? Pourquoi les
Etats-Unis ont-ils employé des politiques différentes envers le
Japon et l’Allemagne ? Pourquoi le traité de paix a-t-il
été rédigé ainsi ? De nombreuses
hypothèses ont fait leur apparition au fil des années, certains
ayant dit que le Japon aurait simplement été trop pauvre pour
rembourser ses victimes, que de telles politiques auraient permis
d’empêcher un tournant communiste au Japon, ou encore que
l’empereur du Japon avait été poussé à
faire la guerre par une cabale de militaristes… L’explication
offerte par le livre des Seagrave est considérablement plus sinistre
que toutes ces explications potentielles. Elle concerne ce qu’auraient
fait les Etats-Unis après avoir découvert l’étendue
et la forme des pillages ayant été menés par le Japon,
et la très faible influence de leurs victimes.
Aussitôt
que la guerre prit fin, les Américains commencèrent à
découvrir les trésors de guerre des Japonais. Le
général MacArthur, en charge de l’occupation, aurait
rapporté la découverte d’un très important butin
d’or, d’argent, de pierres précieuses, de timbres postes
étrangers, de plaques gravées ainsi que… de devises
illégales au Japon. Ses représentants ont été
chargés d’arrêter Yoshio Kodama, ayant vendu de
l’opium en Chine durant la guerre, et supervisé les cargaisons
de métaux industriels tels que le tungstène, le titane et le
platine en partance pour le Japon. Tout au long du XXe siècle, le
Japon était de loin le plus important producteur d’opium
d’Asie, tout particulièrement du fait de ses colonies de
Corée puis de Manchourie, saisie en 1931. Kodama fournissait de
l’héroïne et des liqueurs à la Chine occupée
en échange de pièces d’or, de bijoux et d’objets
d’art, que les Japonais fondaient ensuite pour en faire des lingots.
Après
la défaite, Kodama rentra au Japon immensément riche. Avant
d’être envoyé en prison, il offrit une partie de son butin
aux hommes politiques conservateurs Ichiro Hatoyama et Ichiro Kono, qui
utilisèrent ces recettes pour financer le jeune parti libéral,
précurseur du parti ayant été à la tête du
Japon quasiment sans interruption depuis 1949. A sa sortie de prison en 1949,
Kodama devint membre de la CIA et devint agent chef au Japon pour la
société Lockheed Aircraft. Il fut chargé de faire
chanter les hommes politiques pour qu’ils achètent des avions de
chasse Lockheed F-104 et des avions F-104. Grâce aux richesses issues
de son pillage, ses contacts avec le milieu contrebandier et sa position en
tant que partisan du militarisme, Kodama devint le parrain de
l’élaboration du parti unique pro-Américain au Japon.
Il
n'était pas le seul à profiter des conséquences de la
guerre. L’une des hypothèses les plus controversées des
Seagrave est que le pillage de l’Asie aurait eu lieu sous la
supervision de la maison Impériale, ce qui contredit
l’idée Américaine voulant que l’Empereur ait
été un pacifiste et rien de plus qu’un figurant dans la
guerre. Selon lui, après l’invasion de la Chine par le Japon le
7 juillet 1937, l’Empereur Hirohito aurait nommé l’un de
ses frères, le Prince Chichibu, à la tête d’une
organisation secrète appelée kin no yuri (‘le Lis d’Or’), et dont
l’objectif était de s’assurer que les activités de
contrebande étaient menées en bonne et due forme et
qu’aucune cargaison n’était détournée par
des officiers militaires ou autres personnes extérieures telles que
Kodama. Placer un Prince à la tête d’une telle
organisation permettait de garantir à ce que tout le monde se plie aux
ordres, et à ce que l’Empereur devienne immensément riche.
L’Empereur
a également employé le Prince Tsuneyoshi Takeda, l’un de
ses cousins, dans l’armée Kwantung en Manchourie, puis en tant
qu’officier de liaison personnel dans les quartiers du
général Hisaichi Terauchi à Saigon, afin qu’il
supervise les pillages et s’assure à ce que le butin soit
exporté vers des régions du Japon contrôlées par
Terauchi. Bien qu’affecté à Saigon, Takeda travailla
quasi-exclusivement aux Philippines en tant qu’adjoint du commandant
Chichibu. Hirohito nomma le Prince Yasuhiko, son oncle, au poste de
commandant adjoint de l’armée d’occupation de la Chine
centrale. C’est lui qui mena l’assaut final à Nanking,
alors capitale de la Chine, entre les 2 et 6 décembre 1937, et donna
l’ordre ‘d’exécuter tous les captifs’. Les
Japonais pillèrent 6000 tonnes d’or du trésor de Chiang
Kai-shek ainsi que des domiciles des dirigeants de la Chine Nationaliste. Les
trois Princes étaient diplômés d’université,
et tous trois survécurent à la guerre. Chichibu mourut en 1953
de tuberculose, mais les deux autres eurent le temps de devenir très
vieux.
Entre
l’hiver 1941 et le printemps 1942, avec la prise par le Japon de
l’ensemble de l’Asie du Sud, dont les Philippines et
l’Indonésie, la mission du Lis d’Or redoubla
d’importance. En plus des actifs monétaires des Hollandais, des
Anglais, des Français et des Américains dans leurs colonies
respectives, le Lis d’Or s’est emparé d’autant de
richesses Chinoises qu’il a pu en trouver, a pillé les temples
Bouddhistes, dérobé les Bouddhas d’or de Birmanie, vendu
de l’opium aux populations locales et volé des pierres
précieuses à tous ceux qui en possédaient. L’or
ainsi récolté était ensuite fondu sous forme de lingots
auprès d’un atelier de fonte dirigé par des Japonais
à Ipoh, en Malaisie, qui étaient ensuite marqués en
fonction de leur poids et pureté. Chichibu faisait l’inventaire
du butin et le faisait transporter par bateaux maquillés en
navires-hôpitaux vers le Japon. Il n’existait alors aucune route
terrestre entre la Corée et le Japon, à l’exception
d’une très courte période à la fin de
l’année 1944.
Beaucoup
d’or et de pierres précieuses furent perdus lors de conflits
sous-marins avec les Etats-Unis. Dès le début 1943, il
n’était plus possible pour le Japon de traverser le blocage des
Alliés autrement que par voie sous-marine. Chichibu transféra
donc ses quartiers depuis Singapour jusqu’à Manille, et demanda
à ce que les cargaisons soient désormais envoyées vers
les ports des Philippines. Lui et son personnel s’attendaient à
ce que la guerre prenne fin sur simple signature de contrat, et
s’imaginaient que les Etats-Unis rattacheraient les Philippines au
Japon en récompense pour avoir mis fin à la guerre. A partir de
1942, Chichibu supervisa la construction de 175 sites de stockage
‘impériaux’ destinés à dissimuler le butin
du Japon jusqu’à ce que la guerre prenne fin. Les travailleurs
forcés et prisonniers de guerre creusèrent des tunnels, et
s’y retrouvèrent souvent enterrés vivants aux
côtés de quelques officiers et soldats Japonais lorsque les
sites étaient rebouchés afin de garder leur localisation
secrète. Chacune de ces cachettes était piégée,
et les cartes du Lis d’or furent soigneusement codées pour
dissimuler toute information relative à leur localisation et leur
profondeur. A Manille, le Lis d’Or construit même des cavernes au
trésor dans le donjon de l’ancien fort Espagnol de Santiago, au
sein des anciens quartiers généraux Américains (Fort
McKinley, aujourd’hui Fort Bonifacio), sous la cathédrale de la
ville, ainsi qu’à tous les autres endroits que les
Américains ne penseraient jamais à bombarder. Vers la fin de la
guerre, Chichibu et Takeda fuirent vers le Japon en sous-marin.
Peu
de temps après la libération des Philippines, des agents
spéciaux Américains commencèrent à découvrir
un certain nombre de ces cavernes au trésor. La figure clé de
ces découvertes fut un Philippino-Américain né à
Luzon entre 1901 et 1907 et portant le nom de Severino Garcia Diaz Santa
Romana (etc…), et ayant travaillé pour le chef des services de
renseignements de MacArthur, le général Willoughby, au milieu
des années 1940. Lors de son service en tant que commandant aux
Philippines, il a un jour pu observer le déchargement de lourdes
caisses de bois par un navire Japonais, avant de voir ces mêmes caisses
être placées dans un tunnel dont l’entrée fut
ensuite dynamitée. Il s’est immédiatement douté de
ce qu’il se passait. Après la guerre, Santa Romana fut rejoint
à Manille par le capitaine de l’OSS (prédécesseur
de la CIA) Edward Lansdale. Lansdale devint plus tard un personnage important
de la Guerre Froide du fait de ses manipulations des gouvernements et
armées des Philippines et de l’Indochine Française. Il devint
ensuite major de la Royal Air Force avant de prendre sa retraite.
Ensemble,
Santa Romana et Lansdale torturèrent le chauffeur du
général Tomoyuki Yamashita, dernier commandant Japonais aux
Philippines, le forçant à divulguer les endroits dans lesquels
il avait conduit Yamashita au cours des derniers mois de la guerre. A
l’aide de troupes d’ingénieurs de l’armée
Américaine, ils rouvrirent une douzaine de sites dans la vallée
au nord de Manille. Ils furent impressionnés par la quantité de
lingots présents dans les tunnels, et firent part de leur découverte
à leurs supérieurs. Lansdale fut envoyé à Tokyo
pour en faire part à Macarthur et Willoughby qui ordonnèrent
à leur tour à Lansdale de se rendre à Washington pour en
informer Clark Clifford, responsable de la sécurité nationale
sous Truman. En conséquence, Robert Anderson, sur les conseils du membre
du Secrétariat de la Guerre Henry Stimson, retourna à Tokyo avec
Lansdale et, selon les Seagrave, s’envola ensuite secrètement
vers les Philippines avec MacArthur pour inspecter personnellement un certain
nombre de ces cavernes. Selon eux, la valeur des trésors
découverts à Luzon, ajoutée à ceux
découverts dans d’autres cachettes au Japon,
s’élevait à plusieurs milliards de dollars.
De
retour à Washington, il fut décidé par
d’importants membres du gouvernement, probablement Truman, de garder
ces découvertes secrètes et de transférer les butins
découverts vers de nombreux fonds secrets destinés à
financer les activités de la CIA. L’une des raisons à
cela aurait été de maintenir la stabilité du prix de
l’or et de conserver le système d’échange de
devises basé sur l’étalon or ayant été mis
en place à Bretton Woods en 1944. De la même manière que
le cartel des diamants en Afrique du Sud, les conspirateurs de Washington se
sont demandé ce qu’il se produirait si ce nouvel or était
soudainement injecté sur les marchés du monde. Ils
réalisèrent également que la participation de la maison
Impériale au pillage de l’Asie pourrait détruire l’histoire
officielle voulant que l’Empereur du Japon soit un biologiste
pacifiste. Washington a donc conclu que, bien que le Japon, ou du moins
l’Empereur, ait disposé d’assez de fonds pour indemniser
les prisonniers de guerre Alliés, le traité de paix devrait
être rédigé de manière à ce que la richesse
du Japon puisse demeurer secrète. Le traité a donc
laissé de côté toute possibilité pour les prisonniers
de guerre Américains de réclamer compensation. Afin de garder
secrètes les découvertes de Santa Romana et de Lansdale,
MacArthur décida également de se débarrasser de
Yamashita, ayant accompagné Chichibu à de nombreuses
condamnations de sites. Après un procès précipité
pour crime contre l’humanité, Yamashita fut pendu le 23
février 1946.
Sur
les ordres de Washington, Lansdale supervisa la fouille de nombreuses
cavernes creusées par le Lis d’Or, fit l’inventaire des
quantités de métal qu’elles contenaient, et les fit
transférer vers la base navale Américaine de Subic Bay et la
base aérienne de Clark Field. Selon Seagraves, deux employés de
Stimson, accompagnés d’experts financiers appartenant à
la nouvellement formée CIA, ordonnèrent à Santa Romana
de déposer l’or découvert auprès de 176 banques de
42 pays. Ces dépôts furent ouverts sous son propre nom afin de
conserver le secret quant à la propriété réelle
du butin. Une fois que l’or fut placé dans leurs coffres, les
banques délivrèrent des certificats encore plus
négociables que n’importe quelle monnaie, puisqu’ils
étaient réellement soutenus par de l’or. Grâce à
cette source monétaire aux allures infatigables, la CIA
influença les politiques du Japon, de la Grèce, de
l’Italie, de la Grande Bretagne et de beaucoup d’autres pays du
globe. Par exemple, les réserves monétaires de ce qui fut
appelé le ‘M-Fund’ (après le général
major William Marquat de la troupe de MacArthur) furent utilisées pour
financer le réarmement du Japon après l’éclatement
de la guerre de Corée, dans la mesure où même les Japonais
refusaient alors de dépenser de l’argent en ce sens. Ces fonds servirent
également à financer les attaques des
contre-révolutionnaires contre le gouvernement du Nicaragua, une
affaire qui à elle seule pourrait faire l’objet de plusieurs
volumes. Toute personne ayant été impliquée dans
l’affaire des fonds secrets de la CIA a vu sa carrière
ruinée.
Santa
Romana mourut en 1974, laissant derrière lui de nombreux testaments,
dont un testament olographe, faisant mention de Tarciana Rodriguez, une
Philippine qui était également la trésorière de
quelques-unes de ses nombreuses sociétés, et Luz Rambano, sa
concubine, en tant qu’héritiers principaux. Ces dernières
tentèrent donc de récupérer cet or puisqu’il avait
après tout été placé auprès de nombreuses
banques sous le nom de Santa Romana, et qu’elles possédaient
tous les documents dont elles avaient besoin pour ce faire. Grâce
à l’avocat de San Francisco Melvin Belli, Rambano porta plainte
contre John Reel, ancien PDG de Citibank à New York et actuel
président du NYSE, l’accusant de ‘conversion
erronée’, ou si vous préférez, d’avoir vendu
20 millions de dollars de l’or de Romana et utilisé les recettes
de ces ventes à des fins personnelles. Les Seagrave décrivent
de manière saisissante les réunions extraordinaires qui eurent
lieu entre Rambano et Reed ainsi que leurs avocats dans la salle de
réunion de Citibank à New York. Reed finit par avouer que
l’or avait été transféré sur un compte
Cititrust aux Bahamas.
Santa
Romana et Lansdale ne sont jamais parvenus à découvrir
l’intégralité des sites recelant les trésors du
Lis d’Or. Au fil des années, de plus en plus de chercheurs de
trésor se sont mis à creuser des trous dans la vallée de
Luzon, sous prétexte d’être à la recherche des
restes de membres de leur famille ou de leurs épouses. Dans le village
de Bambang, dans la vallée de Cagayan de la province Nueva Viscaya
– l’un des endroits dans lesquels Takeda dit avoir
été le plus actif -, il est normal de voir de vieux
‘touristes’ Japonais armés non pas de clubs de golf mais
de détecteurs de métaux sophistiqués. Cette
région des Philippines est l’une des régions dans
lesquelles était retranchée la Nouvelle Armée du Peuple,
et ne dispose d’aucune attraction touristique notable. De nombreux
locaux se sont mis, contre un petit pécule, à indiquer aux
touristes les plus crédules vers où chercher.
Vingt
ans après que Santa Romana cessa ses recherches, une seconde (et
violente) chasse à l’or commença, avec à sa
tête Ferdinand Marcos. Marcos fit la découverte de plus de 14
milliards de dollars d’or – dont six milliards de dollars dans
l’épave du navire Japonais Nachi
dans la baie de Manille, et 8 milliards dans le tunnel connu sous le nom de
‘Teresa 2’, 50 km au Sud de Manille, dans la province de Rizal.
En 2001, une crise politique éclata aux Philippines après que
Francisco Chavez ait déclaré qu’Irene Marcos-Araneta, la
plus jeune des filles de Marcos, possédait des biens d’une
valeur de 13,2 milliards de dollars sur un compte en Suisse.
L’existence de ce compte fut rendue publique après qu’elle
tenta de le transférer depuis l’Union de Banques Suisses vers la
Deutsche Bank de Düsseldorf. Marcos, ayant supervisé
l’ouverture d’au moins six sites et utilisé ses
employés pour voler les trésors découverts par les
paysans locaux, mourut en exil en 1989. En 1998, la Cour Suprême d’Hawaii
décréta le remboursement de la somme de 1,4 milliards de
dollars en faveur d’un Philippin à qui Marcos avait dérobé
un Bouddha en or qu’il avait découvert, et que Marcos
s’est également fait une joie de torturer pour avoir osé
protester.
Derrières
les découvertes de Marcos se cache Robert Curtis, chimiste, métallurgiste
et ingénieur minier du Nevada, que Marcos avait employé pour
fondre son or de manière à ce qu’il puisse remplir des critères
de pureté internationaux et être vendu sur les marchés.
Curtis se prouva également être le seul à pouvoir
décrypter les cartes codées ayant été
retrouvées en la possession de l’ancien valet de Takeda, un
jeune Philippin de la ville de Bambang. Les Seagrave décrivent dans le
détail les activités de Curtis, ainsi que la fois où
l’homme de main de Marcos, le général Ver, lui a permis
d’échapper de justesse à la mort après qu’il
ait découvert le trésor de ‘Teresa 2’.
Les
ouvrages des Seagrave sont structurés et détaillés, mais
ils ne sont pas entièrement fiable en tant que documents historiques. Les
auteurs ont tendance à exagérer les rôles des brigands
Japonais et des anciens militaires Américains à chaque fois que
les opérations des politiciens, des banquiers et de la CIA paraissent
suffisamment pétrifiantes. Ils connaissent bien les Philippines, mais
ne sont pas des experts de l’histoire du Japon et ne savent pas lire le
Japonais. L’ouvrage est truffé d’erreurs qui pourraient
aisément être corrigées par étudiant en Japonais
de deuxième année – par exemple, le bateau qu’ils
appellent Huzi devrait être
romanisé sous le nom Fuji ;
le plus important port de la mer du japon est Maizuru et non Maisaru ;
tairiki n’est pas un mot Japonais, mais tairiku ronin signifie ‘aventurier continental’ ou
‘opportuniste Chinois’ ; et le nom Ichivara est une
absurdité (il s’agit sûrement en réalité du
nom Ishihara).
Les
auteurs semblent conscients de leur souci de crédibilité,
puisqu’ils ont également publié deux CD-Roms contenant
plus de 900mb de documents, de cartes et de photographies réunies au
cours de leurs recherches. Ils peuvent être commandés sur leur
site internet (www.bowstring.net), et
sont inestimables, tout particulièrement pour les documents
qu’ils contiennent au sujet des opérations menées par le
gouvernement des Etats-Unis à l’encontre de l’ancien
avocat général Norbert Schlei. Schlei a autrefois
représenté une soixantaine de Japonais auxquels le gouvernement
Japonais avait offert des billets à ordre afin de garder secret le
M-Fund après que l’ancien premier ministre Tanaka fut
condamné pour corruption. Le gouvernement jugea ces billets à
ordre d’être des contrefaçons, et la carrière de
Schlei fut ruinée. Gold Warriors,
est cependant très certainement le meilleur guide disponible sur le
scandale de l’or de Yamashita, et ses auteurs jouent la carte de la
transparence en offrant à leurs lecteurs leur matériel de
recherche.
La
note d’auteur de l’ouvrage des Seagrave s’achève
ainsi : ‘Par mesure de précaution, si quoi que ce soit
devait se produire, nous avons fait en sorte que cet ouvrage soit disponible
sur un certain nombre de sites internet. Si nous venions à être
assassinés, nos lecteurs n’auront aucune difficulté quant
à savoir qui sera le responsable’. Malheureusement, la liste des
meurtriers potentiels dont le livre fait mention s’étend
à quelques milliers de généraux, espions, banquiers,
politiciens, avocats, chercheurs d’or et voleurs de plus d’une
douzaine de pays. Je souhaite une longue vie aux Seagrave. Sachez en passant
que d’importantes quantités d’or pillées par les
Japonais sont encore aujourd’hui enterrées aux Philippines.
Source
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